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et alla trouver Dawoud-Ibn-Hilal-Ibn-Attaf, émir des BeniYacoub et de toutes les branches des Beni-Amer, tribu zoghbienne. Othman-Ibn-Yaghmoracen fit réclamer le fugitif; mais Dawoud, fidèle aux droits de l'hospitalité, se mit à la tête de ses gens et conduisit son protégé jusqu'à la frontière du territoire occupé par les Zoghba. Ayant alors obtenu l'appui d'AtïaIbn-Soleiman-Ibn-Sebâ, chef douaouidien chez lequel ils s'étaient rendus, ils partirent tous pour la province de Constantine.

Les Arabes et les Sedouikich reconnurent alors l'émir AbouZékérïa pour sultan, et, en l'an 683 (1284-5), ils se présentèrent avec lui sous les murs de Constantine, où Ibn-Youkian, chef almohade, remplissait les fonctions de gouverneur. Abou'l-Hacen-Ibn-Tofeil, directeur des impôts, entra alors en communication avec Abou-Zékérïa et lui livra la ville moyennant certains avantages qu'il stipula pour lui-même et pour son beaupère Ibn-Youkian '. Le prince hafside y fit aussitôt proclamer sa souveraineté et marcha ensuite sur Bougie. En 684, il prit possession de cette forteresse dont les habitants, depuis longtemps en proie aux factions, désiraient ardemment son arrivée. Quelques personnes rapportent qu'il occupa Bougie avant Constantine, et cela est plus exact d'après ce que j'ai entendu dire à nos professeurs. Les villes d'Alger et Tedellis lui envoyèrent alors leur soumission.

Maître de ces places fortes et de toute la frontière occidentale de l'empire, l'émir Abou-Zékéïra se donua le surnom d'ElMontakheb-li-Ihyaï-din-Illah (choisi pour ranimer la religion de Dieu), mais, pour ne pas manquer tout à fait aux égards dus à son oncle, le khalife, il s'abstint de prendre le titre d'Emirel-Moumenin (commandant des croyants). Sachant que Tunis, siége du khalifat hafside, renfermait tous les grands dignitaires almohades, il sentit la nécessité de ménager l'amour-propre d'une classe d'hommes qui était la seule à posséder encore quelqu'autorité dans la nation.

Dans le texte arabe, il faut insérer le mot sihr (avec un sad) après min il-âmil.

S'étant établi à Bougie, il éleva Abou-'l-Hocein-Ibn-Séïd-enNas aux fonctions de grand chambellan, et se forma, dans la partie occidentale du royaume de Tunis, un empire qu'il transmit à ses descendants. Nous verrons plus tard s'effectuer la réunion des deux états par l'avènement de sa postérité au trône de Tunis.

OTHMAN

L'ÉMIR ABOU-ZÉKÉRÏA ENVAHIT LA PROVINCE DE TRIPOLI.YAGHMORACEN PROFITE DE SON ABSENCE POUR ASSIÉGER

IBN ·
BOUGIE.

L'émir Abou-Zékérïa, après avoir enlevé au gouvernement de Tunis toute la partie occidentale de l'empire, se mit en campagne, l'an 685 (1286), et marcha sur la capitale. Dans cette entreprise, il fut secondé par Abd-Allah, fils de Rehab-Ibn-Mahmoud et l'un des chefs des Debbab. Repoussé des environs de Tunis par El-Fazazi, il se porta devant Cabes et y mit le siége. Dans l'attaque de cette place, il déploya une grande bravoure et, un jour, après avoir tué et fait prisonnier beaucoup de monde, il mit ses adversaires en déroute, détruisit le faubourg de la ville, brûla les maisons de campagne et les dattiers des bocages voisins. De là, il se dirigea vers Mesrata, et, parvenu à ElAbiad, il reçut la soumission des Djouari, des Mehamîd, des Al-Salem et des Arabes de Barca. Il était à Mesrata, quand on vint lui annoncer qu'Othman-Ibn-Yaghmoracen se préparait à mettre le siége devant Bougie. Ce prince, vivement offensé du procédé d'Abou-Zékérïa en quittant Tlemcen sans permission et de la conduite de Dawoud-Ibn-Attaf, qui avait refusé de lui livrer le fugitif, renouvella le serment de fidélité envers le souverain de Tunis et lui en fit porter l'acte authentique par AliIbn-Mohammed-el-Khoraçani. Il obtint ensuite quelques avantages sur les Toudjîn et les Maghraoua; puis, ayant cédé aux sollications du gouvernement tunisien, auquel Abou-Zékérïa avait ôté tous les moyens d'action, tant en lui enlevant des provinces entières qu'en allant l'attaquer dans la capitale de l'empire, il s'engagea à délivrer le sultan de la présence de son

T. II.

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ennemi en allant lui-même faire le siége de Bougie. Il partit, l'an 686 (1287), pour conquérir cette ville, mais, arrivé aux environs de la place, il y trouva une vigoureuse résistance, et n'en remporta d'autre avantage que celui d'avoir vu, à distance, la forteresse dont il espérait s'emparer.

La même année, il reprit la route de sa capitale.

LES VILLES DU DJERÎD COMMENCENT A ÉTABLIR LEUR
INDEPENDANCE.

Les Seddada et les Kennouma, deux familles qui habitaient. les environs de Takîous, eurent ensemble un conflit dans lequel un fils du cheikh des Seddada perdit la vie. Les parents du jeune homme firent serment de le venger en tuant le cheikh des Kennouma. Celui-ci, averti du danger, se retira auprès de Mohammed-Ibn-Yahya-Ibn-Abi-Bekr-et-Tînmeléli, gouverneur de Touzer, chef-lieu du Djerîd. Cet officier almohade n'hésita pas de lui vendre sa protection et d'écrire à la capitale pour annoncer que les Seddada étaient en pleine révolte. Alors, il fit ordonner aux habitants de Nefta et de Takious de marcher contre cette peuplade et il sortit lui-même avec les troupes de Touzer pour l'attaquer dans le village où elle faisait sa demeure. Les malheureux Seddada, ayant vainement cherché à fléchir sa colère en lui offrant des ôtages et de l'argent, obtinrent l'appui des Nefzaoua et lui livrèrent bataille. Dans cette rencontre, EtTînmeleli eut tant de monde mis hors de combat qu'il dut rentrer à Touzer. Ceci se passa en l'an 686 (1287). Une nouvelle expédition qu'il dirigea contre les insurgés leur procura un nouveau triomphe, et ils purent négocier avec lui un traité de paix qui leur assura le droit de s'administrer eux-mêmes et de fournir des gouverneurs aux populations nefzaouiennes. En retour de ces avantages, ils consentirent à payer régulièrement l'impôt ordinaire.

Dans le texte arabe, il faut lire oua ghazahom.

OTHMAN, FILS D'ABOU-DEBBOUS, PARAÎT DANS LA PROVINCE DE

TRIPOLI.

Le sultan Abou-Debbous, dernier khalife de la famille d'Abdel-Moumen qui régna à Maroc, fut tué en l'an 668 (1269). Ses enfants se dispersèrent en divers pays, et l'un d'entre eux, le prince Othman, passa dans l'Espagne orientale pour solliciter la protection du roi chrétien qui régnait à Barcelone. Il y trouva un bon accueil et s'y rencontra avec les fils de son oncle, le cîd Abou-Zeid-el-Montecer qui avait cherché, comme lui, un asile dans ce pays. Ces princes y jouissaient d'une haute considération à cause de la conversion de leur père au christianisme; aussi, ils s'empressèrent non-seulement de partager leur fortune avec le nouveau venu, mais encore d'obtenir la bonté du roi, une position honorable.

pour lui, de Morghem-Ibn-Saber-Ibn-Asker, cheikh des Djouari, tribu debbabienne, se trouvait alors dans cette ville. En l'an 682 (1283-4), il avait été fait prisonnier, aux environs de Tripoli, par les Siciliens, ennemis de l'islamisme, et fut vendu par eux aux gens de Barcelone. Le roi chrétien l'acheta ensuite et le retint captif auprès de lui.

Othman, qui espérait faire valoir ses droits au trône des Almohades, se tenait toujours prêt à passer dans une des provinces situées sur les frontières de l'empire, plus particulièrement la province de Tripoli, sachant qu'une telle localité serait mal gardée et qu'une démonstration faite de ce côté aurait plus de chances de succès que partout ailleurs. Profitant de la haute faveur que le roi lui témoignait, il obtint la liberté de Morghem, et celui-ci prit l'engagement de seconder le prince dans sa tentative. Le roi leur fournit plusieurs navires remplis de troupes et de vivres, mais à la condition d'être remboursé plus tard, des frais de l'expédition 1.

1 Bartholomeus de Neocastro parle de la capture et de la libération de Marganus ou Margam. Voy. Hist. Sicil. apud Gregorio et Muratori, cap. 85, 91, 93, 113. Voy. aussi, daas les mêmes collections, l'Historia Sicula de Nicolas Specialis, I. 1, chap. 46.

En l'an 688 (4289), les deux aventuriers débarquèrent dans la province de Tripoli, et Morghem rassembla aussitôt les guerriers de sa tribu afin de leur faire reconnaître la souveraineté du fils d'Abou-Debbous. Soutenu par ces Arabes et par les troupes chrétiennes de la flotte, Othman mit le siége devant Tripoli et, pendant trois jours, il y fit beaucoup de dégâts. Les chrétiens se rembarquèrent alors et allèrent mouiller vis-à-vis de la ville, pendant que Morghem et le fils d'Abou-Debbous se mirent à parcourir le pays, après avoir laissé un corps de troupes au camp pour continuer le siége. Dans cette course, les deux chefs prélevèrent assez d'impôts et de contributions pour solder les frais de l'expédition, selon le traité. Les chrétiens s'en retournèrent chez eux après avoir reçu l'argent, et le prince resta au milieu de ses alliés arabes. Il fit ensuite plusieurs autres courses dans la province de Tripoli, et, sur l'invitation d'Ibn-Mekki, il se disposa à passer dans le Zab. En faisant cette démarche, IbnMekki avait l'espoir de s'ériger en souverain indépendant, à l'instar du prince almohade'. La mort d'Ibn-Abi-Debbous, qui eut lieu à Djerba, fit manquer l'entreprise.

MORT D'ABOU-'L-HOCEIN-IBN-SÉÏD- EN-NAS, PREMIER MINISTRE DU
GOUVERNEMENT DE BOUGIE.
IL EST REMPLACE PAR IBN-ABI-

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DJEBBI.

Nous avons déjà fait connaître les antécédents d'Abou-'lHocein-Ibn-Seïd-en-Nas et mentionné pourquoi il était allé trouver l'émir Abou-Zékérïa à Tlemcen. Il servit ce prince avec dévouement et, quand son maître eut enlevé à l'empire hafside les provinces de la frontière occidentale et rendu Bougie un second Tunis, il obtint de lui les fonctions de grand chambellan et l'administration de l'état. Ce prince lui accorda aussi les hauts

La bonne leçon du texte arabe est celle qui est indiquée en note. 2 Voy. p. 399 de ce volume.

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