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ghomarien touche à cette partie du bord de l'Atlantique qui est habitée par les Berghouata, tribu masmoudienne. En effet, les Beni-Hassan, peuplade ghomarienne, se trouvent établis sur les côtes de l'Océan depuis Azghar et Asila jusqu'à Anfa, où leur territoire touche au pays des Berghouata et des Dokkala, pays qui s'étend jusqu'aux régions occupées par les tribus masmoudiennes de l'Atlas et aux contrées méridionales qui en sont audelà 1.

D'après les observations précédentes, on reconnaîtra que les Masmouda sont, à peu d'exceptions près, les seuls habitants de la partie montagneuse du Maghreb-el-Acsa, car les plaines en sont occupées par d'autres peuples. Les Ghomara sont restés dans leur territoire actuel au moins depuis les premières invasions musulmanes, et nos connaissances au sujet de leur histoire ne remontent pas au-delà de cette époque. Les musulmans leur livrèrent alors plusieurs batailles meurtrières, mais ce fut Mouça-Ibn-Noceir qui leur fit essuyer la défaite la plus rude et les porta à embrasser l'islamisme. Il retint leurs fils comme ôtages et plaça en garnison à Tanger, sous les ordres de Tarec, un corps de troupes qu'ils lui avaient fourni. A cette époque, ils eurent pour émir le même Yulian (Julien) qui reçut la visite de Mouça-Ibn-Noceir et le poussa à envahir l'Espagne. Yulian se tenait à Ceuta, comme nous le dirons tantôt. Ces événements eurent lieu avant la fondation de la ville de Nokour.

Quand les Ghomara se furent convertis à l'islamisme, ils travaillèrent à fonder des empires au profit de chefs appartenant à d'autres races. Plusieurs faux prophètes se sont montrés chez eux, et, dans tous les temps, leurs montagnes ont offert aux rebelles une retraite assurée.

HISTOIRE DE CEUTA ET DE L'EMPIRE FONDÉ DANS CETTE VILLE

PAR LES BENI-EISAM.

Lors de la manifestation de l'islamisme, Ceuta, ville d'une haute antiquité, servait de résidence à Yulian, prince des Gho

1 Cette dernière indication n'est pas exacte.

L'auteur sous-entend ici les Sanbadja, ou Zanaga, de l'Atlas.

mara. Ce chef, ayant appris que Mouça-Ibn-Noceir marchait de son côté, gagna sa bienveillance en lui prodiguant des cadeaux et en payant la capitation. Mouça le confirma dans le commandement de Ceuta, après avoir retenu, comme ôtages, son fils et les fils de son peuple. Il établit aussi Tarec-Ibn-Zîad dans Tanger et y plaça en garnison un corps de troupes que les Ghomara s'étaient obligés à lui fournir. Tarec passa ensuite en Espagne et frappa les Ghomara de nouvelles réquisitions en hommes, jusqu'à ce qu'il eut effectué la conquête dont nous avons parlé ailleurs et dont on ne vit jamais la pareille.

Après la mort de Yulian, les Arabes s'installèrent dans Ceuta, ayant obtenu du peuple de ce chef que la ville leur fût remise à l'amiable. Survint, ensuite, la révolte de Meicera-el-Hakir, partisan célèbre des égarements kharedjites, lequel était parvenu à faire adopter ses erreurs par une grande partie des tribus ghomariennes et par d'autres peuples berbères. Les Berbères de Tanger se portèrent alors sur Ceuta et en expulsèrent les Arabes; puis, ayant réduit en esclavage les habitants de la ville, ils la dévastèrent au point qu'elle resta dépeuplée.

Flus tard, Madjekès, un de leurs chefs les plus distingués, alla s'établir dans Ceuta qui reçut, en conséquence, le nom de Medjekéça. L'ayant rebâti et repeuplé, il embrassa l'islamisme et continua, jusqu'à sa mort, à recevoir les enseignements des hommes instruits dans la loi. Son fils Eisam lui succéda et mourut après avoir régné quelque temps. L'autorité passa alors entre les mains de Modjir, fils d'Eisam, et, à sa mort, elle fut recueillie par Er-Rida, frère ou fils du précédent.

Cette dynastie témoignait aux Idrîcides une obéissance peu franche ainsi que l'on verra ailleurs. En-Nacer [le khalife oméïade espagnol] ayant conçu le projet de se rendre maître du Maghreb, en remplacement des Idricides, seigneurs d'El-Hebet et de Ghomara, qui venaient d'être expulsés de Fez, leur capitale, par les Miknaça et les Zenata, décida ces princes à le reconnaître publiquement pour souverain et à lui donner l'autorisation d'enlever Ceuta aux fils d'Eisam. Il envoya alors contre cette ville ur corps de troupes et une flotte, sous les ordres de son général

Nedjah-Ibn-Ghofaïr. Ceci eut lieu en l'an 319 (931), et Er-Rida l'eisamide s'empressa de faire sa soumission et d'abdiquer le trône. Telle fut la fin de cette dynastie. Ceuta resta dans la possession d'En-Nacer jusqu'à ce que les Beni-Hammoudy fondèrent un nouveau royaume, ainsi que nous l'exposerons plus loin.

HISTOIRE DES BENI-SALEH-IBN-MANSOUR, ROIS DE NOKOUR, ET DU
ROYAUME QU'ILS FONDÈRENT DANS LE PAYS DES GHOMARA.

Lors de la conquête musulmane, les vainqueurs se partagèrent les cantons et les provinces du Maghreb et, à plusieurs reprises, ils obtinrent des khalifes l'envoi de nouvelles troupes afin de faire la guerre aux Berbères. Dans le premier corps de ces renforts, lesquels étaient composés d'Arabes de toutes tribus, se trouva un chef himyerite appartenant à ceux du Yémen et nommé Saleh-Ibn-Mansour. Ce guerrier, qui était généralement connu par le sobriquet d'El-Abd-es-Saleh (le bon serviteur), s'appropria [le territoire de] Nokour, et, vers l'an 91 de l'hégire (709-40), il obtint du khalife El-Ouélid-Ibn-Abd-el-Mélek l'autorisation de garder ce pays comme ieta. Voilà ce que dit l'au¬ teur du Mikyas 3.

« Du côté de l'Orient, le territoire de Nokour touche à Zoua»gha et au Djeraona d'Ibn-Abi-'l-Aîch, de sorte qu'il a cinq » journées de longueur; il avoisine Matmata, Kebdana, Mer» nîça, Ghassaça, localité dont les habitants s'appellent les Gens » du Mont-Herek et Colouâ-Djara, endroit qui appartient aux >> Beni-Ourtendi. Du côté de l'occident, il a pour limites le pays » des Beni-Merouan, tribu ghomarienne, le territoire des Beni

4 Le texte arabe et les manuscrits portent Hammad. 2 Voy. t. I, p. 417, n° 2.

L'ouvrage intitulé El-Mikyas (l'échelle à mesurer) nous est inconnu. On iguore même le nom de celui qui le composa.

Tout ce passage entre guillemets est tiré de la géographie d'ElBekri. Iba-Khaldoun, ou son copiste, y a écrit Aïs avec un sad, à la place d'Aïch avec un chin, qui est la bonne leçon.

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>> Hamid et les cantons occupés par les Mecettaça et les Sanhadja. » Derrière ces peuplades se trouvent les Auréba et la bande de » Ferhoun (hizb-Ferhoun), les Beni-Ouélid, les Zenata [de Ta>> brîda], les Beni-Irnîan et les Beni-Quacen de la bande de >> Cacem, seigneur du Za. » — Au nord de Nokour, à la distance de cinq milles, on rencontre la mer.

Saleh ayant reçu ce territoire comme icta, y fixa son séjour et eut une nombreuse postérité. Il commença par rassembler autour de lui les tribus ghomarites et sanhadjiennes; et, après les avoir converties à l'islamisme, il maintint son autorité avec leur appui. Ayant alors pris possession de Temçaman, il propagea rapidement la vraie religion parmi ces populations. Les devoirs et obligations de la loi leur étant ensuite devenus à charge, elles retombèrent dans l'infidélité, forcèrent Saleh à quitter le pays et prirent pour chef un homme de la tribu de Nefza, surnommé Er-Rondi. Peu de temps après, elles revinrent à la foi et rappelèrent Saleh au commandement. Depuis lors, cechef régna sur elles jusqu'à sa mort, événement qui eut lieu à Temçaman, en l'an 432 (749-50). Son fils et successeur, El-Motacem, prince rempli d'intelligence et de générosité, se distingua aussi par sa piété . pendant son règne, malheureusement bien court, il présida en personne à la prière publique et fit le prône (khotba) lui-même. Son frère Idris, qui lui succéda, posa les fondements de la ville de Nokour sur le bord de la rivière [ainsi nommée]; mais il laissa son ouvrage inachevé et mourut en 143 (760-4). Son fils Said hérita de l'autorité souveraine et atteignit à une grande puissance. Il habita d'abord à Temçaman; mais, bientôt après son avénement, il termina la construction de Nokour et alla s'y établir.

Nokour est la même ville qui porte, de nos jours, le nom d'ElMezemma. Elle est située entre deux rivières dont l'une, le Nokour, descend du pays des Gueznaïa où il prend sa source dans la même montagne qui donne naissance à l'Ouergha. L'au

1 Dans le texte arabe, le mot miftah paraît être employé adverbialement avec le sens d'Iftitah el amri (au commencement).

tre rivière, appelée le Ghîs1, sort du pays des Beni-Ourîagol et verse ses eaux dans le Nokour auprès d'Agdal; plus loin, elles se séparent l'une de l'autre et vont se jeter dans la mer par des embouchures différentes. La ville d'Espagne qui se trouve visà-vis de Nokour se nomme Bézelyana 2.

En l'an 144 (764), les Madjous (Normands) arrivèrent avec une flotte et, s'étant emparés de Nokour, ils la saccagèrent pendant huit jours, mais ils en furent expulsés par les Beranès qui s'étaient ralliés autour de Saîd. Quelque temps après, les Ghomara déposèrent Said et mirent sur le trône un homine de leur tribu nommé Sogguen. Une guerre s'ensuivit dans laquelle Saîd tua son rival, dissipa les insurgés et remporta, par la grâce de Dieu, une victoire éclatante. Il mourut en 188 (803-4) après un règne de trente-sept ans. Son fils Saleh-Ibn-Saîd, qui lui succéda, imita ses prédécesseurs dans l'exacte observation de la loi musulmane, et, jusqu'à sa mort 3, il ne cessa de faire la guerre aux Berbères. Il régna soixante-deux ans et mourut en 250 (864).

Son fils cadet, Saîd-Ibn-Saleh, qui lui succéda, eut à livrer plusieurs batailles à son frère Obeid-Allah et à son oncle ErRida qui s'étaient révoltés contre lui. Les ayant enfin vaincus, il déporta le premier en Orient et pardonna au second dont il avait épousé la fille. Obeid-Allah mourut à la Mecque. Ensuite il ôta la vie à tous ceux de ses oncles et parents qui tombèrent entre ses mains; mais, par cette politique cruelle, il inspira à Séadet-Allah-Ibn-Haroun, un autre de ses parents, la résolution de les venger. Séadet se réfugia dans la montagne d'Abou-'lHacen, chez les Beni-Islîten, et, par ses indications, il les mit à même de surprendre le camp de son neveu, d'enlever tous ses équipages et de massacrer plusieurs milliers de ses partisans. Ala suite

1 Prononcez Ris. Les manuscrits portent à tort aïs.

• Variantes fournies par les manuscrits d'El-Bekri : Touniana, Souniana, Taria.

3 Il faut lire helek à la place de melek, dans le texte arabe.

♦ Les manuscrits portent, à tort, Abou-'l-Hocein.

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