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donnant chaque jour l'exemple de sa science, de sa douceur, de sa patience, et de son dévouement aux intérêts des Musulmans.

On rapporte qu'un jour deux hommes vinrent plaider devant l'Imam 'Abd el Ouahâb (qu'Allah l'agrée), dans le Djeboul Nefous. Le défendeur sollicitait une réponse; mais l'Imam, empêché par quelque raison, tardait de répondre. Le Nefousi dit alors : « Que dit ce bourgeois ? » Par ce mot « bourgeois, » c'était l'Imam qu'il désignait.

Tripoli à la tête d'une armée composée de Haoura et d'autres Berbers. Abd Allah, frère d'Ibrahim Ibn el Aghleb, gouvernait cette ville au nom de son père, quand il fut bloqué par l'ennemi. Ce fut pendant ce siége qu'il (Abd Allah) apprit la mort de son père, et, voulant se rendre tout de suite à Cairoua'n, pour y prendre le haut commandement, il acheta la paix d'Abd el Ouahâb, en cédant aux Berbers qui avaient suivi ce chef la possession de tout le pays ouvert. Abd el Ouahâb se retira alors du côté du Djebel Nefous, et laissa Abd Allah partir pour Cairouan. Cependant la Chronique Ibadite affirme qu'Abd el Ouahâb était maître des environs de Tripoli (Trablès), bien avant d'assiéger cette ville, et cela semble fort probable, car les Aghlebites ne possédaient pas de forteresse en dehors du côté du Djebel Nefous, et le pays était couru sans cesse par les Berbers. D'ailleurs ce passage du Malékite Ibn Khaldoun est en contradiction avec un autre passage du même écrivain (Ibid., p. 224. « En l'an 171 (787-8) Abd el Ouahab Ibn Rostam, seigneur de Tehèrt, demanda la paix au gouverneur de Cairouan, Rouh, fils de Hatem, fils de Cabiça el Mohellebi. En accueillant cette proposition, Rouh porta le dernier coup à la puissance des Berbers, et soumit, enfin, leurs cœurs à l'empire de la vraie religion et à l'autorité arabe.» Si les Berbers avaient été soumis enfin à l'autorité arabe dès 787, il est tout à fait surprenant de les voir assiéger le second Aghlabite dans Trablès, en 811. Ce qui est vrai, c'est que jamais la domination Ibadite, bien qu'ébranlée un instant par le schisme des Noukkar, et les attaques des Mo’atalazites, ne fut jamais mieux établie qu'au commencement du neuvième siècle de l'ère chrétienne.

'Abd el Ouahâb se tourna vers les assistants, et dit : <«< Ibn el Moghtir est-il ici? » On répondit : « Non. » Il dit alors aux deux plaideurs : « Votre affaire est remise à demain. » Ils revinrent le lendemain l'lmâm leur fit encore attendre sa réponse comme la veille, puis dit aux assistants : « Ibn Moghtir est-il ici? » On répondit « Non. » Il dit à son tour: « L'affaire est remise à demain. » Il en fut de même le troisième jour. Le quatrième jour, les deux plaideurs se présentèrent encore et sollicitèrent une décision. L'lmàm refusa de répondre, et le Nefousi répéta : « Qu'a dit ce bourgeois ? » L'lmam demanda aux assistants : « Ibn Moghtir est-il ici? » Cette fois, Ibn Moghtir était assis dans l'assemblée, le visage à demi couvert. A peine l'Imâm eût-il achevé de parler, qu'il se précipita sur l'insolent, le renversa et le tint sous son genou. L'homme cria: «< A l'aide, sauve-moi, Émir des Croyants. » Abd el Ouahâb ordonna à Ibn Moghtir de le lâcher, puis rendit la décision que les deux plaideurs lui demandaient. Depuis ce temps, il n'eut plus à souffrir d'insolences.

DEUXIÈME SCHISME PARMI LES IBADITES.

Comme l'Imam (qu'Allah l'agrée) se préparait à revenir à Tahert, une députation de gens de Trables vint se présenter à lui et lui demander qu'il leur donnât un gou

verneur.

Or, l'Imam avait alors pour vizir Es Smah ben 'Abd el 'Ala (qu'Allah l'agrée), qu'il tenait en grande amitié el en haute estime, ne cessant d'en faire l'éloge. D'ailleurs, Es Smah était fils de l'ancien Imam de Trablès, Abou el Khottab. C'est lui que la députation pria l'Imam de dé

signer. L'Imâm, en les entendant, conçut un vif regret de se séparer de son cher vizir, et leur dit : « Assemblée des Musulmans, vous n'ignorez pas qu'Es Smah, mon vizir, est à mes yeux le meilleur des hommes et le plus sûr de mes conseillers, et que je désire le conserver près de moi; cependant, si vous désirez qu'il soit votre gouverneur, je vous préférerai à moi-même, et je le nommerai à ce poste. » L'Imâm (qu'Allah l'agrée) leur fit ensuite ses adieux et retourna à Tahert. Es Smah fut gouverneur de la banlieue de Trablès. Il se distingua par son équité et ne cessa jamais de faire profiter de ses bons conseils I'lmâm 'Abd el Ouahâb, auquel il témoignait sans cesse la plus grande déférence.

Quand il fut sur le point de mourir, les grands et tous les personnages qu'il avait investis de quelque autorité se réunirent autour de lui et lui dirent: « Fais-nous tes recommandations, et donne-nous tes derniers ordres (qu'Allah te fasse miséricorde). Nous t'avons été fidèles pendant ta vie, et nous voulons que, même après ta mort, tu continues de nous diriger pour notre bien et pour celui de l'Imâm. » Es Smah leur répondit : « Je vous recommande de craindre Allah, d'exécuter ce qu'il vous a ordonné de faire, et d'éviter ce qu'il vous a interdit; je vous recommande de demeurer dans l'obéissance de l'Imam 'Abd el Ouahâb, tant qu'il restera lui-même dans les limites de la religion d'Allah, à laquelle vous êtes soumis, comme l'ont été vos ancêtres et comme le seront vos descendants, s'ils restent purs. » Ensuite il expira (qu'Allah lui fasse miséricorde). La mort d'Es Smah frappa le peuple de stupeur; elle semblait un événement extraordinaire; on ne tarissait point sur l'excellence de son gouvernement, ni sur l'éminente dignité de ses ver

tus. Or, il laissait un fils nommé Khelef. La foule ignorante des choses de la religion et des devoirs qui sont imposés aux Musulmans résolut de se donner pour gouverneur ce fils d'Es Smah, pensant que l'Emir des Croyants agréerait son choix; mais tous les personnages religieux, instruits et clairvoyants, furent d'un avis contraire (1)« Il ne vous convient pas, dirent-ils, d'aller

(1) La Chronique ibâdite désigne ici par les noms de gens de bien,, honnêtes gens, al', les personnages considérables dont l'autorité doit être prépondérante. Ces expressions sout tout à fait religieuses, car c'étaient la piété et la science des choses de la religion, non pas la fortune ou la force, qui marquaient les rangs parmi les Ibâdites. Le reste du peuple est le Commun, le Vulgaire, el 'Amma ls. Aujourd'hui, dans l'Ouâd Mezâb, cette distinction est encore plus tranchée. Les gens de bien forment une caste nommée généralement tolba, et qui se subdivise en Hazzaben, Irouan et Imesorda; ce sont les clercs : ils ont leur constitution propre, leur nombre limité, leurs lois spéciales, certains détails de costume particuliers. Le reste, qui mérite justement le nom de Laïques est dit Haouam pls (pluriel de ls), comme au temps de l'Imam 'Abd el Ouahab. J'ai déjà signalé cette opposition dans une note précédente (p. 62, n. 1); mais on ne saurait trop insister sur ce point véritablement capital de l'histoire des Beni Mezâb. L'ignorance dans laquelle nous laissait la réserve presque invincible de ces schismatiques mahométans nous a fait commettre parfois des erreurs graves. Il m'est impossible de ne pas citer à ce propos, une note de feu M. Berbrugger, d'autant plus que M. de Slane l'a consacrée de son autorité en l'insérant dans sa traduction d'Ibn Khaldoun (t. III, p. 203): a SUR L'EMPLOI DU MOT AZZAB, AZZABA, AZZABIA, POUR DÉSIgner les benI-MZAB................... Etant à Guerara, oasis du Mzab, en février 1851, j'adressai une lettre au cheikh Baba, à R'ardaïa, pour l'avertir que je me proposais de visiter cette capitale, lui annonçant en même temps que j'irais attendre sa rẻponse à Berrian. Ce chef religieux de l'Oued Mzab envoya, à ce sujet, à Salah ben Ba Saïd de la djemaâ de Berrian, une lettre où il se sert du mot Aszaba pour désigner les habitants

jamais au-devant d'une décision de l'Imâm en matière de gouvernement. » On leur répondit : « Nous le nommerons provisoirement, et nous espérons que l'Emir des Croyants le confirmera: sinon, nous le révoquerons. >>

de cette ville: s. Cette circonstance surtout me fit penser que ce mot Assaba désignait plutôt la secte que la nationalité. Cependant, des gens instruits du Mzab, avec qui j'ai eu l'occasion d'en parler, m'ont donné l'étymologie suivante dont je leur renvoie toute la responsabilité : Les Beni Mzab vivaient d'abord en Syrie; ils en sortirent du temps du Prophète, et devant ses armes. C'est un d'entre eux, leur docteur, Abd er Rahman ben ou Moldjem, qui tué le calife Ali. Ils ont habité ensuite auprès de Sebkha Saharia, canton de Djerba, et aussi dans le Djebel Nfoussa, à l'Ouest de Tripoli, de Barbarie. Ils tiraient leur origine d'Arabes de l'Irac; et il y a encore aujourd'hui dans l'Oman, des gens de leur secte; quand ils se rencontrent à La Mecque, ils ne manquent pas de fraterniser. Une série d'aventures qu'il serait trop long de raconter, mais dont la base est toujours quelque persécution motivée par leur hétérodoxie, les amène dans l'affreux pays appelé aujourd'hui le Mzab, et qui se nommait alors OuedMezar, appellation dont il est resté quelques traces dans le Tmisèrt qu'on rencontre entre Bounoura et Mlika. Arrivés dans cet endroit isolé que personne ne devait songer à leur disputer, pensaient-ils, azebou, c'est-à-dire ils se fixèrent. De là, disent-ils, leur nom d'Azzaba. Cependant, avant leur arrivée, il y avait dans la contrée des Ouaslia qui durent se retirer devant les armes triomphantes d'Ammi Mohammed ou Babakeur, chef des Beni Msab. Ceci est la version de ces derniers, car une autre autorité attribue cette conquête à AmmiMohammed el Saeh, une illustration de Blidt-Ameur, petite oasis à environ 26 kilomètres au Sud-Ouest de Tougourt. M. Prax a commis une grave erreur à propos du chef de la secte des Azzaba. Il a dit (Revue orientale, déc. 1849, p. 356): Mohammed el Kairoani, dans son Histoire de l'Afrique, traduite par MM. Pélissier et Rémusat, nous montre le chef de cette secte Abaïd-Allah, partant de La Mecque pour le Magreb, en 280 de l'Hégire, et convertissant les Berbères qui accouraient à lui de tous côtés. » L'Obeïd Allah dont El Kairouani raconte les aventures, n'est pas le chef de la secte des Abadia,

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