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possession de leurs terres, mais à la condition de lui fournir une portion des récoltes Il attaqua ensuite les Arabes, livra au pillage leurs camps et leurs lieux de station, et les contraignit ainsi à faire leur soumission; mais telle fut sa colère contre les Djochem, les Riah et les Acem, tribus qui avaient figuré en première ligne pendant cette révolte, qui les déporta en Maghreb.

En l'an 584 (1188-9), El-Mansour reprit le chemin du Maghreb et Ibn-Ghanîa profita de son départ pour recommencer, avec Caracoch, ses courses dans le Djerîd. Il perdit la vie, cette même année, dans une rencontre avec les habitants de Nefzaoua, ayant été atteint par une flèche lancée au hasard. On l'enterra de ce côté-là, tout en cachant l'emplacement de son tombeau. Selon un autre récit, son corps fut transporté à Maïorque pour y être enterré.

Yahya, fils d'Ishac-Ibn-Mohammed-Ibn-Ghanîa, prit alors le commandement du parti almoravide et maintint avec Caracoch l'alliance offensive et défensive qui avait subsisté entre son frère Ali et ce chef.

En 586 (1190), Caracoch passa aux Almohades et reçut, à Tunis, un très-bon accueil du cîd Abou-Zeid. Quelques jours plus tard, il s'évada furtivement et réussit, par de fausses représentations, à se faire ouvrir les portes de Cabes. A peine maître de cette ville, il en massacra une partie des habitants et, ayant alors invité les chefs des tribus soleimides, les Debbab et les Kaoub, à venir le voir dans le château d'El-Aroucïîn, il les fit mourir au nombre de soixante-dix individus. Parmi ses victimes se trouvèrent Abou-'l-Mehamed-Mahmoud-Ibn-Tauc et Abou-'lDjouari-Hamîd-Ibn-Djaria. Il alla ensuite s'emparer de la ville de Tripoli, et s'étant tourné de là vers le Djerîd, il en soumit la plus grande partie. Une mésintelligence ayant éclaté entre lui et Ibn-Ghania, celui-ci marcha à sa rencontre, mit ses troupes en déroute et le força à se réfugier dans les montagnes. De là, Caracoch s'enfuit vers le Désert et fixa son séjour dans Oueddan ; mais, peu de temps après, Ibn-Ghanîa, secondé par un corps d'Arabes debbabiens qui brûlaient de venger la mort de leurs chefs, emporta cette place d'assaut et lui ôta la vie. Le fils de

Caracoch passa aux Almohades et, jusqu'au règne de [Youçof-] el-Mostancer, il continua à habiter la capitale de leur empire. Il s'enfuit alors à Oueddan d'où il fit des courses dans les pays voisins, jusqu'à ce qu'en 656 (1258), il fut assassiné par des émissaires du roi de Kanem.

Revenons encore à Ibn-Ghania et citons les renseignements fournis par Et-Tidjani dans son Rihla. Devenu maître du Djerîd, il força Yacout, affranchi de Caracoch, à lui livrer la forteresse de Torra. De là, Yacout se rendit à Tripoli et, pendant un temps considérable, il y fit une vigoureuse résistance. Ibn-Ghania eut alors recours à son frère Ahd-Allah [souverain des Baléares], et ayant obtenu l'envoi de deux navires faisant partie de la flotte de Maïorque, il parvint à s'emparer de la ville. Yacout fut fait prisonnier et envoyé à Maïorque où il resta en détention jusqu'à la prise de cette île par les Almohades.

Nous allons maintenant reprendre l'histoire de Maïorque. Quand Ali-Ibn-Ghanîa partit pour s'emparer de Bougie, il laissa son frère Mohammed et Ali-Ibn-ez-Zoborteir prisonniers dans cette île. Ibn-ez-Zoborteir, sachant que les fils de Ghanîa avaient emmené la majeure partie de la garnison, se mit, du fond de sa prison, à entretenir une correspondance avec quelques habitants de l'île et réussit à les soulever en faveur de Mohammed. Les insurgés envahirent la citadelle et ne renoncèrent aux hostilités qu'après avoir fait mettre en liberté leur ancien émir ainsi qu'Ibn-ez-Zoborteir. Mohammed reprit alors le commandement de l'île et, comme il avait embrassé le parti des Almohades, il se rendit auprès de Yacoub-el-Mansour et emmena Ibn-ez-Zoborteir avec lui. Abd-Allah-Ibn-Ishac [-Ibn-Ghanîa] quitta alors l'Ifrîkïa et obtint, en Sicile, l'appui d'une flotte qui le rendit maître de Maïorque. Il y régnait encore quand son frère Ali lui fit demander des secours afin de pouvoir réduire la ville de Tripoli.

Quant à Yacout, il resta en captivité chez Abd-Allah-IbnIshac jusqu'à la défaite de cet émir par les Almohades en 599 (1202-3). Abd-Allah y perdit la vie et Yacout alla passer le reste de ses jours à Maroc.

Yahya-Ibn-Ghania s'étant emparé de Tripoli y laissa son cou

sin, Tachefîn-Ibn-Ghazi, en qualité de gouverneur et marcha contre Cabes. Les habitants de cette ville venaient d'obtenir pour commandant un officier almohade nommé Omar-Ibn-Tafraguîn. Ce fut à l'époque où Tripoli succomba qu'ils s'adressèrent au cheikh Abou-Said le hafside pour avoir un gouverneur; car ils se voyaient abandonnés par le lieutenant que Caracoch avait établi chez eux. Ibn-Ghanîa mit donc le siége devant Cabes et força les habitants à capituler. Par un des articles du traité, Ibn-Tafraguîn eut l'autorisation de s'en aller librement. Ceci se passa en 591 (1195). Le vainqueur imposa sur les habitants une contribution forcée de soixante mille pièces d'or. En l'an 597 (1200-1), il prit El-Mehdïa et y fit mourir Mohammed-er-Regragui qui s'y était rendu indépendant.

Mohammed-Ibn-Abd-el-Kerîm-er-Regragui, de la tribu de Koumia, naquit à El-Mehdïa et s'enrôla dans la milice, corps de troupes soldées que l'on y entretenait. Doué d'une grande bravoure, il parvint facilement à former une bande de cavaliers et de fantassins avec laquelle il combattait les Arabes nomades qui dévastaient la province. La crainte qu'il leur inspira ajouta encore à sa réputation, pendant que sa conduite lui attirait les bénédictions du peuple. A cette époque, Abou-Saîd le hafside administrait l'lfrîkïa, charge qu'il occupait depuis l'avènement d'El-Mansour, et il venait de donner à son frère Abou-Ali-Younos le gouvernement d'El-Mehdia. Celui-ci ayant demandé à Ibn-Abd-el-Kerîm-er-Regragui la moitié du butin enlevé aux Arabes, essuya un refus dont il se vengea en persécutant et en emprisonnant ce brave soldat. En l'an 595 (1498-9), Ibn-Abdel-Kerîm se concerta avec ses affidés, s'empara de Younos et le retint prisonnier jusqu'à ce qu'Abou-Saîd le rachetât moyennant cinq cents dinars en or monnayé. Devenu ainsi maître d'ElMehdïa, il y proclama son indépendance et prit le titre d'ElMotéwakkel-ala-'llah (qui met sa confiance en Dieu). Le cîd Abou-Zeid, fils d'Abou-Hafs-Omar et petit-fils d'Abd-el-Moumen, vint alors prendre le gouvernement de l'Ifrîkïa, et, en l'an 596, il se vit assiéger dans Tunis par Ibn-Abd-el-Kerîm qui, ayant dressé son camp à la Goulette (Halk-el-ouadi), repoussa avec

T.II.

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avantage les sorties tentées par les Almohades. Le siége avait traîné en longueur, quand Ibn-Abd-el-Kerîm exauça les prières des habitants et s'éloigna. Arrivé sous les murs de Cabes, il y assiégea Yahya-Ibn-Ghanîa pendant quelque temps et, ensuite, il prit la route de Cafsa. Vivement poursuivi par Ibn-Ghanîa, il rentra dans El-Mehdïa où il eut bientôt à soutenir un siége. Ce fut en 597 (4200-4) qu'Ibn-Ghanîa prit position devant la ville et, avec l'aide de deux navires de guerre obtenus du cîd AbouZeid, il força son adversaire à se rendre et l'envoya mourir au fond d'une prison.

Maître de Tripoli, de Cabes, de Sfax et du Djerîd, Ibn-Ghanîa ajouta alors à ses états la ville d'El-Mehdïa. Ayant ensuite entrepris une expédition dans la partie occidentale de l'Ifrîkïa, il dressa ses catapultes contre la ville de Bèdja, la prit d'assaut et la ruina de fond en comble. Le gouverneur, Omar-Ibn-Ghaleb, y perdit la vie, et les habitants se réfugièrent dans Laribus et Sicca Veneria. Après le départ du chef almoravide, ils rentrèrent chez eux par l'ordre du cîd Abou-Zeid, mais Ibn-Ghanîa vint encore les y attaquer. La nouvelle de l'approche d'une armée almohade commandée par le cîd Abou-'l-Hacen, frère d'Abou-Zeid, l'obligea à lever le siége et à marcher à la rencontre de l'ennemi. Il s'ensuivit une bataille près de Constantine qui entraîna la défaite des Almohades et la prise de leur camp. Biskera étant tombé au pouvoir d'Ibn-Ghanîa, il fit couper les mains aux habitants et emmena prisonnier Abou-'l-Hacen-Ibn-Abi-Yala, officier qui y commandait. Après cette conquête, il occupa Tebessa et Cairouan; puis, ayant reçu les hommages des habitants de Bône, il rentra à El-Mehdîa.

Parvenu ainsi à un haut degré de puissance, il partit, l'an 599 (1202-3), pour assiéger Tunis, après avoir confié le gouvernement d'El-Mehdïa à son cousin Ali-el-Kafi, fils de Ghazi, fils d'Abd-Allah, fils de Mohammed, fils d'Ali et de Ghanîa. Il campa sur le Djebel-el-Ahmer (le Mont-Rouge), près de Tunis, fit occuper la Goulette par son frère, de manière à investir la ville, puis, il en fit combler les fossés et jouer ses catapultes et autres machines de guerre. Au bout de quatre mois, et dans la dernière

année du sixième siècle (4203), il emporta Tunis d'assaut. Parmi les prisonniers se trouvèrent le cîd Abou-Zeid et ses deux fils. Une contribution de cent mille pièces d'or fut imposée sur les habitants, et Ibn-Asfour, secrétaire d'Ibn-Ghanïa, entreprit de percevoir cette somme en se faisant seconder par Abou-BekrIbn-Abd-el-Azîz-Ibn-es-Sekak. Ces commissaires mirent tant de rigueur dans l'exécution de leur tâche, que la plupart de ceux qui passèrent par leurs mains auraient préféré la mort au traitement cruel qu'ils avaient dû subir. L'on rapporte même qu'Ismaïl-Ibn-Abd-er-Refiâ, membre d'une des premières familles de la ville, céda au désespoir et mit fin à ses jours en se précipitant dans un puits. Ce triste événement fit renoncer au recouvrement des sommes qui restaient encore à payer. Ibn-Ghania emmena prisonnier le cîd Abou-Zeid et, parvenu à Nefouça, il imposa sur les habitants de cette localité une contribution de deux millions de dinars (pièces d'or). Se livrant, dès lors, à toute espèce de violence, il opprima le peuple et se lança insolemment dans les excès de la tyrannie.

Le khalife En-Nacer éprouva l'indignation la plus vive en apprenant l'étendue des malheurs dont Ibn-Abd-el-Kerîm et IbnGhanta avaient accablé le peuple de l'Ifrîkïa; aussi, en l'an 601 (1204-5), il quitta Maroc et se mit en marche pour ce pays. A cette nouvelle, Ibn-Ghanîa sortit de Tunis, traversa Cairouan et, arrivé à Cafsa, il rassembla ses partisans arabes et s'en fit remettre des otages pour assurer leur fidélité. Quand il eut assiégé et ruiné Torra, forteresse située dans le pays de Nefzaoua, il se porta sur le Hamma des Matmata.

En-Nacer, étant arrivé à Tunis, se rendit à Cafsa et, de là, à Cabes où il apprit que son adversaire s'était retranché dans la montagne de Demmer. Ne voulant pas l'attaquer dans une position aussi forte, il alla camper sous les murs d'El-Mehdïa dont il se proposa d'entreprendre le siége. En l'an 602, pendant qu'il faisait construire des machines pour battre la place en brèche, il expédia contre Ibn-Ghanîa un corps de quatre mille Almohades commandés par Abou-Mohammed-Abd-el-Ouahed le hafside. Un engagement eut lieu entre les deux partis à Mont-Tadjera, aux

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