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l'achever comme je vous l'avais annoncé. Mais le temps s'est écoulé; nous sommes encore en campagne depuis, et bien loin dans le Sahara. Au milieu de marches rapides, des bruits du camp et de la besogne plus sérieuse du service, il m'a été de toute impo-sibilité de travailler à l'achèvement de mon manuscrit. Du reste, vous ne perdrez rien pour attendre; je recueille tous les jours de nouveaux documents pour l'histoire du pays. Le récit des phases de l'insurrection nécessiterà un travail de longue haleine, qui doit être fait à tête reposée, et auquel la plus grande impartialité doit présider; nous essayerons plus tard d'entreprendre cette tâche dans un autre volume. En tous les cas, nous voici à la fin de notre besogne. Les têtes de l'insurrection sont anéanties en partie le bach-agha Mokrani a été tué depuis longtemps; son frère BouMezrag, son cousin Bou-Daoud et les autres fuient devant notre colonne, et sont en ce moment acculés dans des régions arides, où il ne leur reste guère d'espoir de salut.....

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FÉRAUD.

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Après avoir renversé, avec l'appui des tribus berbères masmoudiennes, la dynastie almoravide dans le Mag’reb (1147), Abd-el-Moumen envoya une partie de ses troupes en Espagne pour réduire cette province à son autorité. Ce résultat obtenu, il tourna ses regards vers l'est de l'Afrique, et, ayant réuni une armée formidable, il conquit, en une seule campagne toute l'Ifrikia, mettant à néant le royaume hammâdite de Bougie et les principautés de la Tunisie et de la Tripolitaine. Ainsi se trouva fondé l'empire almohâde, comprenant, avec l'Espagne musulmane, toute l'Afrique septentrionale depuis l'Egypte jusqu'à la mer. Jamais aussi vaste royaume ne s'était trouvé réuni sous le sceptre d'une dynastie berbère. Abd-el-Moumen envoya ses fils et ses parents occuper les

(1) Ce fragment est extrait d'un ouvrage d'ensemble sur l'Histoire de l'Afrique septentrionale, auquel nous mettons la dernière main.

postes de gouverneurs dans les capitales des provinces, et, grâce à l'habile direction de ce prince, les populations diverses du Mag'reb profitèrent, pendant quelques années, des bienfaits de la paix.

Mais, en raison de son immensité même, l'empire almohade ne pouvait être durable des germes de désorganisation se manifestaient aux extrémités de ce grand corps, et ne devaient pas tarder à amener son démembrement. A l'est, les tribus arabes de l'immigration hilalienne commençaient à se trouver à l'étroit dans les contrées méridionales de la Tunisie et de la province de Constantine, où elles s'étaient établies, environ un siècle auparavant. En Espagne, les chrétiens entretenaient une guerre permanente el regagnaient chaque jour du terrain.

La révolte des Ibn-R'ania allait susciter les premiers embarras sérieux aux Almohades, et être le point de départ de leur ruine.

Cette famille des Beni-R'anïa était originaire de la tribu sanhâdjienne des Lemtouna, qui avait assuré l'établissement de la dynastie almoravide. Après la mort de Youçof-ben-Tachfin, les Beni-R'anïa, qui étaient parents de ce prince, furent pourvus, par son fils, de commandements importants en Espagne et dans les îles. Mais, peu de temps après, l'empire almoravide s'étant écoulé sous les coups des Almohâdes, les Beni-R'ania furent les derniers à soutenir, dans la Péninsule, la dynastie tombée. Vaincus après de longues luttes et demeurés sans forces, ils se virent contraints à la soumission, mais ne se rallièrent que d'une façon nominale au nouvel empire, et les souverains almohâdes commirent la faute de leur

laisser la souveraineté des îles Baléares. Là, se réfugièrent tous les partisans de la famille almoravide, et Majorque devint le centre de la réaction.

Pour surveiller ces menées, le kalife Abou-Yakoub, qui avait succédé à son père Abd-el-Moumen, envoya à Majorque, en 1184, le général Ibn-ez-Zoberteir, en qui il avait toute confiance. L'arrivée de ce chef, dont la mission. réelle était mal dissimulée sous une prétendue fonction d'auxiliaire du Gouverneur, coïncida avec la mort de Yahia, chef de la famille des Beni-R'anïa. Ce prince larssait huit fils, nommés: Mohammed, Ali, Yahia, AbdAllah, El-R'azi, Sir, El-Mansour et Djobara. L'aîné, Mohammed, prit en main la direction des affaires et envoya au souverain almohâde, qui venait de débarquer en Espagne, l'assurance de son dévouement.

Tel était l'état des choses en 1184, c'est-à-dire au moment où nous eommençons ce récit.

I

Lébarqué à Gibraltar au mois de mai 1184, le kalife Abou-Yakoub commença la campagne dans l'ouest, en venant mettre le siége devant la place forte de Santarem, tandis que sa flotte allait bloquer l'embouchure du Tage et du Duero. Mais, après s'être épuisé en efforts stériles devant Santarem, le prince almohâde se vit, tout-à-coup, abandonné par son armée, et succomba les armes à la main, en essayant de repousser une sortie faite par les assiégés (1).

(1) Ibn-Khaldoun, t. 11, p 205. Une note de cet ouvrage donne, d'après le Kartas, la date du 14 juillet 1184 pour la mort d'Abou-Yakoub.

Ce désastre eul, en Espagne, un immense retentissement, car, pour la première fois, la fortune abandonnait les armes almohades. Cependant, le fils d'Abou-Yakoub, nommé Abou-Youçof, auquel ses victoires devaient, plus tard, faire décerner le surnom d'El-Mansour, rallia les troupes et reprit l'offensive. I remporta quelques succès, sans grande importance, sur les chrétiens, et rentra en Mag'reb où l'appelait le soin des affaires de l'État, toujours en désordre, en pays musulman, après la mort du souverain.

La nouvelle de la catastrophe de Santarem cut, pour conséquence immédiate, la révolte des Beni-R'anïa à Majorque. Ibn-ez-Zoberteir fut jeté dans les fers, et Mohammed, considéré par ses frères comme trop peu énergique, fut déposé et remplacé par Ali, le second des fils de Yahia. Ce prince, doué d'une énergie et d'une ambition égales, résolut d'entreprendre la restauration de l'empire almoravide. Ayant donc équipé une flotte de trente-deux navires, il laissa le commandement des Baléares à son oncle El-R'azi, et fit voile pour l'Afrique, emmenant avec lui ses frères Yahia, Abd-Allah et ElR'azi, et un groupe d'aventuriers déterminés (1).

Dans le mois de mai 1185, les vaisseaux almoravides se présentèrent inopinément devant Bougie, et jetèrent l'ancre dans le port de cette ville. Les habitants étaient loin de s'attendre à une pareille agression; le gouverneur même, Abou-Rebïa, petit-fils d'Abd-el-Moumen, se trouvait en excursion dans l'intérieur. Bougie tomba donc sans coup férir au pouvoir d'Ibn-R'anïa, qui la livra au

(1) Ibn-Khaldoun, t. II, p. 89.

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