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véracité éprouvée qui, pendant quelque temps, avait habité le pays des Kaokao, chez les Noirs, où il s'était chargé des fonctions de cadi. Ce fut de lui que je tins la plupart des renseignements que je viens de rapporter. Parlant du sultan Djata, il me dit qu'il avait ruiné l'empire, épuisé le trésor royal et mit l'état à deux doigts de sa perte. « Il porta si loin, ajouta-t-il, sa manie de » dépenser, qu'il vendit la célèbre pierre d'or, regardée comme » un de.leurs trésors les plus rares. Cette masse de métal pesait vingt kintars; elle était telle qu'on l'avait retirée » de la mine, n'ayant jamais été travaillée ni soumise à l'action » du feu. Ce prince dissipateur la vendit à vil prix à des mar>> chands égyptiens qui avaient l'habitude de visiter son pays. Il dépensa aussi en débauches et en folies de tous genres les ri» chesses amassées par les rois, ses prédécesseurs. Il fut enfin >> atteint de léthargie, maladie très-commune dans ce pays et » qui attaque surtout les gens haut placés. Cette indisposition >> commence par des accès périodiques et réduit, enfin, le ma» lade à un tel état, qu'à peine peut-on le tenir un instant éveillé. >> Alors elle se déclare d'une manière permanente et fait mourir >> sa victime1. Pendant deux années, Djata eut à en subir les >> attaques, et il y succomba l'an 775 (1373-4). L'on déféra >> l'autorité à son fils Mouça. Ce prince évita de suivre les erre>>ments de son père et travailla à procurer au peuple les avan» tages de la justice et d'une bonne administration. Il est >> renommé pour sa générosité, mais son vizir, Mari-Djata, s'est » emparé de la direction des affaires. » Le mot Mari veut dire vizir; quant à Djata, nous en avons déjà marqué la signification. Ce ministre tient maintenant le sultan Mouça en chartre privée et dispose de toute l'autorité. Il a levé des troupes, mis des armées en campagne et subjugué les parties orientales du pays des Noirs jusqu'au delà de Kaokao. Au commencement du règne de son maître, il envoya un corps d'armée contre Takedda, ville située dans la contrée des porteurs du litham, et il la fit bloquer si

↑ Dans toutes les circonstances, cette maladie se termine fatalement, dit Winterbottom dans son Account of Sierra Leone.

étroitement qu'elle faillit succomber. Takedda est à soixante-dix stations au sud-ouest de Ouargla, sur la route suivie par les pèlerins nègres; elle est gouvernée par un chef lithamien qui prend le titre de sultan et entretient une correspondance amicale avec les émirs du Zab et de Ouargla. «La capitale du royaume de » Melli, dit ce même Ibn-Ouaçoul, s'appelle Beled-Beni...................... '; » elle est très-étendue, très-populeuse et très-commerçante. De >> nombreuses sources arrosent les terres cultivées qui l'envi>> ronnent. C'est maintenant un lieu de halte pour les cara» vanes de commerce provenant du Maghreb, de l'Ifrîkïa et » de l'Egypte. De tous côtés on y envoie des marchandises. »

Nous venons d'apprendre que Mença-Mouça mourut en 789 (1387) et que son frère et successeur, Mença-Magha, fut tué environ une année plus tard. Le commandement passa alors à Sandaki, mari de la mère de Mouça. Sandaki veut dire vizir2. Quelques mois après son élévation au trône, un homme de la famille de Mari-Djata se jeta sur lui et le tua. Alors un nommé Mahmoud, qui se disait descendre de Mença-Gao, fils de MençaOuéli, fils de Mari-Djata l'ancien, arriva du pays des infidèles, région située derrière Melli, et s'empara du royaume. Devenu sultan en 792 (1390), il prit le surnom de Mença-Magha.

HISTOIRE DES LAMTA, DES GUEZOULA ET DES HESKOURA, TRIBUS DESCENDUES DE T:SKI ET SOEURS DE CELLES DE SANHADJA ET

DE HOOUABA.

Nous avons dit que ces tribus sont sœurs de celles de Sanhadja [et de Hoouara], toutes les cinq ayant eu pour mère Tiski-el-Ardja, fille de Zahhîk-Ibn-Madghis. Les Sanhadja descendent d'Amîl, fils de Zéazâ; les Hoouara d'Aurigh, fils d'El

1 Le nom de la tribu est resté en blanc dans tous les manuscrits. Selon M. Cooley, ce titre se compose des mots mandingues san ou sanon, haut, et adé qué, conseiller.

3 Voy. p. 3 de ce volume et p. 273 du tome 1.

Ardja et de Bernès; mais la généalogie des trois autres n'offre rien de certain. Même celle des Sanhadja a paru obscure à IbnHazm, car il déclare qu'on ignore également le père des Lamta et celui des Sanhadja.

Les Lamta, les Guezoula et les Heskoura habitent le Sous et les régions du Désert qui avoisinent ce pays. Leurs populations remplissent aussi les montagnes et les vallées de l'Atlas.

La majeure partie de la tribu des Lamta demeure dans le voisinage des Sanbadja porteurs du litham. Elle se partage en un grand nombre de branches dont la plupart sont nomades et vivent sous la tente. Dans le Sous, il s'en trouve deux fractions, les Zegguen [ou Zogguen] et les Lakhs [ou Lakhès], peuplades qui se sont incorporées dans la tribu des Doui-Hassan, Arabes makiliens. Le reste des Lamta habite le Désert avec les peuples porteurs du litham, et ils se tiennent, presque tous, au midi de Tlemcen et de l'Ifrîkïa.

C'est à la tribu des Lamta qu'appartenait le jurisconsulte Ou-Aggag-Ibn-Zîri', disciple d'Abou-Amran-el-Faci. Il habita Sidjilmessa et eut pour disciple Abd-Allah-Ibn-Yacîn, fondateur de l'empire lemtounien.

Les Guezoula forment un grand nombre de branches dont la plupart se tiennent dans le Sous, auprès des Lamta, avec lesquels elles sont tantôt en paix, tantôt en guerre. On y trouve aussi quelques peuplades nomades appartenant à la tribu des Guezoula qui, avant de pénétrer dans cette province, avaient eu des conflits avec les Makil. Ayant effectué leur entrée dans le Sous, elles se laissèrent dompter par leurs anciens adversaires dont elles sont maintenant, soit les sujets, soit les confédérés.

Quant aux Heskoura, on les compte, de nos jours, au nombre des tribus masmoudiennes et en les regarde comme partisans de la doctrine almohade. Ils se partagent en plusieurs branches formant des tribus considérables par le nombre et occupant cette partie des montagnes de Deren qui a Tedla au [nord-Jest et le

1 Ci-devant, p. 68, Ibn-Khaldoun écrit Zellou. Dans un des manuscrits de la géographie d'El-Bekri, on lit Zeloui.

Derâ au sud. Une partie de ce peuple embrassa la cause du Mehdi quelque temps avant la prise de Maroc, mais le reste ne s'y rallia que plus tard. C'est pour cette raison qu'ils ne passent pas pour Almohades aux yeux de beaucoup de monde, et ceux mêmes qui leur reconnaissent cette qualité leur refusent le titre de devanciers. En effet, ils s'étaient d'abord montrés hostiles. au Mehdi et avaient livré plusieurs batailles à scs affidés et partisans. A cette époque, ils professaient ouvertement leur haine pour cet imam et le maudissaient publiquement; leurs prédicateurs avaient même l'habitude de dire, dans les réunions où ils célébraient la prière : « Que la malédiction de Dieu soit sur les >> Hintata, les Tînmelel et leur cheikh, guide aveugle qui les » égare. » Plus tard, ils firent leur soumission, mais comme ils n'avaient pris ce parti qu'après la conquête de Maroc par les Almohades, ils ne purent obtenir aucun des priviléges dont les Hintata, les Tînmelel, les Hergha et les Hezerdja jouissaient en leur qualité de devanciers.

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Les Heskoura forment un grand nombre de tribus telles que les Mastaoua, les Ghodjdama, les Fatouaka, les Zemraoua, les Aintîft, les Aînoultal, les Beni-Sekour et plusieurs autres dont je n'ai pas les noms présents à la mémoire. Vers la fin de l'empire almohade, ils reconnaissaient pour chef Omar-Ibn-Oucarît, intrigant dont il sera souvent question dans l'histoire des khalifes almohades, El-Mamoun et Er-Rechid. Omar eut pour successeur Masoud-Ibn-Gueldacen, soutien principal d'AbouDebbous, et aïeul, je le présume, des Beni-Masoud-Ibn-Gueldacen, chefs actuels de la tribu. Cette famille appartient à la tribu de Fatouaka et s'appelle ordinairement les Beni-Khattab. Comme l'autorité n'est jamais sortie de leurs mains, l'opinion que je viens d'émettre me semble bien fondée. Lors de la chute des Almohades, les Heskoura opposèrent quelque résistance aux Mérinides, et, depuis lors, ils ont continué à leur montrer alter

1 Ci-après, dans le commencement de l'histoire des Almohades, on trouvera l'explication de ce terme.

Je lis el-motecebbeb,

nativement des dispositions bienveillantes et des sentiments hostiles. Leur territoire avait longtemps servi d'asile aux Arabes de la tribu de Djochem qui voulaient se soustraire à la domination mérinide et offrait un refuge assuré aux princes de la famille royale qui se jetaient dans la révolte. A la fin, cependant, ils consentirent à payer l'impôt et les contributions exigés par ce gouvernement, mais ce furent toujours eux-mêmes qui en prélevèrent le montant. A l'instar des populations masmoudiennes, ils allaient se ranger sous les drapeaux du sultan quand il leur adressait une sommation à cet effet.

Les Aîntîft prennent leurs chefs dans la maison des Hennou. Youçof-Ibn-Meknoul', membre de cette famille, s'établit dans Taffyout, forteresse qu'il s'était fait construire et que ses fils, Ali et Makhlouf, continuèrent à fortifier après sa mort. Il eut pour successeur son fils Makhlouf. En l'an 702 (1302-3), ce chef se mit en révolte, mais, quelque temps après, il fit sa soumission. Ce fut lui qui arrêta Youçof-Ibn-Abi-Eïad, [prince mérinide] qui s'était révolté à Maroc, en l'an 707, sous le règne d'Abou-Thabet, et dont nous raconterons ailleurs l'histoire. Se voyant reduit aux abois, Youçof courut se réfugier auprès de Makhlouf et fut livré par lui au sultan. Un service aussi important procura à ce chef sa rentrée en grâce. Le commandement passa de Makhlouf à son fils Hilal; et, jusqu'à nos jours, l'autorité s'est constamment maintenue dans cette famille.

Les Afnoultal reconnaissent pour chefs les Aulad-Teroumit. Sous le règne du sultan Abou-Saîd et sous celui de son fils Abou'l-Hacen, ce peuple eut pour chef Ali-Ibn-Mohammed, personnage qui se distingua par son insubordination jusqu'à ce que le sultan Abou-'l-Hacen, étant monté sur le trône, le bloqua dans la montagne où il s'était retiré et le contraignit à faire sa soumission. Ali entra alors au service de l'état et, pendant le reste de ses jours, il continua à toucher un fort traitement et à jouir d'une grande considération. Il mourut de la peste à Tunis, quelque

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