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nant avec lui Moaouïa, oncle d'Omar-Ibn-Oucarît. Aussitôt qu'ils arrivèrent, Moaouïa fut arrêté et mis à mort, pendant que Masoud et ses compagnons, invités à une conférence avec le khalife dans la salle d'audience, soutenaient inutilement une lutte des plus acharnées contre les gens qui devaient leur ôter la vie. Er-Rechîd accomplit ainsi son projet de vengeance et rappela du Haha le vizir et l'armée.

Quand les Kholt apprirent la mort de Masoud, ils élurent pour chef Yahya, fils de Hilal-Ibn-Hamîdan, et se mirent à faire des courses dans les provinces voisines; puis, d'après les conseils d'Omar-Ibn-Oucarît, ils rappelèrent Yahya-Ibn-en-Nacer du fond du Désert et allèrent mettre le siège devant Maroc. La garnison, commandée par Abd-es-Samed-Ibn-Iloulan sortit pour les combattre, mais Ibn-Oucarît se jeta sur elle à la tête de ses bandes, la mit en déroute et tailla en pièces les milices chrétiennes auxquelles il avait coupé la retraite.

La capitale fut réduite presqu'à la dernière extrémité par le manque de vivres, quand Er-Rechîd en sortit et traversa les montagnes habitées par les tribus almohades, pour aller s'emparer de Sidjilmessa. Yahya, fils d'En-Nacer, pressa alors le siège de Maroc et s'en rendit maitre avec l'appui des Kholt et des Heskoura. Les vainqueurs s'y livrèrent à tous les excès qui peuvent se commettre en pareille occasion, et, dès ce moment, commença le declin du khalifat. Installé enfin dans Maroc, le sultan Yahya se laissa gouverner par le cîd Abou-Ibrahîm, fils d'Abou-Hafs et surnommé Abou-Haffa.

En l'an 633 (4235-6), Er-Rechîd quitta Sidjilmessa avec l'in→ tention de reprendre Maroc, et décida Djermoun- Ibn - Eïça, chef des Sofyan, à lui fournir l'appui de cette tribu. Il venait de traverser l'Omm-Rebiâ quand il rencontra l'armée commandée par Yahya-Ibn-en-Nacer et en fit un massacre épouvantable après l'avoir mis en pleine déroute. A la suite de cette victoire, il occupa encore la capitale de l'empire.

Les Kholt écoutèrent alors les conseils d'Omar Ibn-Oucarît et

On lit Yahya dans les manuscrits et le texte imprimé.

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abandonnèrent la cause de Yahya-Ibn-et-Nacer pour reconnaître la souveraineté d'Ibn-Houd, seigneur de l'Espagne. Afin d'obtenir l'appui, de ce prince, ils lui envoyèrent une députation, et Omar-Ibn-Oucarît, qui en faisait partie, profita de cette occasion pour rester en ce pays.

Er-Rechîd sortit alors de Maroc et marcha sur Fez en chassant les Kholt devant lui, et, après avoir pris possession de cette ville, il chargea son vizir, le cîd Abou-Mohammed, d'aller percevoir les contributions du pays des Ghomara et de la province de Fazaz.

Yahya-Ibn-en-Nacer, se voyant abandonné par les Kholt, passa chez les Makiliens et se mit sous leur protection; mais, quand il rechercha leur appui, il lui fut impossible de consentir aux conditions exorbitantes qu'ils voulaient lui'imposer. Un de ces Arabes, mécontent de voir ainsi repousser les prétentions de sa tribu, assassina Yahya aux environs de Tèza et envoya la tête de sa victime à Er-Rechîd. Ce monarque, qui était encore à Fez, fit porter à Maroc le triste trophée de son succès, ainsi qu'une dépêche par laquelle il enjoignit à Abou-Ali-Ibn-Abdel-Azîz, son lieutenant dans cette ville, de mettre à mort tous les Arabes que l'on y retenait prisonniers. Cet ordre coûta la vie à Hacen-Ibn-Zeid, chef des Acem, ainsi qu'à Caïd et à Faîd 1, tous les deux fils d'Amer et cheikhs des Beni-Djaber.

En l'an 634 (1236-7), Er-Rechîd prit le chemin de sa capitale; mais, avant d'y arriver, il reçut la nouvelle qu'AbouMohammed-Ibn-Ouanoudîn, seigneur du Derâ, venait de s'emparer de Sidjilmessa. Il faut savoir qu'Er-Rechîd, en quittant cette ville, y avait laissé Youçof-Ibn-Ali-et-Tînmeleli en qualité de lieutenant et qu'il y avait même donné un commandement à son cousin maternel, Yahya, fils d'Arcam et petit-fils de Mohammed-Ibn-Merdenîch. Yahya ayant été tué dans son camp par un insurgé sanhadjien, son fils Arcam entreprit de venger sa mort et réussit au gré de ses désirs; mais, craignant ensuite d'être destitué, il écouta les suggestions de l'ambition et se mit en révolte. En l'an 632, pendant qu'Er-Rechid marchait contre

4 Voy. t. 1, pp. 68, 69.

T. H.

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lui, Ibn-Ouanoudîn parvint à surprendre Sidjilmessa, ville dont il avait convoité la possession depuis longtemps. Il épargna toutefois les jours d'Arcam.

En l'an 634 (1236-7), Ibn-Oucarît obtint d'Ibn-Houd le secours d'une flotte et faillit s'emparer de Salé, forteresse dans laquelle se trouvait le cîd Abou-'l-Ola, beau-pêre d'Er-Rechîd.

En 635, le peuple de Séville répudia l'autorité d'Ibn-Houd et proclama la souveraineté d'Er-Rechîd. Abou-Omar - Ibn-elDjedd, l'auteur principal de ce mouvement, envoya en Afrique [quelques membres de] la famille Haddjadj2, et cette députation se rendit à Maroc après avoir soulevé les habitants de Ceuta en faveur d'Er-Rechîd. El-Yanechti, l'officier qui y commandait, était déjà en rebellion contre Ibn-Houd, quand cette nouvelle révolution lui enleva son pouvoir usurpé. Er-Rechîd, qui se trouvait alors à Maroc, désigna comme gouverneur de Ceuta un de ces envoyés, le nommé Abou-Ali-Ibn-Khalas.

Quelques jours après leur arrivée à la capitale, Omar-IbnOucarit fut conduit [en Afrique] par une députation espagnole, après avoir été arrêté à Séville sur la réquisition du cadi AbouAbd-Allah-el-Moumenani lequel était alors chargé d'une mission auprès d'Ibn-Houd. On enferma cet homme turbulent dans la prison d'Azemmor; puis, sur l'ordre du khalife, on lui ôta la vie, après l'avoir paradé à dos de chameau devant le peuple. Son corps fut mis en croix au Ribat des Heskoura.

Après avoir congédié les députations de Séville et Ceuta, ErRechîd appela auprès de lui les chefs des Kholt, et, les ayant mis aux arrêts, il fit ravager les cantonnements de cette tribu par un corps d'armée et ordonna ensuite la mort des prisonniers. Ibn-Oucarît fat alors exécuté et mourut avec eux. De cette manière, le khalife abattit la puissance des Kholt.

En l'an 636 (1238-9), il reçut à foi et hommage Mohammed

4 Variante: Amr.

2 Dans un autre chapitre, qui se trouvera ci-après, l'auteur parle plus longuement d'Ibn-el-Djedd. Dans la note 3, p. 201 de ce volume, nous avons dit quelques mots de la famille Haddjadj.

Ibn-Youçof-Ibn-Nasr-Ibn-el-Ahmer, qui s'était soulevé en Espagne contre Ibn-Houd.

L'année suivante, de graves désordres affligèrent le Maghreb. dont les campagnes avaient été envahies par la tribu des Merîn. Les Riah, commandés par leur cheikh, Othman-Ibn-Nasr, essuyèrent une défaite sanglante en voulant les repousser de la province d'Azghar. Abou-Mohammed-Ibn-Ouanoudîn, qui avait été rappelé de Sidjilmessa, en 635, pour recevoir d'Er-Rechîd le commandement général de Fez, de Sidjilmessa, de Ghomara et des territoires qui en dépendent, marcha contre les Mérinides et se fit battre par eux. Le même malheur lui arriva dans une seconde et une troisième expédition, mais, néanmoins, il continua à leur faire la guerre encore deux ans avant de rentrer dans la capitale.

Les Mérinides persistèrent, toutefois, à harasser le Maghreb et, pendant ces hostilités, les Beni-Hammama, une de leurs familles, obligèrent les Miknaça à leur payer tribut. Les BeniAsker, [autre tribu merinide,] en éprouvèrent une telle jalousie qu'ils ne cessèrent de porter le ravage dans le territoire des Miknaça [à Tèza].

En 639 (4241-2), Er-Rechîd fit mourir son secrétaire [AbouAbd-Allah]-Ibn-el-Moumenani, après avoir découvert que ce fonctionnaire entretenait une correspondance secrète avec le cîd Omar-Ibn-Abd-el-Azîz, neveu du feu sultan El-Mansour. Une lettre écrite par El-Moumenani et adressée au cîd, avait été déposée au palais par une méprise du messager était tombée entre les mains du sultan.

En 640 [9 du second Djomada] (4 décembre 4242), Er-Rechîd fut trouvé noyé, dit-on, dans une des citernes du palais. Selon un autre récit, il en fut retiré vivant, mais une fièvre le saisit à l'instant et l'emporta.

RÈGNE D'ES-SAID, FILS D'EL-MAMOUN.

Après la mort d'Er-Rechîd, son frère, Abou-'l-Hacen-[Ali-]EsSaid, fut proclamé souverain sur la proposition d'Abou-Mohammed-Ibn-Ouanoudîn. Le nouveau khalife prit le titre d'El-Mo

taded-billah (soutenu par la faveur de Dieu) et choisit pour vizirs les cîds Abou-Ishac, fils du cîd Abou-Ibrahîm, et YahyaIbn-Attouch. Il emprisonna alors plusieurs cheikhs almohades dont il confisqua, en même temps, les biens, et, voulant s'assurer l'appui des Djochem, il attacha à son service les chefs de cette population arabe et confia même la présidence du conseil à Kanoun-Ibn-Djermoun.

A peine eut-il reçu du peuple le serment de fidélité, qu'il apprit la révolte d'Abou-Ali-Ibn-Khalas le valencien, gouverneur de Ceuta, et la défection des babitants de Séville qui avaient reconnu pour souverain l'émir hafside, Abou-Zékérïa, seigneur de l'Ifrîkïa. Bientôt après, le chef hezerdjien, Abd-Allah-Ibn-Zékérïa, se révolta à Sidjilmessa et y fit proclamer la souveraineté de ce même émir; heureux de pouvoir ainsi se soustraire à la vengeance d'Es-Said qui ne voulut jamais lui pardonner certains propos qu'il avait tenus le jour de l'avènement d'Er-Rechîd.

Plus tard, mais dans la même année, Es-Saîd reçut un présent que lui envoya Yaghmoracen, seigneur de Tlemcen. Cette circonstance porta l'émir hafside, Abou-Zékérïa, à marcher sur Tlemcen et à s'en rendre maître ; mais il y rétablit Yaghmoracen bientôt après, ainsi que nous le raconterons dans l'histoire des Beni-Abd-el-Ouad.

En l'an 642 (1244-5), Es-Safd sortit de Maroc afin de rétablir l'ordre dans les provinces du Maghreb, et, après avoir dressé son camp sur le bord du Tencîft, il fit arrêter Saîd-Ibn-Zékérïael-Guedmioui contre lequel on l'avait indisposé. Abou-Zeid, frère de Saîd, s'enfuit aussitôt à Sidjilmessa, emmenant avec lui Abou-Said-el-Aoud-er-Reteb. Le khalife confisqua les biens que les fugitifs avaient laissés à Maroc et marcha ensuite contre Sidjilmessa où il trouva que le gouverneur, Abd-Allah le hezerdjien, s'était mis en état de défense. Abou-Zeid-Ibn-Zékérïa-el-Guedmîoui [profita de cette occasion pour rentrer en grâce], il poussa les habitants à se soulever contre le hezerdjien, se rendit maître de la ville et la remit au khalife. Abd-Allah-el-Hezerdji subit la peine de mort, mais El-Aoud-er-Reteb trouva moyen de s'enfuir à Tunis.

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