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messa et membres de la tribu des Maghraoua. Il les supplia, en conséquence, de porter remède aux maux qui affligeaient ses coréligionnaires.

Pour répondre à cette invitation, un corps nombreux d'Almoravides, montés, presque tous, sur des chameaux mehari3, quitta le Désert, en l'an 445 (1053-4), et se porta sur le Derâ. Leur but était d'enlever un troupeau d'environ cinquante mille chameaux qui se trouvaient dans le parc du gouvernement. Masoud-Ibn-Ouanoudîn, émir des Maghraoua et souverain de Sidjilmessa, marcha à leur rencontre afin de sauver ses chameaux et de protéger ses états. Un combat s'ensuivit dans lequel ce chef perdit la vie; ses troupes furent taillées en pièces; leurs richesses, leurs armes, leurs montures et les chameaux du parc devinrent la proie des Almoravides. Les vainqueurs marchèrent alors sur Sidjilmessa, y pénétrèrent de vive force et massacrèrent les débris de l'armée maghraouienne qui s'y étaient réfugiés. Ayant ensuite rétabli l'ordre dans le pays, en faisant disparaître les abus qui choquaient la religion et en supprimant les contributions illégales, telles que les mugharem et les mokous 3, ils

Voy. t. 1, chapitre sur les Beni-Khazroun, rois de Sidjilmessa.

Mehari est le pluriel de mohria, mot qui désigne un chameau de belle race, d'une marche très-rapide et capable de supporter les fatigues d'une longue course dans le Désert. Mohria dérive de Mohra, nom d'un chef arabe qui fut le premier à élever cette espèce de chameau. Selon le Camous, Mohra était fils de Haîdan. Quant aux mehari, le nom et la chose sont bien connus en Algérie.

3 Mokous, pluriel de meks, sont les droits de marché et de transit. Magharem, pluriel de maghrem, sont toutes les taxes et contributions qui ne sont pas autorisées par la loi divine. Les Mokous sont des magharem; aussi Ibn-Khaldoun aurait-il dû écrire : les mokous et autres magharem. Ce dernier mot, sous la forme gharama, est employé en Afrique pour désigner toutes les taxes imposées par le gouvernement. Dans les premiers siècles de l'islamisme, les musulmans payaient la dime; mais toutes les terres qui avaient appartenu aux chrétiens étaient soumises au kharadj. Le besoin d'argent porta ensuite les souverains de ce pays à substituer la zouidja à la dîme (Voy. l. 1, p. 404, note) et à introduire de nouvelles impositions dont aucune n'était autorisée par le Coran. Les dévots et les contribuables crièrent au scaudale, mais ils finirent par s'y habituer et par payer.

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qu'à ce qu'il eut fait disparaître du Maghreb toute trace de cette secte infidèle.

En l'an 451 (1059), douze mois après la mort d'Ibn-Yacîn, son successeur, Ibn-Addou, périt en combattant ce même peuple. L'année suivante, Abou-Bekr mit le siége devant la ville de Louata, et, l'ayant emportée d'assaut, il passa au fil de l'épée tous les Zenata qui s'y étaient enfermés.

Il n'avait pas encore terminé la conquête du Maghreb, quand il apprit que la division s'était mise entre les Lemtouna et les Messoufa, et cela, dans le Désert même, lieu de leur origine, région où ils avaient jeté leurs premières racines et dans laquelle ils s'étaient multipliés. Craignant que ces dissensions n'amenassent la rupture des liens qui tenaient ces tribus ensemble, il partit pour y porter remède. Cette démarche lui paraissait d'autant plus nécessaire qu'il désirait éviter la rencontre de Bologguin, fils de Mohammed-Ibn-Hammad et seigneur de la Calâ, qui, en l'an 453, venait de se mettre en marche pour le Maghreb. Ayant donc confié à sou cousin Youçof, fils de son oncle paternel Tachefîn, le soin de gouverner ce pays pendant son absence, il lui fit épouser Zeinab avec laquelle il divorça exprès, et se rendit au milieu de son peuple pour réparer les brêches que la discorde y avait opérées. Voulant alors donner un libre cours à leur ardeur, il les mena contre les nations infidèles du Soudan, et porta ses armes victorieuses jusqu'à la distance de quatre-vingt-dix journées au-delà du pays des Almoravides.

Pendant ce temps, Youçof-Ibn-Tachefîn se tenait sur la frontière du Maghreb, et Bologguîn, ayant assiégé Fez et obtenu des otages pour en assurer la soumission, était rentré dans le Maghreb central. Youçof passa alors dans le Maghreb et en soumit une grande partie. Abou-Bekr y arriva quelque temps après et trouva son lieutenant peu disposé à reconnaître son autorité. Zeinab avait conseillé à Youçof de faire acte d'indépendance, sous les yeux mêmes de son ancien chef, et de lui offrir en cadeau une quantité de ces objets et ustensiles dont on a le plus besoin dans le Désert. L'émir Abou-Bekr comprit la signification de ce don, et, pour éviter un conflit, il céda à Youçof-Ibn-Tachefîn le

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(1063), il entra à Fez, sans coup férir. De là, il marcha contre les Ghomara, enleva plusieurs de leurs villes et prit position sur la colline qui domine Tanger. Averti que cette forteresse était gardée par le chambellan Soggout-el-Berghouati, gouverneur de Ceuta, et par plusieurs autres officiers et partisans de la dynastie hammoudite [princes de Malaga], il revint à Fazaz pour en reprendre le siége. Moannecer profita de cette occasion pour surprendre la ville de Fez et tuer le gouverneur que Youçof y avait installé. Afin de recouvrer cette ville, Youçof invita MehdiIbn-Youçof, seigneur de Miknaça, à lui amener des renforts; mais ce chef n'avait pas encore effectué sa jonction avec l'armée almoravide, quand il eut une rencontre avec les troupes de Moannecer et perdit la bataille et la vie. Le vainqueur envoya la tête de son adversaire à Soggout-el-Berghouati, officier aussi hardi et aussi intrépide que lui-même.

Youçof-Ibn-Tachefîn vint alors au secours des Miknaciens en expédiant une armée lemtounienne contre Fez. Moannecer, voyant sa ville étroitement bloquée et vigoureusement attaquée, pendant que les habitants commençaient à sentir les atteintes de la disette, fit une sortie contre les assiégeants, bien résolu de vaincre ou de mourir 2. Dans cet effort suprême, la fortune le trahit et il resta sur le champ de bataille. Les Zenata, s'étant alors ralliés autour d'El-Cacem-Ibn-Mohammed-Ibn-Abd-er-Rahman, membre de la famille de Mouça-Ibn-Abi-'l-Afïa, princes de Tèza et de Teçoul, marchèrent contre les Almoravides et les battirent auprès de la rivière Safir.

Youçof - Ibn - Tachefin assiégeait encore le Calât - Mehdi, dans la province de Fazaz, quand il apprit la nouvelle de ce revers qui lui avait coûté beaucoup de monde. Ayant laissé un corps d'Almoravides sous les murs de cette forteresse pour en maintenir le blocus, il se mit à parcourir le territoire du Maghreb avec le reste de ses troupes. En l'an 456 (1064), il soumit [le

Ceci est le nom dont les copistes du Cartas ont fait Saghra et Sagra. Ci-après, dans le chapitre sur les Hammoudites du Rif, se trouve une notice de Soggout.

2 Le texte arabe dit : Pour (obtenir) l'une des deux délivrances.

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