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ils refusèrent d'en tenir compte, car elle était loin de satisfaire à leurs désirs. Ils se mirent, au contraire, à chercher divers prétextes, et prétendirent que leur Imâm était Khelef, bien qu'ils eussent demandé la confirmation de ses pouvoirs, comme gouverneur, à l'Imam 'Abd el Ouahab; suivant eux, 'Abd el Ouahâb ne pouvait être leur Imâm, parce qu'il avait introduit des nouveautés dans la religion d'Allah; ils soutenaient aussi que les autorisations d'Abd el Ouahàb étaient nulles, et que, s'il était maitre de son côté, ils l'étaient aussi du leur. Leur schisme provient de là (1). Notre seul sujet de querelle

ben Isma'tl el Meç'abii, qui lui communiqua sa science; mais Abou Mahaddi lui survécut. Parmi les personnages célèbres de cette première partie du neuvième siècle, on compte aussi : Abou el Nedjâa Iounes ben Sa'id ben Ta'ârit; Sa'id ben 'Ali el Khirii,, venu de Djerba se fixer dans l'Ouâd Mezâb;

est تجنينة ,Tajenint) التجني Eroub ben Qasim et Tajeninii

El 'Atef); 'Abd el 'Aziz ben Iahia, des gens de Ghardâïa ; Cheikh Ahmed ben Sa'îd; l'imâm Mohammed ben Ismâ'il du 'Oman. Citons encore: Abou Mahadai Isma'il; Abou Slimân Daoud ben Ibrâhîm. L'ignorant ne doit pas penser qu'il nous reste peu d'hommes illustres à mentionner; dans chaque siècle, nous n'en avons nommé qu'un sur mille. »>

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(1) Tout ce chapitre de la Chronique ibâdite est un document historique précieux : car ajouté au chapitre des Noukkar et aux nombreux passages dans lesquels nous voyons l'Imâm trancher des questions de droit, il l'achève l'idée que nous pouvons nous faire du pouvoir suprême chez les Ibadites du neuvième siècle. Le mot Imam, dérivé de (coram, ante), signifie exactement, praeses, antecessor, et en particulier qui praeit populo sacros ritus et sacrorum antistes. On lui donne aussi le sens de linea quae adhibetur ad servandam rectitudinem in aedificando (Freytag). Il pourrait donc être traduit par Président, Directeur. L'Imâm est en quelque sorte la règle vivante.

Les Ibâdites, comme les autres mahométans, ajoutent souvent

avec eux est la validité de l'Imâmat d'Abd el Ouahâb (qu'Allah l'agrée). Nous mentionnerons leurs dires et les objections qu'on leur oppose dans le livre des schismes des lbâdites.

à ce nom celui d'Emir des Croyants, et le sens de Emir, si on le traduit exactement, est analogue, car il signifie ordonnateur plutôt encore que commandant. Les ordres émanent, en effet, non pas de l'Emir, mais d'Allah lui-même. Les Orthodoxes usent aussi fréquemment de ces mots Imam et Emir; mais ils n'y attachent pas un sens aussi rigoureux ; ils n'insistent pas autant que les Ibâdites sur la valeur indiscutable et incomparable des paroles divines que l'Imâm ne doit qu'appliquer, et ils en sont venus rapidement à considérer leurs Emirs comme des potentats analogues à nos rois, tandis que les Ibadites s'en sont tenus obstinément à la conception toute religieuse et démocratique de l'islamisme primitif, en vertu de laquelle le chef suprême des croyants n'est qu'un délégué. Cette délégation, constitutive des pouvoirs de l'Imâm, est nettement définie dans le Kitâb el Ouad'a du Cheikh Abou Zakaria Iahia el Djennâouni : « Relativement aux ordres et aux défenses, il est ordonné par Allah lui-même, d'une manière obligatoire, à tous les Musulmans, de constituer un pouvoir qui fasse exécuter le bien et empêche de faire le mal, pouvoir sans cesse agissant et capable d'exiger la soumission de ses serviteurs. Les Noukkar ne l'admettent point et soutiennent que l'Imâm n'a le droit de contraindre que dans les limites d'une charte; mais la preuve qui les condamne est cette parole du Très-Haut : « celui qui est chargé de vous faire exéter les ordres » ; et cette parole de l'Envoyé : «Votre Emir serait-il un nègre d'Abyssinie au nez écrasé, s'il commande suivant le livre d'Allah et la Sounna, écoutez Allah et obéissezlui. »

L'Imam est donc élu en vertu d'une prescription divine. Les Musulmans (et par ce mot nous entendons toujours les 【bâdites) ne sauraient se dispenser de l'élire lorsqu'ils le peuvent; mais cette élection n'est point populaire dans le sens où nous l'entendons aujourd'hui. D'abord, la possibilité de l'élection doit être déterminée. Si les Musulmans sont en trop petit nombre, et si leurs ennemis sont trop forts pour qu'ils puissent raisonnablement fonder l'empire d'Allah, ils doivent demeu

LIEUTENANCE D'ABOU 'OBEÏDA 'ABD EL HAMÎD

(qu'Allah lui fasse misériorde et lui accorde ses faveurs.)

Abou el Hasan Eïoub, lieutenant d'Abd el Ouahâb dans le Djebel Nefous, vint à mourir. Il avait été un de

rer dans l'état de secret; mais qui en est juge? La foule, ou le groupe des Mchèkh, dont l'expérience, les vertus, les relations constantes avec les Frères de l'Est, font les chefs naturels des petits cantons ibâdites? Assurément, ce sont les Mchèkh qui proclament le moment venu. Ce sont encore les Mchèkh qui fixent le choix des électeurs sur les candidats à l'Imâmat; car, si la seule condition requise pour être nommé Imâm est la connaissance exacte des lois d'Allah jointe à la pratique des bonnes mœurs, les seuls Mchèkh sont capables d'affirmer à coup sûr que tel ou tel personnage satisfait à cette condition. Nous voyons ainsi apparaître dès l'origine l'autorité ecclésiastique qui s'épanouira plus tard absolument maîtresse dans l'Ouâd Mezåb.

Les pouvoirs de l'Imam sont à la fois strictement délimités et très multiples. Je tenterai plus tard de les énumérer en détail en montrant comment chacun d'eux dérive d'une parole du Très-Haut ou d'une parole du Prophète; mais je n'essayerai pas de les classer, car ils ont tous la même importance, ayant tous la même origine. A ce point de vue, rien n'est plus logique que la conception des Ibâdites. Je me contenterai de faire valoir ici le triple rôle de l'Imâm comme chef de guerre, juge et légiste. Il est chef de guerre, car il doit contraindre au bien et empêcher le mal. Si un Musulman commet une faute, l'Imam doit l'inviter à la réparer; s'il refuse, il doit lui déclarer la guerre; s'il se trouve en rapport avec des Chrétiens, des Juifs ou des Sabéens, il doit les inviter à entrer dans l'Islamisme ou à payer la djazia; s'ils refusent, il doit leur déclarer la guerre; s'il a devant lui des païens adorateurs d'idoles, il doit les inviter à entrer dans l'Islamisme sans leur offrir la ressource de la djazia; s'ils refusent, il doit leur déclarer la guerre (Kitâb el Ouad'a). Il est juge, car il est élu pour faire prévaloir les ordres du Très-Haut. Le droit qu'il applique n'est pas une conception humaine. Allah veut que l'appel de l'opprimé soit entendu à toute heure; et l'Imam ne saurait s'y dérober, quelque difficile que soit la cause qui lui est soumise. Il

ceux qui s'étaient opposés aux agissements de Khelef. Aussitôt, les Nefousa écrivirent à l'Imâm (qu'Allah l'agrée), lui annonçant la mort de leur gouverneur, et demandant qu'un successeur lui fût donné. L'lmâm leur ré

est Théologien, car il est la sauvegarde de la Foi en face des dissidents. Il ne lui est pas permis de rester court dans une dispute le peuple fidèle serait ébranlé, si l'Imâm, quelque vaillant qu'il fût par l'épée, hésitait devant un argument. Certes on peut trouver parmi les Musulmans des légistes plus habiles, des savants plus instruits que l'Imâm: l'autorité de ces légistes et de ces savants ne diminue en rien la sienne, comme nous l'avons vu plus haut; mais nous voyons aussi dans toute cette Chronique, l'Imâm rendre des décisions nombreuses, jouer le premier rôle dans les tournois théologiques, consacrer ses nuits à des veilles studieuses, s'asseoir dans un cercle d'érudits ou devant des plaignants, comme Saint-Louis sous le chêne de Vincennes. Toutes les infractions à la loi, quelles qu'elles soient, sont de son ressort.

L'Imam règne en maître absolu, tant qu'il applique, sans y rien changer, la loi divine. Il a ses ministres auxquels il demande conseil; mais il peut s'en dispenser, il nomme et révoque à son gré les gouverneurs des provinces, il ne rend compte à personne des contributions qu'il prélève, ni de l'usage qu'il en fait car ces contributions sont réglées par la religion. Est hérétique quiconque cherche à limiter son pouvoir.

L'Imâm est révocable dès qu'il cesse d'appliquer strictement les préceptes du Koran et de la Sounna. Essentiellement conservateur, imposé à la multitude pour qu'Allah règne sur la terre, il déchoit dès qu'il innove, et son crime est d'autant plus grand que sa fonction était plus haute. Un imâm novateur serait un monstre inexplicable. Cependant tous les Croyants indistinctement ne sont pas juges d'un tel prodige : quelle est la science, quelle est l'autorité du commerçant, du laboureur, du pasteur, du guerrier, occupés uniquement des choses de ce monde ? Les seuls savants, lecteurs du Koran, détachés du présent et avides de la vie future, les seuls Mchèkh en un mot, sont capables de révoquer l'Imâm. Il doit donc gouverner sans cesse d'accord avec les Mchèkh, sous la menace d'un concile ecclésiastique qui peut le réduire à néant. Nous étions tenté de le comparer à saint Louis; il est plus juste de le comparer å Charles le Chauve.

pondit qu'il les invitait à choisir l'homme le plus distingué d'entre eux et à lui confier la direction des affaires des Musulmans. Ils le nommeraient ensuite à l'Imâm. Ils se réunirent au reçu de la lettre d'Abd el Ouahâb, et le seul homme qui leur parut digne d'être élu fut Abou 'Obeïda. Ils répondirent donc que Abou 'Obeïda 'Abd el Hamid méritait seul de commander les Musulmans, et en conséquence, l'Imâm leur ordonna de l'investir de l'autorité suprême dans le Djebel Nefous. Les Nefousa se réunirent une seconde fois pour recevoir la délégation et les ordres de l'Imâm, puis ils envoyèrent à Abou 'Obeïda des messagers chargés de lui dire : « L'Émir des Croyants nous ordonne de te nommer son lieutenant et notre gou

Telle est l'idée de gouvernement que les Ibâdites avaient déduite du principe fondamental : « Dieu seul commande. » On voit par là qu'il leur était impossible d'admettre qu'une seule famille eût le privilège de fournir, de père en fils, sans contrôle, des lieutenants du Prophète (Khâlifes) au monde mahométan, ce qui est la doctrine des orthodoxes. S'ils conservaient l'Imåmat dans la famille des Rostemides de Tahèrt, c'est parce qu'Abd el Ouahâb avait paru aux Mchèkh aussi digne du pouvoir que son père 'Abd er Rahman ben Roustem. En outre, comme nous l'avons déjà marqué, cette famille des Rostemides était étrangère, sans attache en Afrique, et aucune tribu, aucun clan ne se serait soulevé en leur faveur dans le cas d'une révocation.

Enfin, cette définition de l'Imâmat ibâdite nous permet de comprendre pourquoi la nomination de Khelef par le peuple de la banlieue de Trablès sans l'assentiment de l'Imâm est qualifiée de schisme. Outre que, dans la doctrine ibâdite, la moindre infraction à la règle religieuse exclut de la communauté celui qui la commet, un acte de désobéissance envers l'Imâm constitue une innovation condamnable au premier chef. C'est à ce point de vue qu'il faut se placer dans toute cette histoire, en se gardant bien de nos distinctions modernes entre les choses civiles et les choses religieuses. (Voy. p. 75, n. 1.)

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