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et alla rejoindre les rebelles. Comme Badis ne pouvait s'occuper d'eux à cause de sa guerre avec Felfoul et avec Yanès, affranchi qu'El-Hakem [le fatemide, souverain de l'Egypte] avait nommé au gouvernement de Tripoli, les révoltés profitèrent de son embarras pour donner carrière à leur perversité : ils portèrent le ravage dans tout le pays et formèrent même une alliance avec Felfoul. Abou-'l-Behar les quitta vers cette époque et se réconcilia avec Badis. En l'an 391 (1004), ils eurent, avec Hammad, une rencontre qui amena la défaite de leurs partisans et coûta la vie à Makcen et à ses deux fils1. Zaoui se jeta dans le Chennouan, montagne située dans la partie maritime du gouvernement de Milîana, et, de là, il passa en Espagne avec ses fils, ses neveux et ses gens. El-Mansour-Ibn-Abi-Amer, régent de l'empire oméïade et tuteur du khalifat, accueillit les réfugiés avec empressement et les attacha à sa personne pour en faire les soutiens de son pouvoir, les instruments au moyen desquels il compta établir sa domination sur l'empire et enlever au khalife toute son autorité. A cet effet, il les enrôla dans le corps de Zenatiens et d'autres Berbères qu'il avait pris à son service et avec lequel il venait de remplacer, en Espagne, la milice du sultan ainsi que les troupes oméïades et les contingents des tribus Arabes.

La puissance de ces Sanhadjiens augmenta à un tel degré qu'ils devinrent le principal appui d'El-Mansour et de ses fils et successeurs, El-Modaffer et En-Nacer. Lors de la chute de cette famille, Zaoui prit une part très-active à la guerre qui éclata entre les musulmans espagnols et les troupes berbères 2. Soutenu par les Sanhadja, par le corps entier des Zenata et par les autres Berbères, Zaoui s'acharna sur la ville de Cordoue jusqu'à ce qu'il parvînt à y établir l'autorité d'El-Mostaïn-Soleiman, fils d'El-Hakem et petit-fils de Soleiman-Ibn-en-Nacer. Ils avaient proclamé ce prince khalife et lui avaient juré fidélité, ainsi que

Ilaut lire ouebnaïhi dans le texte arabe. Voy. ci-devant, p. 17.

• Voy. la continuation de l'Art de vérifier les dates, t. 1, p. 426 et suiv.

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assigna pour demeure un de ses plus beaux palais ; il lui accorda même le premier rang à la cour et la préséance sur tous les autres descendants de Ziri. A l'approche de Zaoui, il envoya audevant de lui toutes les princesses de la famille royale, et l'on raconte qu'il se trouvait parmi elles mille individus tellement rapprochés de Zaoui par les liens du sang qu'il n'aurait pas pu en prendre une pour femme. Ce fut alors qu'il enterra la tête de son père dans le tombeau qui en renfermait le corps.

En quittant ses états espagnols, il y avait laissé son fils en qualité de lieutenant. Ce prince se rendit tellement impopulaire que les habitants de Grenade se révoltèrent contre lui, et faisant alors venir son cousin Habbous, fils de Makcen-Ibn-Zîri, qui habitait un château aux environs de la ville, ils fondèrent. une nouvelle dynastie en lui prêtant le serment de fidélité. Habbous devint un des plus puissants d'entre les petits souverains qui s'étaient partagé l'Espagne. Il mourut en 429 (1037-8).

Badîs, fils et successeur de Habbous, prit, en montant sur le trône, le titre d'El-Modaffer (le victorieux); mais tant qu'il exerça l'autorité suprême, il reconnut la souveraineté des Hammoudites. Les princes de cette famille venaient d'abandonner Cordoue et de se fixer à Malaga où ils régnaient sous le titre d'émirs. L'année même de l'avènement de Badîs, le chef amerite qui gouvernait Almeria 1, marcha contre lui; mais, dans une bataille qui se livra aux environs de Grenade, il essuya une défaite et perdit la vie. Après cette victoire, Badîs jouit d'un long règne et vit son amitié et son appui recherchés avec un extrême empressement par les autres rois des états espagnols.

En l'an 431 (1039-40), il réunit ses troupes à celles d'IbnBacanna, général au service d'Idris-Ibn-Hammoud, seigneur de

1 Il s'agit de Zoheir l'esclavon. Voy. History of the Mohammedan dynasties in Spain de M. de Gayangos, vol. 1, pp. 248, 257, 506. Cet ouvrage offre une foule de renseignements sur l'histoire politique, biographique et littéraire de l'Espagne musulmane. L'histoire des rois d'Alméria, qui se trouve dans la continuation de l'Art de vérifier les dates, ayant été empruntée à l'ouvrage de Conde, renferme de graves

erreurs.

Malaga, et marcha au secours de Mohammed-Ibn-Abd-Allah-elBerzali qu'Ismail, fils d'El-Cadi-Ibn-Abbad, tenait assiégé [dans la ville de Carmona]. Avant d'atteindre leur destination, ils rebroussèrent chemin et encouragèrent ainsi leur adversaire à les poursuivre. Un combat eut alors lieu qui amena la défaite d'Ismaîl, et ce malheureux, abandonné par les siens, tomba sous les coups des Sanhadja. Sa tète fut envoyée à Ibn-Hammoud.

El-Cader-Ibn-Di-'n-Noun, seigneur de Tolède, reçut aussi de Badîs un appui qui le mit en état de résister avec succès aux entreprises ambitieuses et aux tentatives hostiles d'Ibn-Abbad.

Ce fut Badîs qui, le premier, érigea Grenade en ville capitale ; il en fonda la citadelle, y bâtit des palais et l'entoura de fortifications. Encore aujourd'hui, on remarque les traces de sa puissance dans les constructions et bâtiments élevés par ses soins.

En l'an 449 (1057-8), lors de la chute des Hammoudites, il occupa la ville de Malaga et l'incorpora dans ses états. Sa mort eut lieu en 467 (1074-5).

A cette époque, les Almoravides venaient d'étendre leur domination sur le Maghreb, et leur souverain, Youçof-Ibn-Tachefîn, y avait fondé un puissant empire.

Abd-Allah, fils de Bologguin et petit-fils de Badîs, succéda à son aïeul et prit le surnom d'El-Modaffer. Il donna à son frère Temim le gouvernement de Malaga. La puissance de cette maison se maintint jusqu'à ce que Youçof-Ibn-Tachefîn fit, en Espagne, la célèbre expédition dont nous aurons à parler dans l'histoire de ce monarque. En l'an 483 (1090), Youçof occupa Grenade, et ayant fait arrêter Abd-Allah-Ibn-Bologguîn, il lui enleva ses trésors et l'envoya prisonnier en Afrique avec Temîm, gouverneur de Malaga. Abd-Allah fut conduit à Aghmat, et son frère Temîm à Sous-el-Acsa. Ils restèrent, jusqu'à leur mort, au pouvoir de Youçof-Ibn-Tachefîn qui, du reste, leur avait assigné à

1 On peut voir, dans la continuation de l'Art de vérifier les dates et dans l'ouvrage de M. de Gayangos, l'histoire des Abbadites. Consultez aussi l'article Motamed-Ibn-Abbad dans le troisième volume de la traduction anglaise d'Ibn-Khallikan.

chacun un apanage pour son entretien. Les Beni-'n-Namci, une des premières familles de Tanger, se donnent pour descendants de ces princes.

Voila comment disparurent les empires fondés en Ifrîkïa et en Espagne par les Sanhadja de la branche de Telkata.

NOTICE DES MOLETTHEMÎN, PEUPLE QUI FORMA LA SECONDE RACE DES

SANHADJA.

HISTOIRE DE LEUR DOMINATION EN MAGHREB.

Les Moletthemîn 1, peuple de race sanhadjienne, habitaient la région stérile qui s'étend au midi du Désert sablonneux. De temps immémorial, depuis bien des siècles avant l'islamisme, ils avaient continué à parcourir cette région où ils trouvaient tout ce qui suffisait à leurs besoins. Se tenant ainsi éloignés du Tell et du pays cultivé, ils en remplaçaient les produits par le lait et la chair de leurs chameaux; évitant les contrées civilisées, ils s'étaient habitués à l'isolement, et, aussi braves que farouches, ils n'avaient jamais plié sous le joug d'une domination étrangère. Ils occupèrent les lieux voisins du rîf de l'Abyssinie et la région qui sépare le pays des Berbères de celui des Noirs. Ils se voilaient la figure avec le litham, objet d'habillement qui les distinguait des autres nations 3. S'étant multipliés dans ces vastes plaines, ils formèrent plusieurs tribus telles que les Guedala, les Lemtouna, les Messoufa, les Outzîla, les Targa 3, les Zegaoua et les Lamta. 5,

1 Ce mot signifie les porteurs du litham ou voile.

note 3.

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Pour la signification du mot rif, voy. l'index géographique dans le

tome 1.

› Le litham ou voile est une espèce de bandeau qui sert à couvrir la figure au point de n'en rien laisser paraître excepté les yeux. Dans les voyages du capitaine Lyon et dans ceux du major Denham et du capitaine Clapperton, on peut en voir le dessein et la description.

• Ailleurs, ce nom est ponctué de manière à se faire prononcer Outriga.

Le pluriel du mot Targa est Touareg, nom d'un peuple qui vit encore dans le Désert et qui porte le litham.

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