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>> fils, tu seras le septième de la famille qui aura régné, et j'ar >> tout espoir que Saleh-Ibn-Tarîf viendra te trouver. » « Son armée, dit Zemmor, se composait d'environ trois mille. >> hommes appartenant à la tribu des Berghouata, et de dix » mille fournis par les autres tribus, telles que les Djeraoua, les

Zouagha, les Beranes, les Medjekésa, les Matghera, les Demmer, » les Matmata et les Beni-Ouarzguît. Sa religion avait été adop»tée par les Beni-Ifren, les Assada, les Regana, les Izmen, les >> Resafa et les Renemsezara. Aucun de leurs souverains, depuis la fondation de la dynastie, ne prit les emblèmes de la » royauté. »> Fin du récit de Zemmor.

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Les rois d'Espagne et d'Afrique, les Idrîcides, les Oméïades et les Fatemides, faisaient, pendant ces temps et plus tard, des expéditions contre les Berghouata, guerres saintes qui ont laissé de grands souvenirs.

Djàfer-Ibn-Ali[-el-Andelosi] ayant reçu d'El-Mansour-IbnAbi-Amer le gouvernement du Maghreb, quitta l'Espagne en l'an 366 (976-7), pour aller s'établir à Basra; mais il se laissa enlever l'autorité par son frère Yahya, lequel s'était attiré l'affection des troupes et l'amitié des émirs zenatiens. Ayant alors pris la résolution de faire la guerre sainte aux Berghouata, entreprise qui paraissait des plus méritoires, Djâfer marcha contre eux à la tête de la milice andalousienne et des troupes maghrebines. Ayant rencontré les ennemis dans le cœur même de leur pays, il essuya une telle défaite, qu'à peine put-il ramener, auprès de son frère, à Basra, quelques débris de son armée. Rappelé, ensuite, par El-Mansour, il partit pour l'Espagne, laissant son frère Yahya à la tête du gouvernement 3.

1 Variante d'El-Bekri : Resana.

:

Variantes Ournemderara, Ouimserara. A la place de ce nom, dont la véritable orthographe est inconnue, les manuscrits d'El-Bekri portent Terarta.

3 On trouvera parmi les appendices de ce volume la traduction du chapitre consacré par notre auteur aux Beni-Hamdoun, famille dont Djâfer-Ibn-Ali faisait partie.

En l'an 368 (978-9), les Berghouata eurent à soutenir une guerre contre les Sanhadja qui, sous les ordres de BologguînIbn-Zîri, avaient envahi le Maghreb. Déjà les Zenata s'étaient enfuis devant lui et avaient cherché un asile au pied des fortifications de Ceuta, position presqu'inabordable à cause de la difficulté des approches. Bologguîn tourna donc ses armes contre les Berghouata, et ayant rencontré leur armée qui venait au-devant de lui sous la conduite d'Abou-Mansour-Eïça, fils d'Abou-'lAnsar, il la mit en pleine déroute. Abou-Mansour et une grande partie de ses troupes trouvèrent la mort sur le champ de bataille. Le vainqueur envoya ses prisonniers à Cairouan et fit encore plusieurs expéditions contre les Berghouata, tant qu'il resta en Maghreb. Il quitta ce pays en l'an 372 (982-3) et reprit le chemin de sa capitale, mais il mourut avant d'y arriver.

Je n'ai pu découvrir qui régna sur les Berghouata après Abou-Mansour; mais je sais que les troupes d'El-Mansour-IbnAbi-Amer portèrent la guerre chez eux en 389, époque où son fils Abd-el-Mélek[-el-Modaffer] rentra en Espagne, après avoir dirigé une expédition contre Ziri-Ibn-Atïa et confié le gouvernement du Maghreb à son affranchi Ouadeh. La première entreprise de Ouadeh fut de marcher contre les Berghouata avec les milices [andalousiennes], les émirs de ces provinces et les populations soumises à ses ordres. Dans cette expédition, il fit subir à l'ennemi des pertes énormes tant en tués qu'en prisonniers.

Plus tard, les Berghouata eurent à combattre les Beni-Ifren. Vers le commencement du cinquième siècle, une guerre avait éclaté entre les descendants de Yala-Ibn-Mohammed-el-Ifreni et ceux de Zîri-Ibn-Atïa-el-Maghraoui. Les premiers enlevèrent à leurs adversaires la ville de Salé, et Temim-Ibn-Zîri, petit-fils de Yala, qui avait alors succédé au commandement de la tribu, s'installa dans la place conquise afin de pouvoir attaquer plus facilement ses voisins, les Berghouata, et de faire ainsi la guerre sainte. Un peu plus tard que l'an 420 (1029), il commença des

Celte date est fausse : il faut sans doute lire 369 ou 370. Voy. pp. 41 et 12 de ce volume.

hostilités contre eux et y déploya un zèle extraordinaire. Leur ayant tué beaucoup de monde et fait un grand nombre de prisonniers, il leur enleva Temsna et y établit un de ses officiers comme gouverneur.

Après la mort de Temim, les Berghouata réparèrent leurs pertes, mais enfin les Almoravides étendirent sur eux leur domination. Ce peuple, étant sorti de ses déserts, pénétra dans le Maghreb et prit d'assaut un grand nombre de places fortes situées, les unes, dans le Sous-el-Acsa, et, les autres, dans les montagnes habitées par les Masmouda; ensuite il lui sembla bon de faire une guerre sainte aux Berghouata qui se trouvaient dans la province de Temsna et sur le littoral de l'occident. En conséquence de cette résolution, Abou-Bekr-IbnOmar, émir des Lemtouna, marcha contre eux à la tête de ses Almoravides et leur livra plusieurs batailles. Dans un de ces conflits, lequel eut lieu en l'an 450 (1058), Abd-Allah-IbnYacîn le guezoulien trouva le martyre et mourut les armes à la main. Abou-Bekr et ses successeurs ne cessèrent de combattre les Berghouata jusqu'à ce qu'ils les eurent totalement exterminés.

Quand les Berghouata étaient sur le point de succomber, ils avaient pour chef un nommé Abou-Hafs-Abd-Allah, descendant d'Abou-Mansour-Eïça, fils d'Abou-'l-Ansar-Abd-Allah, fils d'Abou-Ghofaïr-Mohammed, fils de Moâd, fils d'Eliça, fils de Saleh, fils de Tarif. Il mourut sur le champ de bataille, et, avec lui, succomba la puissance de sa nation. Les débris de cette secte furent exterminés par les Almoravides; louanges en soient à Dieu, seigneur de tous les êtres !

Ils se trompent, ceux qui regardent les Berghouata comme un peuple zenatien. « Quelques personnes disent que Saleh était >> juif, que son père se nommait Chemaoun [Simon]-Ibn-Yacoub >> et qu'il avait passé ses premières années dans Berbat1. Ayant » alors fait le voyage de l'Orient, il étudia sous Abd-Allah le » le motazelite, et, après s'être adonné à la magie et à plu

1 Il sera question de cet endroit quelques lignes plus loin.

Les motazelites enseignaient le libre arbitre et rejetaient la doctrine des attributs divins.

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>> sieurs autres sciences, il repartit pour l'Occident et se fixa » dans Temsna. Là, il trouva quelques tribus berbères plongées >> dans l'ignorance; il afficha devant elles une grande austérité » de mœurs et parvint à les fasciner par son éloquence. Ayant >> ainsi gagné leur appui, il commença à jouer le rôle de pro»phète. On lui donna le surnom de Berbati, c'est-à-dire natif » de Berbat, vallée dans les environs de Xérès, en Espagne. >> Les Arabes changèrent ce mot en Berghouati pour le plier au » génie de leur langue. » Nous rapportons ici les paroles de l'auteur du Nadm-el-Djouher dont les opinions, à ce sujet, s'accordent avec celles de plusieurs autres généalogistes qui se sont occupés des Berbères. Tout cela n'est cependant qu'un tissu d'erreurs qui sautent aux yeux, car les Berghouata n'appartenaient pas à la race zenatienne; on en voit la preuve dans la localité qu'ils habitaient et dans les rapports de bon voisinage qu'ils entretenaient avec leurs frères, les Masmouda. Quant à Saleh-Ibn-Tarif, c'est une chose reconnue qu'il était berghouatien de naissance; il est d'ailleurs impossible qu'un intrus, un individu d'origine étrangère, puisse réussir à subjuguer des pays et des tribus. Enfin, nous le répétons, c'est une chose avérée que la personne dont il s'agit appartenait réellement à la tribu des Berghouata, branche des Masmouda.

HISTOIRE DES GHOMARA, TRIBU MASMOUDIENNE, ET DES ROYAUMES QU'ILS ONT FONDÉS.

Cette tribu masmoudienne a pour ancêtre Ghomar, fils de Masmoud, ou, selon une autre tradition, Ghomar, fils de Mestaf

1 En effet, ils avaient entre eux et les Zenata les tribus de Zanaga et de Masmouda, sans compter la chaîne de l'Atlas.

Ibn-Khaldoun invoque ici un principe qu'il a développé ailleurs et qu'il regarde comme incontestable. Dans l'histoire de l'Afrique musulmane, on trouve, cependant, plusieurs faits qui contredisent ce principe tels sont l'avènement des Beni-Saleh chez les Ghomara, des Idricides chez les Zenata, des Fatemides chez les Ketama et de la famille d'Abd-el-Moumen chez les Masmouda.

[ou Mesettaf], fils de Melil, fils de Masmoud. Quelques personnes encore représentent Ghomar comme fils d'Assad et petit-fils de Masmoud, pendant que d'autres prétendent que les Ghomara sont des Arabes qui débordèrent (ghamar) sur ce pays de montagnes et que, de là, est venu leur nom. Cette dernière opinion n'a cours que chez le vulgaire.

Les Ghomara se partagent en une quantité innombrable de branches et de familles, parmi lesquelles on distingue, surtout, les Beni-Hamid, les Metiona, les Beni-Nal, les Aghsaoua, les Beni-ou-Zeroual et les Medjekéça. Cette dernière tribu demeure à l'extrême limite [occidentale] du territoire ghomarien.

Les Ghomara habitent les montagnes du Rif, région qui borde la Méditerranée; leur pays a une longueur de plus de cinq journées, depuis Ghassaça, au nord des plaines du Maghreb, jusqu'à Tanger, et il renferme ces villes ainsi que Nokour, Badis, Tîkîsas, Tîttawîn (Tétouan), Ceuta et El-Casr. La largeur de ce territoire est aussi de cinq journées, depuis la mer jusqu'aux plaines qui avoisinent Casr-Ketama et la rivière Ouergha. En suivant cette direction, on rencontre successivement plusieurs chaînes de hautes montagnes formant des barrières qui s'élèvent à perte de vue et aux cîmes desquelles les oiseaux que dis-je ? — l'imagination même ne saurait atteindre. Entre les crêtes de ces montagnes s'ouvrent plusieurs défilés qui offrent un passage aux voyageurs et qui renferment des pâturages, des terres cultivées et des bocages semblables à des jardins.

Ce qui prouve que ce peuple appartient à la race masmoudienne est le fait que quelques-unes de ses tribus, qui habitent entre Ceuta et Tanger, portent encore le nom de Masmonda. C'est même d'elles que le Casr-el-Medjaz, où l'on s'embarque pour Tarifa, a tiré son appellation de Casr-Masmouda. Un autre Jait vient à l'appui de cette opinion: de ce côté-là, le territoire

L'auteur dit sur la gauche. Il s'orientait, sans doute, sur la Mecque,

2 Les montagnes du Rif ne sont pas aussi élevées que notre auteur nous le donne à entendre.

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