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Rentré en Maghreb, Es-Saîd ordonna la mort de Said-IbnZékérïa, et, après avoir pris position à El-Macarmeda, ville des environs de Fez, il conclut une trève avec les Beni-Merîn. Arrivé à Maroc, il fit arrêter Abou-Mohammed-Ibn-Ouanoudin et l'envoya prisonnier à Azemmor, ainsi que Yahya-Ibn-Mezahem et Yahya-Ibn-Attouch. Le soin de garder ces détenus fut confié à tbn-Makcen. Peu de temps après, Ibn-Ouanoudîn effectua son évasion par un stratagème, et, s'étant rendu, de nuit, chez Kanoun-Ibn-Djermoun, il obtint de ce chef une monture et une escorte d'Arabes sofyanides, afin d'aller rejoindre son peuple, les Hintata. Es-Said lui écrivit alors une lettre d'excuses, et, étant parvenu à le rassurer, il lui donna l'autorisation de fixer son séjour dans Tafîout, château situé sur la montagne des Hintata, et d'y amener sa famille.

Kanoun-Ibn-Djermoun s'étant alors mis en révolte, Es-Said marcha contre lui, après s'être assuré l'appui des Beni-Djaber et des Kholt. En quittant Maroc, il prit pour vizir le cîd AbouIshac, fils du cid Abou-Ibrahim-Ishac et neveu d'El-Mansour, et il y laissa comme son lieutenant Abou-Zeid, frère du cîd AbouIshac; au troisième frère, Abou-Hafs-Omar, il donna le gouvernement de Salé. Abou-Yahya-Ibn-Abd-el-Hack [le mérinide] ayant appris que le sultan venait de se mettre en campagne [l'an 643]1, rassembla les Beni-Rached, les Beni-Oura et les Sofyan, afin de lui livrer bataille; les deux armées étaient sur le point de se trouver en présence, lorsque Kanoun-Ibn-Djermoun profita de l'embarras des Almohades pour surprendre Azemmor. Le sultan marcha aussitôt contre lui et le poursuivit si vivement qu'il réussit à lui tuer un grand nombre de Sofyanides. Il s'empara aussi de toutes les richesses du chef rebelle et de ses troupeaux. Kanoun se réfugia, avec les débris de sa tribu, au milieu des Beni-Merîn, et Es-Saîd rentra dans sa capitale.

En l'an 643 (4245-6), la populace de Mequinez assassina le gouverneur que Said y avait installé, et les cheikhs de la ville,

Ici, l'auteur a laissé la date en blanc, bien qu'il l'ait déjà indiquée. Voy. t. 1, p. 62.

craignant la vengeance du khalife, y proclamèrent la souveraineté d'Abou-Zékérïa le hafside, émir de l'Ifrîkïa. Ils lui envoyèrent, en même temps, un acte d'hommage et de fidélité qu'ils firent dresser par Abou-l-Motarref-Ibn-Omeira. En prenant cette résolution, ils avaient suivi les conseils d'Abou-YahyaIbn-Abd-el-Hack, l'émir mérinide, dont ils s'étaient assurés la protection par le don d'une somme d'argent; mais ils ne tardèrent pas cependant de changer d'avis, et une députation, composée des personnages les plus distingués chez eux par leur piété, se rendit acprès d'Es-Saîd et lui fit agréer les excuses de leurs concitoyens.

En cette même année, les habitants de Séville et de Ceuta firent prévenir Abou-Zékérïa le hafside qu'ils venaient de le reconnaître pour souverain. Un navire équipé par Ibn-Khalas, qui voulut envoyer de riches présents à cet émir et dans lequel il avait fait monter son fils, sombra en sortant du port [de Ceuta]. Le 27 Ramadan 646 (13 janvier 1249)1, le roi chrétien s'empara de Séville.

Es-Said ayant appris que Séville et Ceuta s'étaient déclarés. pour Abou-Zékérïa et que cet émir avait conquis la ville de Tlemcen, informé aussi que Yaghmoracen venait d'embrasser le parti des Hafsides, ainsi que les habitants de Mequinez et de Sidjilmessa, résolut de marcher sur Tlemcen et d'envahir l'Ifrîkïa. Parti de Maroc dans le mois de Dou-'l-Hiddja 645 (avril 1248), il fit la rencontre de Kanoun-Ibn-Djermoun qui venait se mettre de nouveau à ses ordres, et, avec le concours de ce chef, il rallia sous ses drapeaux les Sofyan et les autres tribus djochemites. Arrivé à Tèza, il reçut une députation mérinide qui lui présenta la soumission de l'émir Abou-Yahya-IbnAbd-el-Hack. Il reprit alors sa marche vers Tlemcen avec un renfort mérinide. Dans le mois de Safer 646 (mai-juin 1248), il arriva à Temzezdekt où il fut tué par les Abd-el-Ouadites, ainsi que nous le raconterons dans l'histoire de ce peuple. L'on dit que cette catastrophe fut amenée par la trahison des Kholt qui

Selon les historiens chrétiens, Séville capitula le 23 novembre 1248.

s'étaient empressés de piller le camp et d'assassiner leur ancien ennemi Kanoun. L'armée almohade se rallia autour d'Abd-Allah, fils de Said, et rentra en Maghreb; mais, arrivée aux environs de Tèza, elle fut mise en déroute par les Mérinides, après avoir perdu son chef, Abd-Allah, qui fut tué dans la mêlée. Quand les fuyards atteignirent Maroc, on y proclama la souveraineté d'ElMorteda.

REGNE D'EL-MORTEDA, NEVEU D'EL-MANSOUR.

Quand les débris de l'armée almohade rentrèrent à Maroc, après la mort d'Es-Saîd, les Almohades s'empressèrent de prêter le serment de fidélité au cid Abou-Hafs-Omar, fils du cîd AbouIbrahim-Ishac et neveu d'El-Mansour. Le nouveau souverain quitta Salé sur leur invitation, et, s'étant fait accompagner par les cheikhs des tribus arabes, il suivit le chemin de la capitale et rencontra, à Temsna, la députation des Almohades. Après avoir reçu de ces envoyés le serment de fidélité, il prit le titre d'ElMorteda (l'agréé) et donna à Yacoub-Ibn-Kanoun le commandement des Beni-Djaber. Il confirma aussi Yacoub-Ibn-Djermoun, oncle du précédent, dans le commandement des Arabes sofyanites, poste auquel ce chef venait d'être élevé par le choix de son peuple.

Arrivé dans la capitale, il choisit pour vizir Abou-MohammedIbn-Younos et fit emprisonner les domestiques d'Es-Said. Le cid Abou-Ishac qui, après la défaite des Almohades, s'était rendu à Maroc en passant par Sidjilmessa, obtint la place de vizir et acquit, sur l'esprit de son frère El-Morteda, une influence sans bornes.

Aussitôt après la mort d'Es-Said, les Beni-Merîn, conduits par Abou-Yahya-Ibn-Abd-el-Hack, enlevèrent le Ribat de Tèza au frère d'Abou-Debbous, le cîd Abou-Ali, qui s'enfuit alors à Maroc. En 647 (1249-50), ils s'emparèrent de Fez, ainsi que nous le raconterons dans l'histoire de ce peuple. La même année, Abou-'l-Cacem-el-Azéfi souleva la ville de Ceuta et en expulsa le gouverneur, Ibn-es-Chehîd, parent de l'émir Abou

Zékérïa, seigneur de l'Ifrîkïa. Il y fit alors proclamer la souveraineté d'El-Morteda, ainsi que cela se verra exposé dans l'histoire des Hafsides et dans la notice de la famille Azéfi.

En l'an 649 (1251-2), Mouça-Ibn- Zîan-el-Oungaçni et son frère Ali, chefs mérinides, arrivèrent à la cour d'El-Morteda et le poussèrent à la guerre contre la famille d'Abd-el-Hack. Le khalife y consentit et se mit en campagne; mais, lorsqu'il fut arrivé à Aman-Imelloulin, Yacoub-Ibn-Djermoun fit répandre le bruit que les deux partis avaient fait la paix. Cette nouvelle inspira à une portion des troupes almohades le désir de regagner ses foyers, et, comme elle décampa le lendemain, le reste de l'armée, frappé d'une terreur panique, s'enfuit sans coup férir. El-Morteda rentra dans sa capitale, et ayant appris que son vizir, Abou-Mohammed-Ibn-Younos, s'était mal conduit, il le renvoya, lui et tous ses gens, dans la montagne [des Hintata].

En 651 (1253-4), Ali-Ibn-Yedder abandonna la cour du sultan et s'enfuit dans le Sous où il leva l'étendard de la révolte. Un corps de milice qu'El-Morteda fit marcher contre lui, rentra sans avoir pu l'atteindre; aussi, la puissance du chef insurgé devint très formidable l'année suivante. Effectivement, il rallia à sa cause les Beni-Hassan ainsi que les Chebanat, et, s'étant muni de plusieurs charges d'argent, il alla mettre le siége devant Taroudant. L'approche d'une armée almohade qu'El-Morteda avait envoyée contre lui, l'obligea à décamper; mais, aussitôt que ces troupes se furent éloignées, il revint occuper la position qu'il avait abandonnée. On intercepta alors un billet adressé par lui à son parent Ibn-Younos, ainsi qu'une réponse écrite de la main de celui-ci. Cette découverte donna lieu à l'emprisonnement d'Ibn-Younos et de ses enfants et finit par lui coûter la vie.

Dans cette année, El-Morteda attira à la capitale les cheikhs de la tribu des Kholt et les fit tous mourir, à cause de leur conduite lors de la mort d'Es-Saîd. Vers la même époque, Abou-'IHacen-Ibn-Yalou, accompagné de Yacoub-Ibn-Djermoun, porta vers Temsna à la tête d'un corps almohade, afin de faire l'inspection des tribus arabes; et, d'après les ordres d'ElMorteda, il chargea de fers Yacoub-Ibn-Mohammed-Ibn-Caitoan,

se

cheikh des Beni-Djaber, ainsi qu'Ibn-Moslem, lieutenant de celuici, et les envoya à Maroc.

En 653 (1255), El-Morteda sortit de sa capitale avec l'intention de reprendre sur les Beni-Merîn la ville et la province de Fez. Parvenu à Beni-Behloul, il rencontra l'ennemi sous les ordres d'Abou-Yahya-Ibn-Abd-el-Hack, et la fortune s'étant déclarée contre les Almohades, il ramena à Maroc les débris de son armée. Depuis lors, il n'essaya plus d'inquiéter les Beni-Merîn [et borna ses efforts à la défense du territoire qui lui restait].

[Vers ce temps], El-Azéfi s'empara du gouvernement de Ceuta et Ibn-el-Amîr de celui de Tanger. Nous reparlerons ailleurs de ces événements.

En 655 (1257), El-Morteda envoya en Sous une armée almohade commandée par Abou-Mohammed-Ibn-Aznag; mais AliIbn-Yedder marcha contre elle, la mit en fuite et raffermit ainsi son autorité dans cette province. La même année, Abou-YahyaIbn-Abd-el-Hack s'empara de Sidjilmessa et en fit prisonnier le gouverneur, Abd-el-Hack-Ibn-Azkou. Il dut cette conquête à la trahison d'un serviteur d'Ibn-Azkou, appelé Mohammed et surnommé El-Kitrani parce que son père avait fait le commerce du goudron (kitran) aux environs de Salé. Cet homme, étant parvenu à devancer tous ses camarades dans la faveur de son maître, commença à écouter les suggestions de l'ambition et songea à usurper le commandement. Il gagna alors la bienveillance des Arabes makiliens par des témoignages de bonté et par des services qu'il leur rendit auprès du gouverneur, et réussit à s'assurer leur coopération au projet qu'il venait de former. Abou-Yahya-Ibn-Abd-el-Hack, auquel il avait secrètement promis de livrer la ville, à condition d'en être nommé le commandant, approcha alors avec ses bandes et envoya une députation auprès d'Ibn-Azkou sous prétexte de lui parler d'affaires. ElKitrani profita de cette occasion pour se saisir de son maître et le livrer à Abou-Yahya. Celui-ci emmena son prisonnier et le laissa ensuite partir pour Maroc; mais, avant de s'éloigner de Sidjilmessa, il y installa une garnison mérinide avec El-Kitrani pour gouverneur. Après la mort d'Abou-Yahya, El-Kitrani

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