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de renoncer à ses projets ambitieux, conspira de nouveau contre Bou-Abd-Allah et chercha à le faire assassiner. Celui-ci découvrit ses menées; il ordonna de l'arrêter lui et son principal complice; il leur fit rompre les membres sur le marché, et les y laissa ainsi mutilés pendant trois jours, après quoi il les acheva de sa main.

Bou-Abd-Allah, furieux des intrigues que le bey encourageait dans son commandement, se révolta contre lui. Le bey vint avec une colonne, le raza et nomma un homme des Oulad-Mosli à sa place. Mais celui-ci, ne pouvant parvenir à se faire obéir, le bey fut contraint de rendre le commandement, deux mois après, à BouAbd-Allah.

Bou-Abd-Allah, frappé, dit la tradition, par la malédiction d'un marabout, mourut peu de temps après, rongé par un cancer. Il laissait sept fils: l'ainé, Ahmedben-Sakheri, lui succéda; quatre moururent sans enfants et les deux autres, El-Msaoud et El-Hadj-Mohammed-benGuessoum, commandèrent plus tard; ces deux derniers sont les souches d'où descendent les familles seigneuriales actuelles des Rir'a.

En résumé, la rivalité de pouvoirs entre les membres d'une même famille fut la cause d'une lutte qui devait durer jusqu'à l'occupation française; lutte si acharnée, que, lorsque les événements extérieurs appelaient la tribu aux armes, si les Rir'a-Dahara combattaient d'un côté, pour cette seule raison, les Rir'a-Guebala combattaient de l'autre. Ainsi, on voyait les Dahara soutenir la branche des Mokrani des Oulad-el-Hadj, tandis que les Guebala étaient avec celle des Ben-el-Guendouz; puis les Guebala ayant passé du côté des Ouled-el-Hadj, les Dahara se

déclaraient pour le parti de Ben-Abd-es-Selam. Dans une seule circonstance, où l'intérêt commun était en question, lorsque le dernier bey, El-Hadj-Ahmed, voulut rentrer à Constantine après la prise d'Alger, les deux sofs des Rir'a se réunirent pour l'attaquer.

Le gouvernement turc avait donné simultanément l'investiture à des représentants de l'une et de l'autre branche; mais la querelle était trop envenimée entre les deux partis pour que cette concession pût mettre fin à la guerre. Les uns et les autres étaient à tour de rôle au pouvoir, en prison ou en fuite.

Lors de la prise de Constantine, Ahmed-Cherif-benCheikh-Saad offrit ses services aux Français, qui le nommèrent cheïkh des Rir'a; mais, peu de temps après, il embrassa le parti d'Abd-el-Kader. Le général Négrier nomma à sa place Msaoud, qui profita de sa position pour attirer notre attention sur les Oulad-Cheikh-Saâd retirés å Ras-el-Oued. Le colonel Levasseur, aidé de Msaoud, les raza. Mohammed-Ser'ir-ben-Cheikh-Saâd, le plus jeune d'entre eux, vint alors faire des offres de soumission; elles furent acceptées, et le général Galbois l'investit conjointement avec le cheikh Msaoud, et, à dater de ce jour, le commandement des Rir'a fut définitivement divisé en deux les Dahara sont aujourd'hui entre les mains de la famille de Ben-Cheïkh-Saâd, et les Guebala dépendent de El-Aroussi-ben-Cheikh-Msăoud.

AMER.

Avant la domination française, les Amer-Dahara, les Amer-Guebala et les Oulad-Nabet formaient une seule tribu sous le nom collectif de Amer.

Le commandement des Amer était exercé jadis par une famille turque, les Oulad-Illès, dont l'histoire est intimement liée à celle du pays. Illès, le père de cette famille, était un simple janissaire turc comme Mosli, dont nous aurons à parler plus loin. Ils vinrent ensemble, d'Alger å Zamora, pour y tenir garnison. De là, Illès alla å Msila, où il se maria à une femme du pays, dont la famille jouissait d'une certaine influence. Peu après, il fut nommé par le bey de Constantine kaïd des Oulad-Derradj, qui font, aujourd'hui, partie du cercle de Batna.

Illès, en mourant, laissa deux fils: Mohammed-Ser'ir et Ahmed-Khodja.

Le premier fut nommé kaïd de Msila, où il ne resta que deux ans ; le deuxième remplaça son père aux OuladDerradj, et mourut quelques années après, laissant cinq enfants Braham, Illès, Mohammed-Khodja, Salah et BenHenni. Toute cette famille vint s'installer à Tassera dans le kaïdat actuel d'Aïn-Tagrout, où elle vécut longtemps dans l'obscurité, jusqu'à ce que Salah, fatigué de cette vie sans lucre et sans honneurs, alla trouver le bey Ahmed à Constantine, et obtint de lui le commandement des Sedrata. Quelques années après, nous le voyons kaïd des Amer de Setif.

Son frère, Ben-Henni, fut, à la même époque, nommé kaïd des Amoucha, et son autre frère, Mohammed-Khodja, du Babor. Ces dernières fonctions étaient, du reste, purement honorifiques, les Amoucha et le Babor ne reconnaissant pas l'autorité du bey.

Lorsque les Français attaquèrent Alger, Salah accompagna le bey quand il alla au secours de cette ville, et fut blessé à Staouëli.

En revenant, il fut prévenu qu'Ahmed-Bey, ayant pris ombrage de lui, voulait le faire assassiner. I le quitta alors brusquement et se retira au centre de son commandement. Ben-Henni, qui était resté prisonnier, parvint aussi à s'échapper el vint retrouver son frère Salah; mais il laissait entre les mains du bey un de ses enfants : SiMohammed.

Peu de temps après ces événements, Ahmed-Bey vint dans le pays, à la tête d'une petite colonne, pour châtier les Oulad-Cheikh-Saad des Rir'a; mais il fut battu par eux et il se trouvait cerné au Hammam, et dans une position très-critique, lorsqu'il eut l'idée d'appeler Salah à son aide. Celui-ci répondit de suite à son appel et parvint à le dégager. En récompense de ce service, AhmedBey fit à Salah la promesse solennelle de lui rendre SiMohammed; mais, à peine rentré à Constantine, il fit trancher la tête de ce dernier. A la nouvelle de ce manque de foi, Salah s'insurgea; les Oulad-Cheïkh-Saad des Rir'a se joignirent à lui et, tous ensemble, marchèrent sur Constantine. Arrivés chez les Oulad-Abd-en-Nour, les Amer, effrayés de l'audace de Salah, l'abandonnèrent; il ne resta près de lui que les Oulad-Zaid et les OuladCheikh-Saad. Salah, trop faible, dès lors, pour tenir tête au bey, s'enfuit dans le Hodna avec sa famille et les Oulad-Cheïkh-Sâad. A peine le bey, qui les poursuivait, euti reprit le chemin de Constantine, que tous les fuyards rentrèrent chez les Rir'a-Dahara, où ils restèrent deux ans à guerroyer contre les Rir'a-Guebala, alliés du bey.

Un jour, Salah, voulant faire cesser une rixe chez les Oulad-Zaïd, fut atteint, dans le tumulte, par un coup de pierre, qui lui fit, derrière l'oreille, une blessure dont il

mourut peu de jours après. Ben-Henni prit alors le commandement de la famille; il envoya demander l'aman au bey, qui fit couper la tête au messager et qui vint même. pour les razer. Les Oulad-Illès s'enfuirent alors dans le Sahel, puis l'hiver venu, ils revinrent dans leur pays. Ben-Henni envoya un de ses fils demander encore une fois l'aman au bey. Il l'obtint; mais, connaissant la haine d'Ahmed-Bey pour sa famille, il ne s'en tint pas moins sur ses gardes. Bien lui en prit, car, au printemps suivant, Ahmed-Bey, dont l'amour-propre était piqué au vif par le peu de succès de ses expéditions précédentes contre ses sujets insoumis, tomba sur eux à l'improviste. Les Oulad-Illès qui, grâce à la méfiance de Ben-Henni, étaient sur leurs gardes, purent s'enfuir au Sahel, mais les Oulad-Cheïkh-Saad furent complétement razés.

Aussitôt le bey parti, les Oulad-Illės vinrent vider leurs silos et allèrent s'installer définitivement au Guergour, où ils rencontrèrent Mohammed-ben-Mosii et les siens.

Les Oulad-Zaïd, la seule fraction des Amer qui fut restée attachée aux Oulad-Illès, leur fournit un goum, avec lequel Ben-Henni batailla contre les tribus restées soumises au bey jusqu'à la prise de Constantine.

A la première nouvelle de cet événement, Ben-Henniben-Illès et Mahmoud-ben-Mosli coururent à Constantine. La saison était alors trop avancée pour que l'on pût profiter, cette même année, de leurs offres de service; ils revinrent donc seuls dans leur pays. Ben-Henni commença à parler de soumission aux Amer.

Les Bou-Chenak, famille puissante des Oulad-Nabet, excita contre lui le fanatisme de ses gens, qui tentèrent de l'assassiner dans une fête. Ben-Ilenni parvint à s'échap

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