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se voit condamner comme irréligieux, il se raille à son tour de son adversaire et de ses systèmes surannés. La base inébranlable de l'un n'est qu'une illusion sans réalité pour l'autre, et sans pouvoir s'accorder la moindre concession le combat se prolonge toujours.

Cependant, cette question sérieuse, doit elle rester indécise? faut il qu'elle continue à diviser les esprits et à causer des conflits sans fin? Où bien, ce probléme serait il à résoudre ?

En discernant l'essentiel de l'accessoire, le principe primordial de tout ce qui s'y est ajouté pendant le cours des temps, ne pourrait il pas que les différends prennent un aspect moins désespérant en même temps qu'ils se placent dans un jour plus clair? Quel est ce principe primordial? D'où nous vient-elle la Religion? La réponse semble ne pas offrir de difficultés sérieuses : Quelques uns diront: „Né de parents religieux, ceux ci m'ont enseigné les dogmes de leur croyance; mes parents sont eux mêmes, issus d'un peuple religieux, qui devait sa religion à un autre peuple;" de manière que l'on arrive toujours à un peuple, qui transmettait a d'autres populations, la religion dont il était le dépositaire, qu'il avait reçu immédiatement de Dieu même; faveur insigne qui fut le partage des Israélites, qui ont été appelés depuis le peuple de la révélation. Un autre répondra : ,,Moi aussi, je dois ma religion à mes parents, mais bien jeune encore je trouvais dans les dogmes transmis par mes ancêtres à leur postérité, beaucoup de choses qui répugnaient a mon esprit." Goethe en bas âge commençait à douter de la providence en apprenant la destruction presque totale de Lisbonne par suite d'un tremblement de terre,

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parce qu'il ne put accorder ce désastre terrible avec l'amour divin et tout puissant de Dieu.

Ce-ci arrive à bon nombre d'hommes. Les uns étudiant la nature et cherchant a découvrir les lois qui régissent l'univers, voient la forme apparente que revêt la religion leur poser pour critérium: qu'il faut croire aux infractions subises par les lois de la nature. Est-il étonnant s'ils doutent alors que la vraie religion ne soit là? Les autres se livrant a l'étude de l'histoire, remarquent comment différents peuples séparés d'abord, se rencontrent et en se rencontrant, concourent à se développer réciproquement; ils apprennent que les lois et les institutions sociales se perfectionnent peu a peu, après que les uns se sont appropriés la civilisation plus avancée des autres. Ils peuvent juger de l'influence puissante qu'exerce sur les populations le climat des pays qu'ils habitent, tantôt en déterminant leurs tempéraments, tantôt en modifiant leurs moeurs. Tout révèle des lois invariables auxquelles l'histoire obéit, ils veulent approfondir ces lois et voilà encore la forme apparente de la religion qui leur dit : ,,Si vous attachez quelque prix a ce que l'on vous considère comme des hommes religieux, il faut que vous admettiez qu'il a existé jadis une nation toute différente des autres peuples de l'histoire, laquelle isolée, élevée et instruite par Dieu même a été favorisé de l'Être Suprême par le don gratuit d'un recueil de lois religieuses; ce peuple élu seul possède la vraie religion et les cultes de tous les autres peuples de la terre, doivent être qualifiés de superstitions opiniâtres." Faut il s'étonner quand, eux aussi, ils doutent que cette foi soit l'essence de la vraie religion?

Cependant dans ces formes apparentes de la religion, produits d'une époque reculée lorsque les sciences naturelles étaient encore dans leur enfance et que l'on croyait entrevoir dans l'histoire du monde une fatalité qui dirigeait les évènements, grand nombre de personnes reconnurent, comme beaucoup reconnaissent encore de nos jours, l'essence de la vraie religion et quand on fait des recherches pour découvrir par quel procédés ils sont arrivés à de tels resultats, on ne rencontre que des arguments formulés par l'ignorance où des raisonnements de cerveaux exaltés. L'ignorant répondra: „J'ai reçu mes notions religieuses de mes parents et quoiqu'il arrive, leur foi restera aussi la mienne." Il n'admet pas la possibilité que ses ancêtres ont pu se laisser induire en erreur. L'exalté vous dira qu'il doit sa foi a une inspiration divine. Il est difficile de mettre à leur juste valeur de telles effusions du sentiment quand on ne peut pas changer les circonstances particulières dans lesquelles ces gens se trouvent. Néanmoins il parait évident que l'un comme l'autre s'opposent à toute tentative qu'on voudrait faire pour développer leurs facultés dans le domaine religieux, car quiconque s'obstine à considérer comme inséparable de l'essence de la Religion, ce que les sciences naturelles réclament comme leur appartenant de droit, où ce que l'histoire ne peut cèder sans qu'on lui fasse violence, détournera aussi opiniâtrement le regard de tout ce qui serait en état de mettre au grand jour une verité quelconque. Qu'elle est en définitive la base de la religion? Quel est le principe primordial, dégagé de tout accessoire, de tout voile importun qui le cache a nos regards? Le sentiment religieux est inhérent à la nature humaine.

Comment pourrions nous distinguer les sensations agréables ou douloureuses, si nous ne possèdions la faculté d'éprouver le bien-être et la tristesse et comment saurions nous prétendre au sentiment du beau ou de la moralité, quand dans notre nature ne se trouvait le sentiment adéquate de ces manifestations du monde moral. De même, il faut que l'âme, pour que la religion y puisse habiter, possède une faculté de concevoir, qui correspond à l'objet qui inspire des sentiments religieux.

Quelle est cette faculté et de quelle manière se manifeste-t-elle comme idée religieuse? Pour mieux saisir le vrai sens de ce que nous appelons sentiment religieux, il faut que nous cherchions a découvrir comment ce sentiment s'est manifesté parmi les peuples primitifs et dans les âges les plus reculés.

Les tribus sauvages qui occupent les derniers degrés de l'échelle du développement moral, et qui par conséquent peuvent être considérés comme possédant des notions excessivement vagues, nous apprennent tout simplement, qu'ils admettent l'existence d'une puissance invisible qui agit mystérieusement dans le monde. Peu à peu les phénomènes que la nature leur présente attirent leur attention, ils observent et étudient sans comprendre la cause occulte, les effets qu'ils constatent et la puissance invisible commence à être identifiée avec la nature même, ou bien on la suppose supérieure a celle-ci. De cette manière, la conception de l'existence d'un être surhumain prend insensiblement une forme plus déterminée que l'on se figure entrevoir dans le soleil qui brille ou dans le tonnerre qui gronde. Les nuages qui interceptent la lumière font entrer dans leur esprit l'idée que la

divinité se cache comme derrière un rideau ; les étoiles qui palissent a l'aube du jour, sont envisagés comme des messagers célestes, êtres mystérieux qui planent dans l'espace et veillent sur les actions des mortels; le vent qui souffle dans le feuillage est transformé en sylphes follatrants ou en démons furieux, tout selon les dispositions momentanées, joyeux ou sombres, de ceux qui l'écoutent.

C'est ainsi qu'un culte grossier et confus d'abord, prend naissance. Ce culte, est il partagé par plusieurs personnes d'une même famille ou d'une même tribu, et ces personnes parlent elles le même langage, alors les différentes expressions du sentiment religieux s'unissent se confondent et forment une secte. Plusieurs sectes réunies, professant les mêmes opinions religieuses, constituent une religion. Quand cette religion devient l'expression des convictions religieuses de tout un peuple, on a droit de parler de la religion de ce peuple: la religion des Grècs, des Romains, des Israélites.

Les peuples différents en se rencontrant et en se mettant en rapport de plusieurs manières, se communiquent réciproquement leurs religions respectives et bientôt l'on remarque que les conceptions primitives subissent de part et d'autre des modifications évidentes. S'il arrive que quelques peuples, dérivant d'une même origine ou issus d'une même race, s'aperçoivent qu'ils possèdent en commun les mêmes notions primitives, cette conformité de conception agira puissamment et contribuera à établir des relations plus intimes entre leurs croyances religieuses.

C'est ainsi que les Romains retrouvaient en Grèce leur Dien Mercure sous le nom de Hermès, Jupiter sous celui de Zeus, Junon sous celui de Héra.

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