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ouvert, il avait dans son armée deux caïds, frères d'El-MoëzzIbn-Mohammed-Ibn-Oulmouïa le sanhadjien, gouverneur de Cabes. Ces officiers, dont l'un se nommait Ibrahîm et l'autre Cadi, ayant été destitués par leur souverain, cédèrent à leur mécontentement et passèrent dans le camp de Mounès-Ibn-Yahya-es-Sinberi, émir de la tribu des Rîah. Accueillis avec distinction par ce chef et envoyés à Cabes, auprès de leur frère, ils se concertèrent ensemble et reconnurent pour souverain l'homme qui les avait si bien traités. Ce fut là la première conquête réelle que les Arabes effectuèrent en Ifrîkïa. Plus tard, Ibrahîm prit le commandement de Cabes, et son frère, Moëzz-Ibn-Mohammed, alla trouver Mounès et resta avec lui. Quand Ibrahîm mourut, Cadi, le troisième frère, lui succéda. Celui-ci gouverna d'une manière si tyrannique que, sous le règne de Temîm, fils d'El-Moëzz-IbnBadîs, les habitants le firent mourir et donnèrent le commandement de la ville à Omar [fils d'El-Moëzz], qui venait de se révolter contre son frère, le sultan Temîm. La nomination d'Omar eut lieu en 489 (1096). Quelque temps après, Temîm vint à la tête d'une armée et lui enleva la ville. Le peuple de Cabes, s'étant ensuite révolté contre ce prince, reconnut de nouveau la souveraineté des Arabes et reçut pour chef Megguen-Ibn-Kamel-IbnDjamê, émir des Menakcha. Cette tribu faisait partie des Dehman, branche des Beni-Ali, une des grandes ramifications de la tribu de Biah. Megguen étant parvenu à y établir son autorité malgré les efforts du gouvernement sanhadjien, accueillit avec empressement Mothenna, fils de Temîm-Ibn-el-Moëzz, qui venait d'abandonner le parti de son père. Il mit alors le siége devant ElMehdïa, mais la résistance que cette place lui opposa et la découverte de plusieurs traits scandaleux dans la conduite de son protégé, le portèrent à décamper. Il conserva jusqu'à sa mort le gouvernement de Cabes et le commandement des Dehman. Rafé, son fils et successeur, exerça une grande autorité à Cabes. Le Casr-el-Aroucïîn, château royal de cette ville, fut bâti par Rafè, et l'on voit encore sur la muraille de cet édifice une inscription qui porte son nom. Lors de l'avènement d'Ali, fils de YahyaIbn-Temîm, une mésintelligence éclata entre lui et Rafè, lequel

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embrassa alors le parti de Roger, seigneur de la Sicile. Ali ayant ensuite défait les chrétiens dans un combat naval, prit à sa solde plusieurs tribus arabes, organisa une nouvelle flotte et, en l'an 511 1 (1117-8), il se dirigea contre Cabes. Ibn-Abi-'sSalt assure qu'il enrôla les trois cinquièmes de la population arabe; ayant acheté les services des Said, des Mohammed et des Nahba 3, auxquels il ajouta une portion du quatrième cinquième, savoir les principaux chefs des Beni-Mocaddem. Les Arabes de la plaine de Cairouan vinrent aussi se ranger sous les drapeaux du prince zîride. Rafè chercha à se réfugier dans cette ville, mais il en fut repoussé par les habitants. A la suite de ces événements, les cheikhs de la tribu de Dehman tinrent une assemblée et, s'étant distribué les villes du pays, ils assignèrent à Rafè celle où il avait essayé de trouver un asile. Ali, fils de Yahya, averti que son adversaire avait obtenu des Dehman la possession de Cairouan, ordonna à ses troupes et à ses mercenaires arabes d'aller y mettre le siége. Il marcha lui-même plusieurs fois contre les partisans de Rafè et, dans une de ces expéditions, il mourut de maladie. Rafê écouta alors les conseils de Meimoun-Ibn-Zîades-Sakhri, et grâce à la médiation de ce chef, il conclut un traité de paix avec le [nouveau] sultan.

Plus tard, Rechîd-Ibn-Kamel exerça l'autorité à Cabes. « Ce » fut lui, dit Ibn-Nakhîl, qui fonda le Casr-el-Aroucïîn et fit >> battre les monnaies que l'on appelle rechidiennes. » Son fils et successeur, Mohammed, avait un affranchi nommé Youçof. Etant sorti une fois pour conduire une expédition, il laissa son fils avec ce serviteur, auquel il accordait une confiance entière. L'affranchi profita de cette occasion pour usurper le commandement de la ville et, ayant expulsé le fils de son patron, il reconnut la souveraineté de Roger, prince de la Sicile; mais il en fut

1 Les manuscrits et le texte imprimé portent 441.

Ibn-Abi-'s-Salt, appelé Abou-'s-Salt par l'auteur du Baïan, écrivit une histoire d'El-Mehdïa et de l'émir El-Hacen-Ibn-Ali, le zîride. Cet - ouvrage s'arrête à l'an 517. L'auteur mourut en 537 (1142-3),

3 Peut-être faut-il modifier la ponctuation de ce nom et lire Bohtha.

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mençaient à lui manquer, et il obtint du gouverneur de Tunis, le cid Abou-Zeid, fils d'Abou-Hafs-Omar et petit-fils d'Abd-elMoumen, l'autorisation de se démettre du pouvoir et de faire le pèlerinage de la Mecque. Il s'embarqua l'an 586 (1190) et alla se fixer à Alexandrie.

Quant à la ville de Sfax, elle obéissait, du temps des premiers Zîrides, à des officiers choisis parmi les Sanhadja, tribu dont la famille régnante faisait partie; mais El-Moëzz-Ibn-Badîs Y établit comme gouverneur une de ses créatures, Mansour - elBerghouati. Ce fonctionnaire, brave cavalier du reste, profita de l'irruption des Arabes et de la retraite d'El-Moëzz à ElMehdia pour se révolter contre le sultan ziride. Son cousin Hammou-Ibn-Melil-el-Berghouati le fit mourir dans un bain et s'attira par cet assassinat l'inimitié des Arabes faisant partie de la confédération à laquelle appartenait sa victime. Assiégé par eux dans Sfax, il leur acheta la paix et demeura maître de la ville. Lors de la mort d'El-Moëzz, il crut pouvoir s'emparer d'ElMehdia, mais Temîm alla à sa rencontre et mit ses troupes en pleine déroute. Ceci se passa en 455 (1063).

Quelque temps venait de s'écouler quand Temîm plaça son fils Yahya à la tête d'un corps d'Arabes et l'envoya contre Sfax. Cette tentative demeura sans résultat, Yahya ayant été obligé de lever le siége. En l'an 493 (1099-1100), Temîm s'empara de Sfax et força Hammou à chercher un asile auprès de MegguenIbn-Kamel, émir de Cabes. Depuis lors, la ville conquise eut pour gouverneurs des princes de la famille de Badîs, jusqu'à ce qu'elle tomba au pouvoir des chrétiens. Ce fut Georges, fils de Michel et amiral de Roger, qui en fit la conquête; le même qui avait pris El-Mehdïa en l'an 543 (1148-9). Il permit aux habitants de rester dans la ville, et, voyant la haute considération qu'ils témoignaient pour Omar-Ibn-Abi-'l-Hacen-el-Feryani, il le revêtit des fonctions de gouverneur. Nous devons toutefois faire observer qu'en repartant pour la Sicile, il emmena avec lui le père de cet homme en qualité d'otage. Tel fut le système suivi par Roger à l'égard de ses conquêtes africaines; il autorisait les vaincus à y rester; il leur donnait des concitoyens pour chefs, et,

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