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environs de Cabes, et Djobara-Ibn-Ishac, frère d'Ibn-Ghania, y perdit la vie en même temps que le cîd Abou-Zeid recouvra la liberté.

En-Nacer obtint alors la possession d'El-Mehdïa, et comme le gouverneur, Ali-Ibn-Ghazi, avait embrassé sa cause, il l'accueillit avec une haute distinction et lui fit présent d'un riche cadeau que son affranchi Naseh venait de lui apporter de Ceuta. Parmi les objets de prix dont cette offrande se composait, on remarqua surtout deux robes ornées de pierreries. Ibn-Ghazi resta au service d'En-Nacer et trouva la mort en combattant les infidèles (les Chrétiens de l'Espagne).

Rentré à Tunis, après avoir donné le commandement d'ElMehdia à un chef almohade nommé Mohammed-Ibn-Yaghmor, En-Nacer s'occupa à trouver un homme capable de gouverner l'Ifrîkïa et de protéger ce pays contre les bandes d'Ibn-Ghanĵa. Son choix se fixa sur Abou-Mohammed le hafside, auquel il confia ce poste éminent en l'an 603 (1206-7). Aussitôt qu'il eut repris la route du Maghreb, son adversaire infatigable rassembla des troupes afin d'attaquer les Almohades dans Tunis. Les Douaouida, sous la conduite de leur émir Mohammed, fils de Masoud Ibn-Soltan, accoururent sous les drapeaux d'Ibn-Ghanîa, ainsi qu'une foule d'autres brigands arabes; mais la tribu d'Auf, branche de celle de Soleim, se rangea du côté des Almohades. Après une rencontre qui eut lieu à Chebrou, près de Tebessa, et dans laquelle les Almoravides furent mis en déroute, Ibn-Ghanîa s'enfuit du côté de Tripoli; mais, quelque temps après, il envahit le Maghreb avec ses Arabes et ses Almoravides qu'il était parvenu à rassembler de nouveau. Arrivé à Sidjilmessa, il reprit le chemin du Maghreb central, après avoir tout dévasté sur son passage et gorgé de butin les guerriers qui marchaient sous son drapeau. Cédant alors à l'invitation de quelques Zenatiens, amis du désordre, il se dirigea vers Tèhert pour livrer bataille aux troupes du cid Abou-Amran-Mouça, fils de Youçof-Ibn-Abd-elMoumen et gouverneur de Tlemcen. Les Almohades y essuyèrent une défaite; Abou-Amran perdit la vie et son fils fut fait prisonnier. Le vainqueur reprit alors le chemin de l'Ifrîkïa, mais,

ayant rencontré une armée almohade commandée par le cheikh Abou-Mohammed, gouverneur de cette province, il perdit tout le butin qu'il avait ramassé et se vit repousser dans les montagnes de Tripoli. Son frère, Sir-Ibn-Ishac, l'abandonna vers cette époque et se rendit à Maroc où En-Nacer lui fit un accueil fort honorable.

Malgré ce revers, Ibn-Ghanîa parvint encore à rassembler plusieurs bandes d'Arabes appartenant, les unes à la tribu de Riab, et les autres aux tribus d'Auf et de Nefath. Un certain nombre de tribus berbères, alliées de ces nomades, vinrent aussi se joindre à lui. Il prit alors la résolution d'envahir l'Ifrîkïa, sans prévoir le rude échec auquel il allait s'exposer. En l'an 606 (1209-10), son armée fut totalement dispersée à MontNefouça par les Almohades sous les ordres du cheikh AbouMohammed; tous ses émirs périrent sur le champ de bataille; ses chevaux, ses équipages et ses armes tombèrent au pouvoir des vainqueurs. Dans cette journée, Mohammed-Ibn-el-Ghazi perdit la vie ainsi que Djerrar-Ibn-Ouîghern le maghraouien, et Abd-Allah, fils de Mohammed-Ibn-Masoud-Ibn-Soltan le douaouidien, dont le père était alors émir des Riah. Avec Abd-Allah succombèrent son cousin Harakat, fils d'Abou-'s-Cheikh-IbnAçaker-Ibn-Soltan et l'émir des Corra, branche de la tribu de Hilal. Ibn-Nakhil, qui mentionne la mort de ce dernier, rapporte qu'en ce jour les Almohades enlevèrent aux Almoravides dixhuit mille bêtes de somme.

Ce revers contribua beaucoup à ruiner l'influence d'Ibn-Ghanîa et à réprimer son audace. Les tribus nefouciennes se soulevèrent contre son scribe Ibn-Asfour, qui avait été chargé de prélever sur elles une contribution forcée, et elles mirent à mort ses deux fils. Abou-Mohammed parcourut alors l'Ifrîkïa et, étant tombé sur les Arabes soleimides, il fit prisonniers leurs cheikhs et les envoya à Tunis avec leurs familles. Par de semblables moyens, il réprima l'esprit de brigandage qui animait les Arabes et rendit [graduellement] la paix à l'Ifrikia. Cette province continua à jouir d'une grande prospérité jusqu'à la mort d'Abou-Mohammed, événement qui eut lieu en 618 (1221).

Le gouvernement de l'Ifrîkïa passa alors au cîd Abou-'l-OlaIdris, fils de Youçof et petit-fils d'Abd-el-Moumen; mais quelques auteurs déclarent qu'Idris parvint à ce poste un peu avant la mort d'Abou-Mohammed. Quoi qu'il en soit, ce changement ralluma l'amour d'Ibn-Ghanîa pour le désordre et le porta à commencer une nouvelle carrière de révolte et de dévastation, quand Abou-'l-Ola se mit en campagne pour la combattre.

Arrivé à Cabes, le cîd Abou-'l-Ola s'installa dans le Casr-elAroucïîn d'où il envoya du côté de Derdj et de Ghadams un corps almohade sous les ordres de son fils, le cìd Abou-Zeid. Un autre corps partit, en même temps, pour Oueddan afin d'y bloquer le chef almoravide. Pendant que le cîd Abou-'l-Ola songeait au moyen de châtier les Arabes qui s'étaient révoltés, AbouZeid chassa Ibn-Ghanta depuis Oueddan jusqu'au Zab et le força à se réfugier dans Biskera. Il emporta même cette ville d'assaut, mais son adversaire parvint à lui échapper et à réunir un nouveau corps d'armée composé d'Arabes et de Berbères. Il continua, toutefois, la poursuite et, en l'an 621 (1224), les Almohades et les Hoouara, ses alliés, atteignirent les troupes d'Ibn-Ghanîa aux environs de Tunis. Des deux côtés, l'ou se mit en ordre de bataille, et le combat s'engagea vigoureusement; mais les Almohades mirent encore les partisans d'Ibn-Ghanfa en déroute, tuèrent un grand nombre d'Almoravides et firent un énorme butin. Dans cette bataille, les Hoouara, sous la conduite de leur chef Hannach-Ibn-Bâra-Ibn-Ounîfen, se couvrirent de gloire.

Le cîd Abou-Zeid ayant appris, à la suite de cette victoire, que son père venait de mourir à Tunis, reprit le chemin de cette ville, et, [quelque temps après,] les Hafsides obtinrent encore le gouvernement de l'lfrîkïa. L'émir Abou-Zékérïa enleva ensuite l'autorité à son frère Abou-Mohammed-Abd-Allah et finit par détacher cette province de l'empire régi par les descendants d'Abd-el-Moumen. Ce chef fut l'ancêtre des khalifes hafsides et le fondateur de leur puissance en lfrîkïa. Il défendit ce pays avec succès contre lbn-Ghanîa, le poursuivant partout où il osa se présenter et délivrant, peu à peu, les habitants et les cultivateurs de l'oppression qui les accablait.

Quant à Ibn-Ghanîa, il s'enfonça dans le Désert avec ses Arabes et continua à y mener une vie vagabonde : tantôt il se dirigea vers l'occident, jusqu'aux environs de Sidjilmessa, et, tantôt, il poussa jusqu'à la grande Acaba, sur la frontière de l'Egypte. Dans une de ces courses, il enleva Soueica, lieu des environs de Barca, à Ibn-Metkoud 2, et, dans une autre, il attaqua les Maghraoua à Ouédjer, entre Metîdja et Milîana, tua leur émir Mendil-Ibn-Abd-er-Rahman, et mit son cadavre en croix sur les murs d'Alger. Il avait l'habitude de prendre des troupes à sa solde et de les laisser partir sans obstacle quand elles étaient fatiguées du service. Il mourut en 631 (1233-4) ou en 633, après avoir régné cinquante ans. On cacha le lieu de son tombeau que les uns disent être à Redjouan, vallée au midi de Laribus, et que les autres placent sur le bord du Chelif, dans le voisinage de Milîana. D'autres encore assurent qu'il fut enterré dans le Sahra de Badîs et Tennouma, désert de la province du Zab. Avec lui succomba l'empire que les Messoufa et les Lemtouna, tribus almoravides, avaient fondé en Ifrîkïa, en Maghreb et en Espagne, et, avec la chute de sa puissance, la domination de la race sanhadjienne disparut de la terre.

Il mourut sans postérité masculine, et telle fut sa confiance dans la générosité de l'émir Abou-Zékérïa, qu'il recommanda, dit-on, ses filles aux soins de ce prince. Saber, son esclave européen, les conduisit auprès d'Abou-Zékérïa qui, en effet, leur accorda sa protection et bâtit, dans la capitale de son empire, un palais pour les loger. Cet édifice porte encore le nom de Casrel-Benat (château des filles). Elles passèrent le reste de leurs jours dans le célibat, pour se conformer à la dernière volonté de leur père, et elles jouirent d'une forte pension qu'Abou-Zékérïa leur avait accordée. L'on raconte qu'un de leurs cousins ayant exprimé le désir d'en avoir une pour femme, Abou-Zékérïa en

1 Voy. t. 1, p. 8, note.

Le texte arabe imprimé et les manuscrits portent ici Medkour. Soueica est situé près du cap Mesrata, tout-à-fait en dehors du territoire de Barca.

fit part à la jeune personne, en déclarant qu'il regardait une telle alliance comme fort convenable, puisqu'un cousin a plus de droits à la main de sa cousine que tout autre, et qu'elle lui répondit : « S'il était réellement notre cousin, nous ne serions pas » réduites à vivre au dépens d'autrui. » Elles moururent à un âge fort avancé, sans avoir jamais voulu se marier. Mon père m'a raconté que, dans sa jeunesse, vers l'an 710 (1340–44), il ces dames qui était alors dans sa quatre-vingtdixième année. « De toutes les femmes du monde, me dit-il, » c'était la plus noble de caractère, la plus généreuse de cœur, >> la plus vertueuse de conduite. »

avait vu une de

Les tribus porteurs du litham existent encore de nos jours dans les contrées où elles s'adonnaient autrefois à la vie nomade. Leur territoire avoisine le pays des Noirs et le sépare de la région sabloneuse qui touche aux deux Maghrebs et à l'Ifrîkïa, pays qu'habitent les Berbères. On rencontre les peuples à litham depuis l'Ocean atlantique jusqu'au bord du Nil de l'Orient. La fraction de cette race qui fonda un empire en Espagne et en Afrique et qui se composa d'une faible portion des Messoufa et des Lemtouna, a péri de la manière que nous avons décrite : épuisée à force de dominer, consumée dans de lointaines expéditions et ruinée par le luxe, elle disparut, enfin, exterminée par les Almohades.

Quant à ceux qui restèrent dans le Désert, rien ne se changea dans leur manière d'être et, jusqu'à ce jour, ils restent divisés et désunis à cause de la diversité de leurs sentiments et de leurs intérêts. Soumis à l'autorité du roi des Noirs (Mélek-es-Soudan). ils lui paient l'impôt (kharadj) et fournissent des contingents à ses armées.

Ils forment une espèce de cordon sur la frontière du pays des Noirs; cordon qui s'étend vers l'Orient parallèlement à celui que forment les Arabes sur la frontière des deux Maghrebs et de l'Ifrikïa. Les Guedala, une de leurs tribus, se trouvent en face des Doui-Hassan, branche de la tribu arabe des Makil qui habite le Sous-el-Acsa; les Lemtouna et les Ounzîga [ou Outrîga] ont devant eux les Doui-Mansour et les Doui-Obeid-Allah, Makiliens

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