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se ménageant des intelligences parmi les habitants. Ibn-Hamdoun s'enfuit dans le pays des Ketama, rassembla les guerriers de cette grande tribu et alla camper à Constantine. De là il expédia une partie de ses troupes contre les Hoouara, mais, at moment où cette tribu subissait le châtiment de ses méfaits, elle reçut le secours que lui envoya Abou-Yezîd. Ce renfort ne put cependant pas empêcher Ibn-Hamdoun d'enlever aux Hoouara les villes de Tidjest et de Baghaïa. Dans le mois de Djomada second de la même année (janv.-févr. 946), Abou-Yezîd se rendit à Souça pour y assiéger la garnison qu'El-Caïm y avait installée.

§ IX. MORT D'EL-CAÏM ET AVÈNEMENT DE SON FILS EL

MANSOUR.

Abou-'l-Cacem-el-Caïm-Mohammed, fils d'Obeid-Allah, mou-. rut en l'an 334 (946) [à El-Mehdïa], pendant le siége de Souça par Abou-Yezîd. Avant de rendre le dernier soupir, il désigna comme héritier du trône son fils Ismail. Ce prince, auquel on donna le surnom d'El-Mansour (le victorieux), tint secrète la mort de son père afin d'empêcher Abou-Yezîd de tirer profit d'un événement aussi grave. Tant que le siége dura il s'abstint de prendre le titre de khalife, il empêcha de changer les inscriptions des monnaies et des drapeaux, et il ne permit pas que la prière publique fùt célébrée en son nom. Ces changements n'eurent lieu qu'après la chute d'Abou-Yezîd.

§ X.

SUITE DE L'HISTOIRE D'ABOU-YEZİD.

SA MORT.

Abou-Yezid avait réduit la ville de Souça à la dernière extrêmité quand El-Caïm mourut. Le premier soin d'Ismaîl-el-Mansour fut d'équiper la flotte qui stationnait à El-Mehdïa, et de l'envoyer à Souça pour y déposer des vivres, des troupes et des

approvisionnements de guerre. Rechîc, secrétaire d'état, et Yacoub-Ibn-Ishac eurent le commandement de cette expédition. Aussitôt après leur départ, El-Mansour se mit en campagne; mais, cédant aux instances de ses officiers, il revint sur ses pas. La garnison de Souça, aidée par les troupes que la flotte y avait débarquées, fit une sortie contre Abou-Yezîd, tailla en pièces ses troupes, livra leur camp au feu et au pillage. Les fuyards cherchèrent à se réfugier dans Cairouan, mais les habitants leur fermèrent la porte de la ville. Abou-Yezid se dirigea alors vers Sbîba, emmenant avec lui le gouverneur qu'il avait installé dans Cairouan et que les habitants venaient d'expulser. Ceci se passa dans le mois de Choual 334 (mai-juin 946).

Après le départ de ce chef, El-Mansour arriva dans Cairouan et accorda une amnistie aux habitants; il respecta même les femmes et les enfants d'Abou-Yezîd qui y étaient restés, et il leur accorda des pensions pour leur entretien. Une division de son armée sortit alors pour reconnaître les mouvements de l'ennemi, mais elle fut attaquée et mise en déroute par un détachement qu'Abou-Yezid avait mis en campagne pour découvrir ce qui s'y passait. Ayant de nouveau raffermi son autorité par cette victoire, Abou-Yezîd rassembla assez de troupes pour faire le siége de Cairouan. El-Mansour retrancha son armée et attendit l'assaut dès le premier jour, la fortune se déclara pour lui, dans le second, il attaqua l'ennemi avec avantage et conserva sa position jusqu'à ce qu'il eut rallié les secours qui lui arrivaient d'El-Mehdïa et de Souça. Découragé par cette vigoureuse résistance, Abou-Yezid s'éloigna, vers la fin du mois de Dou-'lHiddja; puis, au bout de quelque temps, il revint à la charge. Dans les combats qui s'ensuivirent, les revers balançaient les succès; mais enfin, El-Mehdia et Souça se virent encore sérieusement menacées par les troupes de cet aventurier. Pour le décider à la retraite, El-Mansour lui rendit ses femmes et ses enfants, auxquels il donna de riches cadeaux ; il s'attendait alors à quelque répit, puisqu'Abou-Yezid lui avait promis, sous foi de serment, qu'il décamperait; mais au 5 Moharrem 335 faoût 946), il s'en vit attaquer de nouveau. Bien que, dans les pre

miers jours, la fortune ne le favorisât guère, il réussit, le 15 du même mois, à prendre sa revanche.

Ayant placé les Berbères à l'aîle droite de son armée et les Ketama à l'aîle gauche, il se tint lui-même au centre avec ses propres troupes. Abou-Yezid commença la bataille par une charge contre l'aile droite, et, après l'avoir culbutée, il essaya d'enfoncer le centre. Comme El-Mansour demeura inébranlable, le combat se soutint avec acharnement; enfin, l'armée du prince fatemide chargea comme un seul homme, renversa les rangs des insurgés, s'empara de leurs bagages et tua tant de monde que le nombre des têtes apportées à Cairouan et livrées aux enfants de la ville pour leur servir de jouets, montait à dix mille. AbouYezid s'enfuit du champ de bataille et tâcha de se réfugier dans Baghaïa, mais les habitants refusèrent de lui ouvrir les portes. Il tenta alors d'y mettre le siége, mais l'approche d'El-Mansour l'obligea à décamper. Ce prince était parti de Cairouan dans le mois de Rebiâ premier [octobre 946], après y avoir laissé comme lieutenant Merah l'esclavon, et bientôt après, il parut devant Baghaïa. Chaque fois que son adversaire se dirigeait vers une forteresse, il l'y avait déjà dévancé, et arrivé à Tobna, il reçut une communication importante de Mohammed-Ibn-el-Kheir, seigneur du Maghreb central et partisan d'Abou-Yezîd. Ce chef, qui commandait aux Maghraoua, sollicita et obtint d'El-Mansour sa grâce pleine et entière à la condition d'aider à la poursuite des rebelles. Abou-Yezid se trouvait chez les Beni-Berzal, tribu qui professait les doctrines des Nekkarïa, quand l'approche d'El-Mansour fut annoncée. Il passa dans le Désert et reparut bientôt après dans le pays des Ghomert. Là encore il se rencontra avec El-Mansour, et, ne pouvant soutenir la charge impétueuse que ce prince dirigea contre lui, il s'enfuit vers le Salat. Poursuivi à travers les précipices et les défilés de cette montagne, il se jetta encore dans le Désert, et El-Mansour, sachant que son adversaire ne pouvait atteindre le Soudan à cause des solitudes affreuses qu'il lui aurait fallu traverser, rentra chez les Ghomert pour l'y attendre, pendant que les bandes de Khazer marchaient sur la piste des fuyards. Arrivé daus le pays des

Sanhadja, au milieu des Ghomert, El-Mansour fut accueilli avec de grands honneurs par le chef sanbadjien, Ziri-Ibn-Menad. Une maladie l'ayant contraint à s'arrêter dans cette contrée, Abou-Yezid profita d'une si favorable occasion et vint mettre le siége devant El-Mecila. Au 4er Redjeb 335 (fin de janvier 947), El-Mansour se trouva assez bien portant pour aller au secours de cette ville et refouler l'ennemi dans le Désert. Abou-Yezid voulut alors se rendre dans le Soudan, mais les Beni-Kemlan refusèrent de l'y accompagner, et il se trouva obligé de se jeter avec eux dans les montagnes des Kîana et des Adjîça. Le 40 du mois de Châban (6 mars), il se vit bloqué dans ses retranchements et en sortit pour repousser les assaillants; mais, ayant essuyé un nouveau revers, il prit la fuite pendant que ses partisans et même ses fils mettaient bas les armes. Poursuivi par quelques cavaliers, il fut atteint d'un coup de lance qui le jeta au bas de de son cheval. Ses amis vinrent à son secours et une mêlée s'ensuivit dans laquelle plus de dix mille hommes perdirent la vie. Parvenu encore à s'échapper, il occupa une position tellement escarpée qu'aucun moyen de retraite ne lui resta. El-Mansour, qui n'avait cessé de le poursuivre depuis le commencement de Ramadan (fin de mars), l'attaqua vivement, mit ses partisans en déroute, s'empara de leurs bagages et les força à se réfugier sur les cîmes de la montagne. Ils s'y défendirent encore en lançant des pierres sur leurs adversaires, et bientôt, les combattants se trouvèrent tellement rapprochés qu'ils purent se battre corps à 'corps. La nuit vint mettre fin à ce conflit sanglant et Abou-Yezîd s'enferma dans le château de Kiana. Tous les Hoouara qui l'avaient accompagné jusqu'à ce moment, prirent le parti de faire leur soumission. El-Mansour attaqua le château à plusieurs reprises et parvint à y mettre le feu. De tous les côtés on massacra les compagnons d'Abou-Yezîd qui tâchaient de s'échapper, et, pendant ce temps, les enfants de ce chef intrépide se tenaient dans le château. A l'entrée de la nuit, El-Mansour fit mettre le feu aux broussailles, afin de mieux découvrir les personnes qui chercheraient à s'évader; mais, au point du jour, les amis d'Abou-Yezid firent une sortie et frayèrent un passage à leur

chef à travers les rangs des assiégeants. Les troupes d'El-Mansour les eurent bientôt atteints, et Abou-Yezîd, affaibli par sa blessure, glissa des bras des trois hommes qui l'emportaient et tomba dans un précipice. Il en fut retiré vivant et déposé aux pieds d'El-Mansour, qui se prosterna pour remercier Dieu. Dès ce moment Abou-Yezîd resta en détention auprès du prince fatemidė, et vers la fin de Moharrem 336 (août 947), il mourut de ses blessures. Son cadavre fut écorché et sa peau, remplie de paille, fut placée dans une cage pour servir de jouet à deux singes qu'on avait dressés à ce métier, El-Mansour prit alors la route de Cairouan pour se rendre à El-Mehdïa 1.

Fadl, fis d'Abou-Yezid, alla trouver Måbed-Ibn-Khazer et marcha avec lui contre Tobna et Biskera; mais ils durent se jeter dans les montagnes de Kiana pour échapper à la poursuite d'El-Mansour. Chafè et Caïcer, affranchis de ce monarque, conduisirent une armée contre eux, et Zîri-Ibn-Menad assista à cette expédition avec sa tribu, les Sanhadja. Les deux rebelles finirent par prendre la fuite, leurs partisans se dispersèrent et El-Mansour rentra enfin à Cairouan.

§ XI. SUITE DE L'HISTOIRE D'EL-MANSOUR.

Dans le mois de Safer 336 (août-sept. 947), El-Mansour marcha contre Hamîd-Ibn-Isliten, gouverneur du Maghreb, qui, ayant cessé de reconnaître l'autorité des Fatemides, venait de mettre le siége devant Tehert après avoir proclamé dans cette province la souveraineté des Oméïades espagnols. Arrivé à SoucHamza, il y fit halte pour rallier les Sanhadja de Zîri-Ibn-Menad. Des renforts lui étant arrivés de tous les côtés, il alla délivrer Téhert. Hamid courut s'embarquer à Ténès et se rendit à Cordoue, auprès d'En-Nacer, le souverain oméïade.

Pendant son séjour à Tèhert, El-Mansour nomma Yala-IbnMohammed l'ifrénide au gouvernement de cette ville et accorda à

Dans le tome in, se trouve encore un chapitre sur Abou-Yezîd.

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