pour présenter à la métropole la « note à payer » en invoquant le même principe de justice qui avait fait l'accord unanime des combattants et qui allait présider au moment de la Paix à la délivrance des nationalités opprimées! Nos colonies n'ont point montré cette hâte injurieuse. Elles ont eu confiance dans l'esprit d'équité de la France, elles ont attendu l'heure des émancipations, parce qu'elles savaient que celles-ci ne leur seraient pas refusées lorsqu'elles seraient capables de se diriger elles-mêmes. Nous avons bien vu, par endroits, des minorités avancées réclamer une évolution rapide et élever des prétentions politiques peu en rapport avec leurs aptitudes à se conduire elles-mêmes. Mais jamais les revendications les plus véhémentes n'ont dégénéré en menées séparatistes, jamais l'idée de sécession n'a été évoquée. De pareils mouvements ne se sont-ils pas produits d'ailleurs dans les pays civilisés ? et pour nos colonies en particulier ne sont-ils pas précisément la conséquence des théories assimilatrices qui ont inspiré notre œuvre coloniale pendant la plus grande partie du xixe siècle? Ne sont-ils pas la rançon d'un système d'éducation mal approprié à ses fins ou tout au moins appliqué prématurément ? Ce que nous appréhendons, dans la mentalité de nos protégés africains, c'est la propension mystique qui, avec une instruction mal donnée et mal reçue, cesserait de s'exercer dans le domaine religieux pour aborder celui de la politique, mystique spéciale elle-même. C'est pourquoi nous préconisons un enseignement documentaire et expérimental qui inclinera les esprits vers la notion d'un réalisme exact et les déshabituera des rêves stériles et dangereux pour lesquels ils marquent une dilection maladive. Gardons-nous d'arracher l'indigène de son milieu. Déduisons les lois morales de ses représentations collectives familières; respectons les vieilles traditions et les coutumes auxquelles s'attachent encore tant d'intérêts. Répandons des principes solides sans verbiage inutile: devoir, travail, honneur, solidarité. Si ce programme s'exécute, nous aurons réalisé l'expérience curieuse, singulière, d'avoir fait brûler à nos sujets l'étape religieuse que nous-mêmes avons mis des siècles à parcourir. Si l'évolution mystique est une maladie de l'humanité, nous aurons supprimé la période critique, hâté la convalescence et favorisé l'accession à une conscience vigoureuse, saine et maîtresse de ses énergies. Et quand, après une telle formation, des générations d'Africains auront, grâce à l'appui de la France généreuse, atteint enfin leur majorité sociale, faut-il redouter qu'ils se tournent vers elle pour lui signifier que son rôle est fini et qu'ils entendent vivre libres désormais? « Il y a pour chaque république, a dit Quinet, un moment où ses ennemis la somment de périr au nom de son principe même, l'invitent à se tuer pour être conséquente ». Il n'appartient à personne de dire ce que sera demain, mais si de telles éventualités sont à craindre, nous aurons fait ce qui était humainement possible pour les éviter, en conduisant nos protégés des limites de la barbarie au plein jour de la conscience humaine. Si au terme de leur croissance les colonies doivent obtenir une large autonomie, comme les enfants majeurs doivent chercher un jour leur voie hors de la famille, nous aurons au moins l'assurance que cette émancipation se fera progressivement, sans déchirement ni violence. La reconnaissance subsistera en elles d'une tutelle bienveillante qui aura largement contribué à leur développement, et il est probable que les liens d'intérêt rendront plus étroite encore cette dépendance morale de la colonie évoluée à la métropole. Mais ce sont là des pronostics à longue échéance qui ne sauraient nous faire oublier les réalités actuelles. Les devoirs de l'heure présente suffisent à occuper notre activité. Nons connaissons désormais le but à atteindre; il nous reste, et c'est notre tâche à nous coloniaux, à exécuter le programme. Agissons de telle sorte que nos protégés africains se sentent toujours redevables envers nous des bienfaits d'une direction soucieuse de leurs intérêts, aussi éloignée des excès d'une domination oppressive que des faiblesses qui compromettraient le prestige de la France et nuiraient à leur propre développement social en leur attribuant prématurément des libertés dont ils ne sauraient pas user. Pour nous, Français, coloniser c'est éduquer. Que notre tutelle bienveillante et ferme tende à inspirer aux indigènes ces sentiments de filiale reconnaissance à la Patrie commune, et nous pourrons envisager l'avenir avec confiance. INTRODUCTION. TABLE DES MATIÈRES PREMIÈRE PARTIE Le Naturisme. CHAPITRE PRemier. veloppement humain............. I. Insuffisance du vocabulaire anthropologique. II. a). Caractères mystiques des conceptions dans la men- b). c). - - Indifférence de la mentalité primitive aux données - - - Universalité du naturisme. — (Caractère extérieur), - 15 - supérieures antiques : religions égyptiennes; religions --- - - - Religions de la Religions des - Perse. Religions grecques et italiques. Religions CHAPITRE II. - - - L'Homme dans ses rapports avec la collectivité... Examen de la notion: l'homme, animal social......... - II. Isolement du naturiste à la période préculturale. - Con- Individualisme du primitif. — Conséquences dans la vie - Réactions de la Société contre l'égoïsme et l'individua- - lisme des primitifs. Obligation pour les hommes de - - 10 Totémisme d'alliance. Quelques exemples de légendes relatives à la parenté 20 Totémisme de transmigration. Incompréhen- Origine mystique et universalité de son rôle social. - Formation de l'idée de sanction et d'autorité. -- Action préventive du devin contre les - - Attribu- 83 Elaboration des Les cycles succes- sifs de la vie et de la mort. Réincarnation des es- - d). - - - Les Chefs. Origine mystique du commandement : Fausseté et danger de l'opinion courante qui assimile La seconde erreur est l'opinion qui fait considérer l'assi- milation religieuse des naturistes par les musulmans Classification des croyances : croyances anthropologiques, ethniques, nationales; 141 |