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Mohammed-Ibn-Abi-Hafs, gouverneur de l'Ifrîkïa. Quand AbouZeid prit le commandement de l'état, après la mort de son père, il se laissa diriger et gouverner par Mohammed-Ibn-Abi'l-Hocein. Le cîd Abou-'l-Ola1 étant ensuite venu de Maroc pour régir la province d'Ifrîkïa, Abou-Zeid partit pour cette capitale et Ibn-Abi-'l-Hocein rentra à Tunis. Lors de l'avènement d'Abou-Zékérïa, Ibn-Abi-'l-Hocein, toujours heureux auprès des princes, parvint à exercer une grande influence sur l'esprit de cet émir et, quand l'autorité passa entre les mains d'El-Mostancer, il continua encore quelque temps à jouir de sa haute fortune. Lors de l'affaire d'[Ibn-] El-Lihyani, les courtisans et les intimes du palais, tous ennemis d'Ibn-Abi-'l-Hocein, se déchaînèrent contre lui et répandirent le bruit qu'il était en correspondance avec Abou-'l-Cacem, fils de son ancien maître, AbouZeid. Le sultan ajouta foi à ces accusations et disgrâcia le favori trop puissant. Par son ordre, Ibn-Abi-'l-Hocein dut rester chez lui aux arrêts; mais, au bout de neuf mois de détention, il recouvra la liberté, rentra dans les bonnes grâces du sultan et reprit la haute direction des affaires, après avoir tiré vengeance de ses ennemis. Il garda le pouvoir jusqu'à sa mort, événement qui eut lieu en 671 (1272-3).

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Said-Ibn-Youçof-Ibn-Abi-'l-Hocein 3, cousin du précédent, avait acquis une grande influence à la cour et gagné beaucoup d'argent en remplissant les fonctions d'administrateur général des impôts de la capitale.

Le ministre Abou-Abd-Allah-Ibn-Abi-'l-Hocein se distingua par la variété de ses talents: savant philologue, bon poète et habile écrivain dans le haut style épistolaire, il composa plu

On lit Abou-Ali dans le texte imprimé et les manuscrits; erreur que nous avons corrigée dans la traduction.

Voy., ci-devant, p. 354.

3 Les manuscrits et le texte imprimé portent, à tort, El-Hacen.

• A la place d'afna (dépenser), il faut, sans doute, lire ictina (gagner). Ces deux mots, écrits en caractères arabes, ne diffèrent que par un trait et le déplacement d'un point.

sieurs ouvrages dont l'un, intitulé El-Kholasa (la quintessence), offre une rédaction du Mohkam d'Ibn-Cîda '; les articles s'y trouvent disposés par ordre [alphabétique], à l'instar du Sahah, dictionnaire célèbre composé par El-Djouheri. Comme administrateur, il montra un esprit vif, un caractère ferme, beaucoup de dignité et un zèle extraordinaire pour les intérêts de son maître. Et-Tidjani et d'autres écrivains nous ont transmis quelques-uns de ses poèmes, dont un des mieux connus est celui dans lequel l'émir Abou-Zékérïa est censé adresser la parole à Einan-Ibn-Djaber, en lui reprochant sa rebellion et son alliance avec Ibn-Ghanîa. Les vers de cette pièce se terminent par la lettre r; et dans un autre poème, qu'il composa auparavant, la rime se forme par la lettre d. Il vivait encore quand son fils Saîd, qui était parvenu à une haute position dans l'état, mourut prématurément.

Trois années après la mort d'Ibn-Abi-Hocein eut lieu celle du cheikh Abou-Saîd-Othman-lbn-Mohammed-el-Hintati, surnommé El-Aoud-er-Releb (bois vert), et dont la faur.ille était connue en Maghreb sous le nom des Beni-Abi-Zeid. A cette maison appartenait aussi Abd-el-Aziz, surnommé Saheb-el-Achghal. AbouSaid s'enfuit du Maghreb sous le règne d'Es-Saîd à cause des désagréments qu'il y avait éprouvés, et arriva dans Sidjilmessa en l'an 644 (4243-4). Abd-Allah-el-Hezerdji, qui venait d'y usurper le commandement en proclamant la souveraineté d'Abou-Zékérïa, l'envoya à Tunis. Abou-Zékérïa accueillit le ré

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Abou-'l-Hacen-Ali-Ibn-Cida, natif de Murcie, en Espagne, et auteur d'un ouvrage philologique très-volumineux, intitulé El-Mohkam (le bien-établi), et de plusieurs autres écrits, mourut à Denia, en l'an 458 (1066). (Ibn-Khallikan, vol. 11, p. 272)

Voy. t. 1, p. 436, note 1.

3 Voy. t. I, p. 440.

Ces mots signifient maitre des affaires; ils formaient le titre par lequel on désignait, en Afrique, le ministre des finances.

⚫ Ci-devant, p. 244, notre auteur recule ce fait d'une année.

fugié avec bonté, l'inscrivit sur la liste des cheikhs almohades et l'admit dans sa société intime. Après la chute de la famille Noman', Abou-Saîd gagna l'esprit d'El-Mostancer au point de le diriger à son gré et de gouverner l'empire. Son influence se maintint jusqu'à sa mort, événement qui eut lieu en 673 (1274-5). Il laissa une excellente réputation et fut vivement regretté de tout le monde.

REVOLTE ET PRISE D'ALGER.

Les habitants d'Alger s'étant aperçus que l'autorité du sultan hafside avait cessé de se faire sentir chez les Zénata et les autres peuples du Maghreb central, secouèrent le joug de l'empire afin d'établir leur indépendance. En l'an 669 (1270-1). le sultan envoya une armée contre Alger et, deux années plus tard, il donna l'ordre à Abou-Hilal-Eïad, gouverneur de Bougie, de s'y rendre à la tète des troupes almohades. Pendant l'espace d'un an, ce général assiégea la ville sans aucun succès, et, ayant alors repris la route de Bougie, il mourut au camp, à BeniOura, en l'an 673 (1274-5). Le sultan s'étant décidé à renouveler ses tentatives, y envoya une autre armée, l'année suivante, et y expédia sa flotte en même temps. Les troupes tunisiennes avaient pour chef El-Hacen-Ibn-Yacîn. D'après les ordres du sultan, le gouverneur de Bougie y fit marcher un corps de troupes sous les ordres d'Abou-'l-Abbas-Ibn-Abi-'l-Alam. La ville se trouva bientôt étroitement bloquée par terre et par mer; puis, ayant été emportée d'assaut, elle vit massacrer ses habitants, piller ses maisons, déshonorer ses mères de famille et violer ses vierges. Les cheikhs [qui formaient le gouvernement] d'Alger furent chargés de chaînes et conduits à la citadelle de Tunis, où ils restèrent prisonniers jusqu'à la mort du sultan. El-Ouathec monta alors sur le trône et ordonna leur mise en liberté.

Voy., ci-devant, p. 343.

L'exacte position de cette localité nous est inconnue.

SON CARACTÈRE.

MORT DU SULTAN EL-MOSTANCER.

Après la réduction d'Alger, El-Mostancer sortit de Tunis pour se livrer au plaisir de la chasse et visiter les provinces de son empire; mais, dans cette tournée, il fut atteint d'une maladie. qui le força à rentrer dans sa capitale. Son indisposition prit bientôt un caractère alarmant, et le bruit de sa mort commençait à se répandre quand, au jour du Sacrifice de l'an 675 (16 mai 1277), il sortit du palais, appuyé sur les bras de deux serviteurs et pouvant à peine mettre un pied devant l'autre. S'étant alors placé dans une tribune, il rallia toutes ses forces afin de recevoir les hommages de ses sujets; mais, épuisé par cet effort, il rentra chez lui et mourut la même nuit.

De tous les princes de la famille d'Abou-Hafs, El-Mostancer fut celui dont l'autorité et la renommée eurent la plus grande étendue. Pendant un règne d'une durée peu commune, il avait vu les provinces de l'Espagne et de l'Afrique lui tendre une main suppliante et briguer son appui. Sa cour fut toujours remplie de personnages éminents qui s'y étaient rendus du vivant de son père. On y rencontrait, surtout, une foule d'andalousiens, les uns poètes distingués, les autres écrivains éloquents, savants illustres, princes magnanimes, guerriers intrépides, qui étaient tous venus s'abriter à l'ombre de sa puissance.

Faisons observer que le khalifat de l'Orient et celui de l'Occident venaient de succomber et que la voix de la puissance impériale ne se faisait plus entendre qu'à sa cour. L'empire chrétien avait englouti les métropoles de l'Andalousie orientale et occidentale : en 633 (1236), le roi [de Castille] s'était emparé de Cordoue; en 636 (1238), Valence succomba, et, en 646 (1248), eut lieu la chute de Séville. En Orient, la ville de Baghdad, siége du khalifat des Arabes et capitale de l'islamisme, fut prise par les Tartars l'an 656 (1258), et, en Occident, douze années plus tard, les Mérinides enlevèrent le pouvoir à la famille d'Abdel-Moumen et occupèrent Maroc, siége du khalifat almohade. Tous ces événements eurent lieu sous son règne ou sous celui de son père.

A cette même époque, l'empire hafside se trouvait dans l'état le plus florissant: puissance étendue, bien-être général, revenus abondants, population nombreuse, patriotisme, forces militaires, tout contribuait à en rehausser la splendeur et à diriger vers El-Mostancer les regards des peuples voisins, qui tous espéraient trouver en lui un soutien et un vengeur. Pendant que les opprimés accouraient en foule pour implorer sa protection, la gloire et la majesté brillaient autour de lui, et la renommée portait au loin le bruit de ses exploits. Sous lui, la prospérité de Tunis fut portée au plus haut degré et les habitants jouirent d'une aisance sans exemple. On y rechercha le luxe dans les habillements, les équipages, les maisons, les meubles et les tentes; l'on rivalisa d'efforts pour rebâtir, restaurer et améliorer; on avait même atteint à la dernière limite de la perfection quand on entra dans une nouvelle époque, celle de la décadence.

YAHYA-EL-OUATHEC, SURNOMMÉ EL-MAKHLOUÉ [LE DÉPOSÉ], EST PROCLAMÉ SOUVERAIN.

La nuit même de la mort d'El-Mostancer, les Almohades et tous les corps constitués se rendirent auprès de son fils Yahya et lui prêtèrent le serment de fidélité. Le lendemain, jour de l'inauguration solennelle, il prit le titre d'El-Ouathec (qui se fie à Dieu). Le nouveau souverain commença son règne par supprimer une foule d'abus et vider les prisons; il accorda des gratifications aux troupes et aux employés du gouvernement; il fit restaurer les mosquées et abolit plusieurs impôts qui pesaient sur le peuple. Il combla aussi de récompenses les poètes qui s'étaient empressés à célébrer ses louanges. Par son ordre, on mit en liberté Eïça-Ibn-Dawoud et on le rétablit dans la place qu'il avait remplie avant sa détention. Le droit d'administrer le

On a vu, ci-devant, p. 366, qu'Eïça-Ibn-Dawoud était un des sept chefs almohades qui commandaient l'armée musulmane, lors de la descente de Saint-Louis.

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