Images de page
PDF
ePub

le gouvernement de Sidjilmessa par son père, ce prince avait fait un traité avec Abou-'l-Hacen, traité dans lequel il prit l'engagement de ne pas attaquer le Derâ et de se contenter de la province qu'il possédait déjà. La nouvelle de cette révolte obligea le sultan à rentrer en Maghreb pour y rétablir l'ordre.

Le sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr partit enfin de Tunis, à la tête d'une armée nombreuse et parfaitement équipée. Arrivé à Bougie, il chargea son avant-garde d'expulser les Abd-el-ouadites des forts dont ils avaient cerné la ville; puis il mena toute son armée contre Temzezdekt. La garnison évacua la place à son approche et permit aux troupes hafsides de la ruiner de fond en comble. Les trésors et les armes que l'on y avait amassés devinrent la proie du vainqueur. De là le sultan marcha sur El-Mecîla, ville tout aussi réfractaire que Temzezdekt, et sejour ordinaire de la famille des Seba-Ibn-Yahya, chefs des Douaouida.

Le commandement des Douaouida se partageait alors entre Soleiman, fils d'Ali-Ibn-Sebâ, Yahya, frère de Soleiman, Othman-Ibn-Sebâ, leur oncle, et Saîd, fils d'Othman. Ces chefs avaient entraîné la tribu entière dans le parti du souverain de Tlemcen et donné toutes les facilités au passage des troupes qui venaient occuper ou dévaster les provinces de l'empire hafside. Pour les récompenser de ce service, Abou-Tachefîn avait ajouté à leurs possessions la ville d'El-Mecîla et les montagnes de Me+ tennan, de Ouannougha et d'Aïad.

Quand le sultan hafside eut dispersé l'armée abd-el-ouadite, détruit les forts qui incommodaient Bougie et rendu à cette ville les provinces qu'elle avait perdues, il se dirigea vers le pays des Douaouida. Son intention était de reprendre les districts qu'on lui avait enlevés et d'y rétablir son autorité. Le projet de cette expédition avait été hautement approuvé par Ali-Ibn-Ahmed, chef des Aulad-Mohammed, famille rivale et ennemie des AuladSebâ, sur lesquels elle avait à venger la mort de plusieurs de ses membres. Arrivé à El-Mecîla, il en abattit les murailles et y porta la dévastation. Il était encore dans cette ville, quand on vint lui annoncer qu'Abd-el-Ouahed, fils du sultan AbouYahya-el-Libyani, marchait sur Tunis.

Abd-el-Ouahed revint de l'Orient en 729, après la mort de son père, et fixa son séjour au milieu des Debbab où il reçut d'Abd-el-Mélek-Ibn-Mekki, principal cheikh de Cabes, le serment de fidélité. Le bruit de cet événement se répandit rapidement, et Hamza-Ibn-Omar, voyant l'Ifrîkïa dégarnie de troupes, alla trouver le prince et lui offrit ses services. Il s'avança alors jusqu'aux portes de Tunis avec ses gens et y dressa son camp pendant qu'Abd-el-Ouahed, accompagné de son chambellan Ibn-Mekki, alla s'établir dans la ville. Quinze jours plus tard, on vit paraître l'avant-garde du sultan commandée par Mohammed-el-Botouï. Abd-el-Ouahed et ses partisans prirent aussitôt la fuite et laissèrent cet officier occuper la ville. Le sultan lui-même y fit son entrée dans les premiers jours de Choual 732 (commencement de juillet 1332).

CHUTE DU CHAMBELLAN MOHAMMED-IBN-SÉÏD-EN-NAS.
PAR IBN-ABD-EL-AZÎZ ET IBN-EL-HAKIM.

IL EST REMPLACÉ

Nous avons déjà parlé de l'origine d'Ibn-Séïd-en-Nas et mentionné que son père, Abou-'l-Hocein, avait été chambellan de l'émir Abou-Zékérïa, seigneur de Bougie'. Abou-'l-Hocein mou rut en l'an 690 (1294), laissant son fils Mohammed sous la protection du sultan. Elevé dans le palais avec les enfants du souverain, ce jeune homme grandit au sein de la famille royale, et, comme ceux qui occupaient, pendant sa jeunesse, la place de chambellan, tels qu'Ibn-Abi-Djebbi et Er-Rokhami, avaient été les protégés de son père, il obtint d'eux les plus grands égards et même la préséance sur eux-mêmes.

Ce fut sous l'administration du chambellan Ibn-Ghamr que Mohammed-Ibn-Séïd-en-Nas atteignit l'âge qui inspire aux hommes le désir de se distinguer. Ibn-Ghamr avait beaucoup d'estime pour lui et, ayant reçu du sultan [Abou-Yahya-Abou

1 Voy., ci-devant, p. 404.

Bekr], qui allait partir pour Constantine, l'autorisation d'indiquer les chambellans, vizirs et généraux qui devaient prendre part à l'expédition de Tunis, ainsi que l'ordre de lui fournir les troupes et les approvisionnements nécessaires pour cet objet, il fit partir Ibn-Seïd-en-Nas en qualité de commandant de division. Après la mort d'Ibn-Ghamr et la destitution d'Ibn-el-Caloun, Ibn-Séïd-en-Nas, qui était frère de lait du sultan, profita de la faveur dont il jouissait pour se faire donner le gouvernement de Bougie. Dans cette position élevée, il administra sa province avec une autorité absolue, sans même prendre les ordres du sultan; il défendit la ville contre les Abd-el-Ouadites et, pendant la durée de ces hostilités, il déploya une bravoure qui augmenta sa renommée.

A cette époque, il prit avec Mouça-Ibn-Ali, chef des assiégeants, l'engagement de se ménager mutuellement et de sacrifier à leur propre avantage les intérêts de leurs souverains respectifs. L'affaire fut découverte et Mouça-Ibn-Ali encourut la disgrâce d'Abou-Tachefin, mais Ibn-Séïd-en-Nas trouva plus d'indulgence: le sultan ferma les yeux sur sa conduite et, en 727, il le rappela à Tunis et le prit pour chambellan. En partant pour la capitale, Ibn-Séïd-en-Nas laissa à Bougie, en qualité de lieutenants, Mohammed-Ibn-Ferhoun et Ahmed-Ibn-el-Merîd, en leur con-fiant la défense de la ville et la tutelle de l'émir Abou-Zékérïa, fils du sultan.

Quand il arriva à Tunis, il obtint un logement dans le palais et prit l'entière direction des affaires de l'empire. Profitant alors du vaste champ qui s'était ouvert devant lui, il donna pleine carrière à son esprit de domination; le sultan lui-même dut subir les volontés de son serviteur, sans avoir d'autre satisfaction que de prendre note de chaque trait d'insolence qui échappait au ministre, afin d'en avoir raison plus tard. Au surplus, la jalousie des courtisans ne dormait pas on l'accusait d'avoir

Pour avoir la bonne leçon tiël, il faut ajouter un point à la lettre ba du mot tebel, dans le texte imprimé.

entretenu une correspondance secrète avec l'ennemi et laissé grandir la puissance des Abd-el-Ouadites, afin de pouvoir maintenir l'influence qu'il exerçait sur l'esprit du souverain.

Tant qu'il s'était occupé à défendre et à gouverner Bougie sans le concours de son maître, on l'avait laissé faire; mais, après la démonstration opérée de ce côté par le sultan Aboul-Hacen et la retraite des assiégeants, quand le sultan AbouYahya-Abou-Bekr s'y fut porté pour renverser la forteresse de Temzezdekt, les gens qui entouraient le prince renouvelèrent, avec succès, leurs accusations contre le trop puissant chambellan. Dans le mois de Rebià de l'an 733 (fin de 1332), le sultan étant de retour à Tunis, sortit enfin de son apathie et fit arrêter Ibn-Séïd-en-Nas dont la domination lui était devenue insuportable. Pour arracher au prisonnier les trésors qu'il avait amassés on lui fit subir divers genres de tortures; mais il n'en lâcha pas la moindre parcelle, et, pendant ses souffrances, il ne cessa d'implorer la miséricorde du sultan en lui rappelant qu'ils avaient sucé le même lait, qu'ils avaient été élevés ensemble, et que son père avait rendu de loyaux services à l'empire. Irrité enfin par l'intensité de la douleur, il se répandit en injures contre le monarque, et au milieu de ces invectives, on l'assomma de coups de bâton. Son corps fut traîné hors de la ville et jeté au feu. Telle fut la fin de sa puissance; elle disparut comme si elle n'avait jamais existé. Dieu conduit toute chose au terme prescrit !

Le secrétaire Abou-'l-Cacem-Ibn-Abd-el-Azîz obtint alors la place de chambellan. Il avait quitté le Hamma [de Matmata] lors de la reconnaissance d'Abd-el-Ouahed-Ibn-el-Lihyani par IbnMekki, et, étant venu joindre le sultan qui marchait contre Temzezdekt, il resta auprès de lui et l'accompagna ensuite à Tunis. Après l'arrestation d'Ibn-Séïd-en-Nas, il fut revêtu des fonctions de chambellan, et comme la faiblesse de sa santé l'empêchait de prendre part aux opérations militaires, le sultan confia à son favori1, Mohammed-Ibn-el-Hakîm, l'administration de la guerre

'Littéralement à sa créature et chef de ses intimes.

:

et le gouvernement de tout ce qui était en dehors de la capitale. Ibn-el-Hakim était fils d'Ali-Ibn-Mohammed-Ibn-Hamza-IbnIbrahim-Ibn-Ahmed-el-Lakhmi. Sa famille tenait par des liens de parenté à celle des Azéfi, princes de Ceuta ; son aïeul, Abou-'lAbbas-Ahmed, homme très-célèbre par le savoir et la piété, ayant été père d'Abou-'l-Cacem-el-Azéfi, le même qui établit son indépendance à Ceuta après la chute des Almohades [du Maghreb]. L'origine de la famille d'Ibn-el-Hakîm m'a été racontée par Mohammed-Ibn-Yahya-Ibn-Abi-Taleb, dernier des Azéfides qui commanda à Ceuta, par Hocein-Ibn-Abd-er-Rahman-Ibn-AbiTaleb, cousin du précédent, et par d'autres personnes dignes de foi qui tenaient leurs renseignements d'Ibrahîm-Ibn-Abi-Hatem, autre cousin des précédents. Voici ce qu'ils racontent: Abou-'lCacem-el-Azéfi avait un frère nommé Ibrahîm, homme perdu de réputation, qui s'était rendu coupable de meurtre à Ceuta. Ayant appris qu'Abou-'l-Cacem avait juré de le faire punir, il prit la fuite et passa en Orient; ce fut de lui que descendit MohammedIbn-el-Hakim.

Voici ce que d'autres personnes m'ont communiqué au sujet de cette famille : Ibrahim [frère d'Abou-'l-Cacem] eut un fils nommé Mohammed, duquel naquit un fils appelé Hamza, lequel engendra Ali. Ali s'étant adonné à l'étude, embrassa la carrière de la médecine et se fixa dans la province de Bougie. AbouZékérïa, le sultan qui y gouvernait alors, ayant été attaqué d'une maladie chronique dont il ne put se débarrasser, appela chez lui plusieurs médecins. Ali-Ibn-Hamza, qui était du nombre, devina la nature de l'indisposition et la guérit par un traitement habile. Ce service le rendit cher au sultan, qui l'admit dès-lors dans le nombre de ses intimes. Jouissant à la cour d'une considération que personne n'aurait pu lui disputer, il y fut désigné par le titre d'El-Hakim (le médecin). Cette circonstance procura à son fils le surnom d'lbn-el-Hakim (fils du médecin). Ali-Ibn-Hamza épousa une demoiselle d'une des premières familles de Constantine, et sa femme fut admise dans la société des dames de la famille royale.

Son fils Mohammed naquit dans le palais et fut élevé au même

« PrécédentContinuer »