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Ziri-Ibn-Menad le commandement général des Sanhadja et de toute la région occupée par ce peuple. Ensuite, il tourna ses armes contre les Louata, et, les ayant refoulés dans le Désert, il occupa une position qui dominait la vallée du Mînas. Là, se voyaient trois montagnes dont chacune était couronnée d'un château en pierres de taille, et, sur la face d'un de ces édifices, on remarqua une large pierre portant une inscription. El-Mansour la fit interpréter et apprit que le sens était celui-ci : Je suis Soleiman le Serdéghos. Les habitants de cette ville s'étant révoltés, le roi m'envoya contre eux et Dieu m'aida à les vaincre . C'est Ibn-erRakîk qui, dans son histoire, rapporte cette circonstance.

Après avoir revêtu Zîri-Ibn-Menad des hautes fonctions dont nous venons de parler, El-Mansour partit pour Cairouan, où il arriva dans le mois de Djomada 336 (décembre 947). Averti alors que Fadl, fils d'Abou-Yezîd, venait de reparaître dans le Mont-Auras, il marcha aussitôt contre lui et, l'ayant pousuivi à travers le Zab jusqu'au Désert, il reprit la route de Cairouan pour se rendre à El-Mehdïa. Fald profita de son éloignement pour venir assiéger Baghaïa, mais il fut assassiné par un nommé Batît, et sa tête fut envoyée à El-Mansour.

En l'an 339 (950-4), El-Mansour donna le gouvernement de la Sicile à El-Hacen-Ibn-Ali-Ibn Abi-'l-Kelbi qui remplaça ainsi Khalil-Ibn-Ishac. El-Hacen s'y rendit indépendant et transmit l'autorité à ses enfants, ainsi que je le raconterai ailleurs 2.

El-Mansour ayant appris que le roi des Francs 3 se préparait à faire la guerre aux musulmans, expédia une flotte sous la conduite de son affranchi Fareh, pour observer les mouvements de l'ennemi. Il envoya aussi l'ordre à El-Hacen-Ibn-Ali, gouverneur de la Sicile, de seconder ce général. Les deux chefs débar-` quèrent en Calabre et pénétrèrent dans le pays des Francs. Red

1 Voy. t. I, p. 234.

Voy. pp. 165 et suiv. de l'extrait d'Ibn-Khaldoun publié par M. Noël des Vergers sous le titre d'Histoire de l'Afrique sous la dynastie des Aghlabites, etc.

3 C'est-à-dire l'officier qui gouvernait la Calabre au nom de l'empereur grec, Constantin vi.

djar, roi de ce peuple, vint les combattre et essuya une défaite sanglante. Cette bataille eut lieu en l'an 340 (951-2). Deux années plus tard, Fareh revint à El-Mehdïa, chargé de butin.

Mâbed-Ibn-Khazer avait persévéré dans la révolte depuis l'époque où il embrassa le parti de Fadl, fils d'Abou-Yezîd. Poursuivi sans relâche par les partisans du gouvernement fatemide, il fut fait prisonnier à la suite d'un combat et conduit avec son fils devant El-Mansour. On les promena à travers les rues d'El-Mansourïa, puis, on leur ôta la vie. Ceci eut lieu en l'an 344 (952-3).

§ XII.

MORT D'EL-MANSOUR ET AVÈNEMENT DE SON FILS

EL-MOEZZ.

El-Mansour mourut le huitième jour du mois de Ramadan 344 (fin de janvier 953), après avoir rempli les fonctions de khalife pendant sept années. Il venait de s'exposer à la neige et à la pluie, de sorte qu'il en fut transi de froid, et, dans cet état, il était entré au bain, contre l'avis de son médecin, Ishac-IbnSoleiman-el-Israîli 2. Par cette imprudence il éteignit la chaleur naturelle du corps et s'attira uue insomnie dont il mourut. Son fils Madd lui succéda et reçut le titre d'El-Moëzz li-din Illah (qui exalte la religion de Dieu).

En l'an 342, El-Moëzz pénétra avec une armée dans l'Auras, parcourut cette montagne en tous les sens et accueillit la soumis

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Reddjar est le nom donné par les historiens arabes à Roger I et à Roger II, rois de Sicile. Il est à peine nécessaire de relever l'étrange anachronisme de notre auteur.

La vie de ce médecin célèbre a été donnée par le biographe IbnAbi-Osaïbïa. Elle se trouve traduite dans l'Abd Allatif de M. de Sacy, p. 43. Ibn-Abi-Osaïbïa dit qu'Israîli mourut vers l'an 320, mais l'anecdote racontée par Ibn-Khaldoun démontre que cet événement n'a pu avoir lieu qu'après l'an 344. Dans ma traduction d'Ibn-Khallikan, vol. 1, p. 220, cette même anecdote est reproduite.

sion des Beni-Kemlan et des Melîla, tribus hoouariennes. Il agréa aussi la soumission de Mohammed-Ibn-Khazer qui, depuis la mort de son frère Mâbed, n'avait cessé de solliciter sa grâce. Laissant alors le commandement des troupes à son affranchi Caïcer, gouverneur de Baghaïa, il rentra à Cairouan. Caïcer travailla à soumettre les contrées voisines et, ayant gagné par sa douceur les cœurs des Berbères et rallié les populations qui avaient émigré, il conduisit leurs chefs à Cairouan. El-Moëzz leur accorda à tous de riches cadeaux et une réception honorable. Mohammed-Ibn-Khazer le maghraouien y arriva ensuite, et, touché de l'accueil plein de bienveillance que lui fit El-Moëzz, il ne le quitta plus et mourut à Cairouan, en l'an 348 (959-60).

En l'an 343 (954-5 ), El-Moëzz rappela d'Achir Ziri-Ibn-Menad, émir des Sanhadja, et, lui ayant fait un riche présent, il le renvoya dans son gouvernement. L'année suivante il envoya à ElHacen-Ibn-Ali, gouverneur de la Sicile, l'ordre d'opérer une descente sur la côte d'Espagne. Cet officier ravagea le territoire d'Almeria et rapporta en Sicile un bntin considérable et beaucoup de prisonniers. En-Nacer, le souverain espagnol, confia aussitôt à son affranchi Ghaleb le commandement d'une flotte et l'envoya sur les côtes de l'Ifrikia. N'y pouvant effectuer un débarquement à cause de la résistance que lui opposèrent les troupes d'ElMoëzz, Ghaleb remit à la voile; mais, étant revenu dans les mêmes parages l'année suivante avec une flotte de soixante-dix navires, il incendia Mersa-'l-Kharez, dévasta les environs de Souça et ravagea le territoire de Tabarca.

El-Moëzz parvint toutefois à étendre son autorité en Ifrîkïa et en Maghreb le nombre de ses sujets s'accrut tous les jours, et la région qui s'étend depuis Ifgan, ville située à trois journées de marche au-delà de Tèhert, jusqu'à Er-Rammada, endroit situé en-deca de la frontière égyptienne, le reconnut pour maître. Tèhert et Ifgan avaient pour gouverneur Yala-Ibn-Mohammed l'ifrenide; Achîr et ses dépendances obéissaient à Zîri-IbnMenad le sanhadjien; El-Mecîla et les contrées voisines étaient sous le commandement de Djafer-Ibn-Ali-el-Andeloci; Baghaïa reconnaissait l'autorité de Caïcer l'esclavon; Fez celle d'Ahmed

Ibn-Bekr-Ibn-Abi-Sehl-el-Djodami, et Sidjilmessa celle de Mohamed-Ibn-Ouaçoul le miknacien.

En l'an 347 (958-9), El-Moëzz apprit que Yala-Ibn-Mohammed l'ifrénide entretenait une correspondance avec les Oméïades espagnols et que le Maghreb-el-Acsa venait de repousser la domination des Fatemides. Cette nouvelle le décida à y envoyer une armée sous la conduite de son vizir, le kateb (secrétaire) Djouher l'esclavon1. Zîri-Ibn-Menad, gouverneur d'Achir, et Djafer-IbnAli, seigneur d'El-Mecîla, accompagnèrent cette expédition, ainsi que Yala-Ibn-Mohammed, seigneur du Maghreb central. Quand cette armée passait par Ifgan, une rixe éclata parmi les troupes de l'arrière-garde, et Djouher, à qui on vint annoncer que les Itrénides pillaient les bagages, ordonna l'arrestation de Yala qui fut aussitôt tué à coups de sabre par les Ketamiens. Ilgan fut saccagée, et Yeddou, fils de Yala, fut mis en arrestation. Djouher marcha ensuite sur Fez avec l'intention d'y assiéger Ahmed-IbnBekr-el-Djodami, mais la résistance que cette ville lui opposa le décida à suspendre l'attaque et à décamper. Il prit alors la route de Sidjilmessa où Mohammed-Ibn-el-Feth-Ibn-Ouaçoul gouvernait sous le titre d'Emir-el-Moumenin (commandant des croyants), après avoir fait graver son nom sur les monnaies ainsi que l'inscription suivante: tacaddecet ezzet Allah (que la gloire de Dieu soit vénérée). Ce prince, averti de l'approche de l'ennemi, avait pris la fuite, mais il fut fait prisonnier et livré à Djouher. L'armée fatemide so rendit ensuite jusqu'au bord de l'Océan [atlantique], soumettant tous les pays qu'elle traversait, et, revenu sous les murs de Fez, elle l'emporta d'assaut. Zîri-IbnMenad eut l'honneur de cette conquête, ayant escaladé la place pendant la nuit. Fez succomba en l'an 348 (959-60). Le gouverneur, Ahmed-Ibn-Bekr, tomba entre les mains des vainqueurs et fut remplacé par un serviteur de Djouher; tous les préfets que

1 Variante: le sicilien.

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Ibn-Khalikan a donné une notice sur Djouher dans son dictionnaire biographique; voy. vol. 1, p. 340 de ma traduction de cet ouvrage. On trouvera dans le même volume une notice de Ziri et une autre de Djâfer-Ibn-Ali.

les Oméïades avaient établis dans le Maghreb en furent expulsés par ce général. A la suite de cette victoire, Djouher reprit la route de l'Ifrikïa, et, ayant incorporé la ville de Tèhert dans la province gouvernée par Zîri-Ibn-Menad, il fit son entrée à Cairouan accompagné de ce chef ainsi que des Fatemides (Idricides) du Maghreb, et traînant à sa suite Ahmed-Ibn-Bekr et MohammedIbn-Ouaçoul enfermés dans des cages. Le jour de son arrivée à El-Mansourïa fut une véritable fête.

Pendant quelque temps, Caïcer et Modaffer, affranchis d'ElMansour, se partagaient toute l'autorité en Maghreb; le premier ayant sous la main les provinces orientales de ce pays et le second, les provinces occidentales; mais, en l'an 349 (960-4) ils furent arrêtés et mis à mort par l'ordre de leur souverain.

L'année suivante, les Chrétiens s'emparèrent de Crète, île habitée par les descendants des musulmans espagnols qu'El-HakemIbn-Hicham [ l'oméïade] avait déportés en Egypte à cause de la part qu'ils avaient prise à la révolte du faubourg (er-rebed) de Cordoue. Arrivés à Alexandrie, ces proscrits s'emparèrent de la viile; assiégés ensuite par Abd-Allah-Ibn-Taher, gouverneur de l'Egypte, ils capitulèrent à la condition d'être envoyès en Créte où leur émir, Abou-Hafs[-Omar-Ibn-Choaïb]-el-Bellouti, parvint, dans la suite, à se rendre indépendant. Les descendants de ce chef y régnaient encore quand les Chrétiens arrivèrent avec une flotte de sept cents navires, conquirent toute l'île, tuèrent une partie des habitants et réduisirent le reste en esclavage. Jusqu'à nos jours Crète est demeurée au pouvoir des infidèles.

En l'an 354 [Ahmed, fils d'El-Hacen-Ibn-Ali-el-Kelbi], seigneur de la Sicile, obtint possession de Taormine, forteresse dont la garnison [grecque] se rendit à discrétion après un siége

Le rébed, ou faubourg de Cordoue, fut détruit par El-Hakem, l'an 202 (818), parce que les habitants s'étaient mis en révolte. Pour les détails de cet événement, voy. la continuation de l'Art de vérifier les dates, t. 1, p. 362.

2 Romain II occupait alors le trône de Constantinople; ce fut son général Nicéphore Phocas qui acheva cette conquête.

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