Images de page
PDF
ePub

El-Moëzz eut souvent à combattre les Zenata, et dans chaque rencontre, il remporta la victoire. Comme il ne goûtait que médiocrement les hérésies de la secte chîïte, il adopta la croyance orthodoxe des Sonnites, et vers le commmencement de son règne il en fit ouvertement profession 2. Ayant alors chargé d'imprécations tous ceux qui suivaient la doctrine des Rafedites 3, il céda au zèle qui l'animait et donna l'ordre d'ôter la vie à ces sectaires partout où on les trouvait1. Un certain jour, étant allé à la promenade, il invoqua à haute voix le secours d'Abou-Bekr et Omer [les deux premiers khalifes], dans un moment où son cheval était sur le point de s'abattre. La populace ayant entendu cette exclamation [digne d'un vrai Sonnite], se jetta sur les Chîïtes et en fit un massacre affreux . Tous les missionnaires rafedites éprouvèrent le même sort. Le khalife fatemide qui régnait au Caire en fut tellement courroucé qu'il adressa à ElMoëzz une remontrance sévère, pendant que son vizir, Abou-'lCacem-el-Djerdjeraï, travaillait à ramener le souverain zîride par des menaces et des avertissements. El-Moëzz y répondit par des attaques contre le caractère et l'origine des khalifes fatemides. La querelle s'envenima tellement qu'en l'an 440 (1048–9), ElMoëzz ordonna la suppression de la prière qui se faisait dans les mosquées pour la prospérité de Mâdd-el-Mostancer, fit brûler les drapeaux donnés par le gouvernement fatemide, et

pour le trousseau et fêtes de noce, un million de pièces d'or. En 412, il enterra sa mère, et les frais des funérailles montèrent à cent mille pièces d'or. (Baïan.)

[ocr errors]
[ocr errors]

1 Les Zenata de l'ouest marchèrent contre l'Ifrîkïa en 420 et en 427. (Baian.)

2 Son précepteur l'avait élevé secrètement dans les principes du rit orthodoxe malékite.

3 Voy. sur les Rafedites l'appendice n° 1 de ce vol.

• On commença à massacrer les Chîites en l'an 407.

Trois mille en furent tués. Il paraît que les Chîites de l'armée, ayant entendu El-Moëzz invoquer Abou-Bekr et Omar, voulaient le tuer, ce qui amena un conflit dont ils furent les victimes.

abolit l'usage d'inscrire le nom de ces khalifes sur la bordure du manteau impérial [sur les drapeaux] et sur les monnaies. Pour compléter cette révolution, il prononça lui-même [l'an 443] la prière publique au nom d'El-Caïm-Ibn-el-Cader, khalife de Baghdad. Abou-'l-Fadl-Ibn-Abd-el-Ouahed-et-Temîmi, agent politique de la cour de Baghdad, apporta en retour, à El-Moëzz, un diplôme par lequel El-Caïm le confirmait dans le gouvernement de l'Ifrîkïa. Le khalife fatemide, El-Mostancer, chercha le moyen de se venger, et, d'après l'avis de son ministre, AbouMohammed-el-Yazouri, il lâcha sur l'Ifrîkïa les Rîah, le Zoghba et les Athbedj, tribus hilaliennes qui avaient pris part à la révolte des Carmats. Nous avons déjà parlé de ceci dans le chapitre qui traite de l'entrée des Arabes en Ifrîkïa 2.

Ces peuples pénétrèrent dans le pays en dévalisant les voyageurs et en dévastant les lieux habités. El-Moëzz envoya une armée contre les envahisseurs, et comme elle essuya une défaite, il alla lui-même se mesurer avec eux. A la suite d'une bataille qu'il leur livra près du mont Haideran, et qui amena la déroute de ses troupes, il courut s'enfermer dans Cairouan où il fut bientôt bloqué par l'ennemi. Pendant toute la durée de ce siége, les Arabes continuèrent à ravager les campagnes et à opprimer les cultivateurs, jusqu'à qu'ils eurent entièrement ruiné l'Ifrîkïa.

En l'an 449 (1057-8), El-Moëzz se rendit de Cairouan à ElMehdïa sous la protection de Mounès-Ibn-Yahya-es-Sinberi, émir rîahide, dont il venait d'épouser la fille3. Arrivé à El-Mehdïa,

1 La formule de malédiction prononcée solennellement en cette occasion contre les Fatemides, se trouve dans le Baïan, page 289 du texte arabe.

2 Voyez, sur ces événements, le tome 1, p. 30 et suiv.

Ici le texte arabe est équivoque et peut aussi signifier: auquel il venait de marier sa fille. Le passage analogue qui se trouve dans le tome 1, p. 34, répond à une expression arabe tout aussi vague que celle que nous signalons ici. Aussi pourrait-on très-bien le remplacer par les mots : et il lui donna sa fille en mariage. Cette dernière manière d'entendre l'expression asher léhou fi bintih où le sujet du verbe et la personne à laquelle le pronom affixe se rapporte sont également in

il s'arrêta chez son fils Temîm, qu'il y avait envoyé quelque temps auparavant. Les Arabes pénétrèrent alors dans la ville de Cairouan et la mirent au pillage.

Pendant le séjour d'El-Moëzz à El-Mehdïa, des insurrections éclatèrent dans les autres villes de son empire en l'an 454 (1059), Hammou-Ibn-Melîl-el-Berghouati se rendit maître de Sfax; les habitants de Souça se constituèrent en république ; Tunis subit la domination d'En-Nacer-Ibn-Alennas-Ibn-Hammad, seigneur de la Calâ, et Abd-el-Hack-Ibn-Khoraçan, le gouverneur qu'il y établit, se déclara indépendant et transmit à ses enfants l'autorité usurpée. El-Moëzz-Ibn-Mohammed-es-Sanhadji, gouverneur de Cabes, reconnut la souveraineté de Mounès-IbnYahya, et Ibrahim, son frère et successeur, suivit son exemple, ainsi qu'on le verra ci-après. Le royaume de la famille de Badîs s'étant ainsi démembré, plusieurs révoltés s'en partagèrent les débris. Dans une autre partie de cet ouvrage nous raconterons leur histoire.

El-Moëzz mourut [le 5 Châban] 454 (août, 1062).

Règne de Temim fils d'El-Moëzz. La mort d'El-Moëzz plaça son fils Temìm à la tête d'un empire dont il ne resta que les villes fermées de murailles; tout le pays ouvert étant tombé au pouvoir des Arabes. Ce prince employa la seule ressource qui lui restait il suscita des guerres entre eux, et il aida très-adroitement les uns contre les autres.

En l'an 455 (1063), il marcha à la rencontre de Hammou-IbnMelil, seigneur de Sfax, qui s'était mis en campagne pour l'attaquer, et il l'obligea à prendre la fuite. Dans cette guerre, une partie des Arabes seconda Hammam et le reste combattit pour Temîm. S'étant alors emparé de Souça, ce prince envoya son armée contre Tunis et en contraignit le seigneur, Ibn- Khoraçan, à faire sa soumission. [En l'an 460], à la suite de ces

certains, paraît justifiée, dans le cas actuel, par un passage d'un ancien historien que l'auteur du Baïan cite à propos du même événement. On y lit El-Moëzz donna une de ses filles en mariage à un de ces chefs arabes et contracta ainsi une parenté avec eux.

[graphic]

En 474 (4081-2), Temîm marcha sur Cabes et y assiégea Cadi-Ibn-Mohammed-es-Sanhadji, qui avait succédé au gouvernement de la ville à la mort de son frère Ibrahim. Ne pouvant réussir dans cette tentative, il décampa, et deux années plus tard, il se vit lui-même bloqué dans El-Mehdïa par les Arabes. Ayant forcé ces bandits à lever le siége, il les poursuivit jusqu'à Cairouan et les en expulsa au moment où ils venaient d'y entrer. les

Ce fut sous le règne de Temîm, en l'an 480 (1087-8), que chrétiens de Gènes envoyèrent trois cents navires et trente mille soldats contre El-Mehdia. Ces troupes étant débarquées, occupèrent la ville ainsi que [le faubourg de] Zouîla. Après y avoir tout saccagé, elles la remirent à Temîm moyennant la somme de cent mille pièces d'or.

En l'an 489 (1096), Temîm enleva Cabes à son frère OmarIbn-el-Moëzz auquel les habitants avaient déféré le commandement après la mort de Cadi-Ibn-Ibrahîm . Quatre années plus tard, il se rendit maître de Sfax. Hammou-Ibn-Melîl se rendit alors à Cabes, où il passa le reste de ses jours sous la protection de Megguen-Ibn-Kamel-ed-Dehmani.

Depuis l'année 467 (1074-5), les Arabes rîahides avaient chassé de l'Ifrîkïa les Arabes zoghbiens et s'y étaient installés à leur place.

Vers la fin de ce siècle, les Akhder, tribu rîahide, s'emparèrent de la ville de Bèdja.

Temim mourut dans [le mois de Redjeb] 501 (février-mars 4108).

Règne de Yahya, fils de Temim. Yahya, fils et successeur de Temîm-Ibn-el-Moëzz, signala son avénement par la réduction d'Iclîbia, forteresse dont le commandant, Ibn-el-Mahfouz, s'était

• On a vu plus haut que ce personnage n'était pas le fils mais le frère d'Ibrahîm.

[ocr errors]

A cette époque, Megguen avait obtenu possession de Cabes. Voy. ci-après dans la notice des Beni-Djamê. En-Noweiri nous apprend qu'en l'an 494, Temîm s'empara de l'île de Djerba, de celle de Kerkinna et de la ville de Tunis.

« PrécédentContinuer »