Images de page
PDF
ePub

actuelle, dont il a donné lui-même le signal. Le cadet, Si-Lakhdar, était kaïd des Beni-Abbas; il était encore. enfant lorsque son père avait à combattre ses rivaux et à s'opposer, les armes à la main, aux tentatives que fit l'émir Abd-el-Kader, afin d'enlever le pouvoir à un homme qui s'était prononcé ouvertement pour notre cause. Lakhdar fut donc élevé dans une znala que l'ennemi menaçait sans cesse, et se forma de bonne heure à la guerre; aussi était-il un chef de goum actif, intelligent et énergique. Sa physionomie était séduisante; un grand air de noblesse le distinguait de ses frères, et ce n'est pas sans raison que certains idéologues le comparaient au héros de Chateaubriand, le dernier des Abenserrages.

En 1851, Lakhdar assistait, avec d'autres chefs indigènes, à la distribution des aigles, à Paris, et recevait la croix de la Légion d'honneur.

Quelques temps après son retour en Algérie, il cut l'occasion de montrer les qualités qui le distinguaient. Le cherif Bou-Bar'la, après maints exploits du côté de Bougie et de Setif, s'était retiré chez les Beni-Mellikech. De là, ayant pour soutiens derrière lui les tribus encore. insoumises du Jurjura, il ne cessait de menacer les villages et les cultures des Beni-Abbas. Pendant près d'une année consécutive, Lakhdar eut à repousser toutes ses tentatives. Constamment à cheval avec ses goums, il se trouva partout où le cherif essaya d'attaquer, et dans les nombreux engagements qui eurent lieu, le jeune kaïd se fit constamment remarquer par sa bravoure. Ce fut dans une de ces rencontres que le cherif Bou-Bar'la perdit la vie. Pour mieux faire apprécier l'élévation du beau caractère de Lakhdar, nous transcrirons ici la lettre remar

quable qu'il écrivait au général de Setif, après son beau fait d'armes.

Vous m'aviez fait des compliments sur ma conduite. « J'ai prié le colonel Dargent de vous assurer qu'il ne se passerait pas un mois sans que le cherif Bou-Barl'a « soit tué ou soumis. C'est plus fort que moi; je ne m'en <ferai pas un mérite, mais cet homme m'agaçait; il

fallait que lui ou moi disparaissions. S'il ne venait pas ‹ me chercher, je voulais aller le tuer dans sa maison. « Dieu me l'a mis entre les mains mardi soir....... » Il raconte ensuite simplement l'action et finissait ainsi (1) : « Je « vous remercie des conseils que vous m'avez donnés, car c'est à eux que je dois d'avoir pu satisfaire le besoin qui me tourmentait de me trouver face à face avec ce méchant homme. Dieu m'a récompensé en « le mettant au bout de mon fusil. »

Lakhdar prit encore part à diverses expéditions, et notamment à celle qui, en 1857, amena la soumission des tribus du Jurjura. Il mourut subitement peu de temps après, et la rumeur publique accusa ses frères de l'avoir empoisonné pour se débarasser d'un rival qui, par ses allures franches et loyales, était en voie d'acquérir la suprématie sur tous les autres membres de sa famille.

Le plus jeune des fils du khalifa est Bou-Mezrag,

(1) Bou-Bar'la venait d'enlever des bœufs dans l'Oued-Sahel; Lakhdar l'aperçoit et se met à sa poursuite; des coups de feu sont échangés et le cherif est blessé au bras; il met aussitôt pied à terre et abandonne son cheval. Lakhdar et deux de ses cavaliers le traquent comme une bête fauve et réussissent à le tuer, le 23 décembre 1854. La tête de BouBarl'a fut exposée successivement sur les marchés de Setif et de Bordj.

kaïd de l'Ouennour'a. Celui-ci est loin d'avoir les manières nobles de ses frères; son extérieur, du reste, n'a rien du grand seigneur, et ce n'est pas sans raison qu'il a été souvent comparé à un singe. Nous allons voir, dans l'historique de Bou-Sâda et de Msila, le rôle joué par les fils du khalifa, durant ces dernières années.

Msila

A Msilà, il n'y a pas le moindre vestige de constructions romaines, ni dans la ville ni dans les jardins. Les nombreuses pierres de taille que l'on y remarque proviennent des ruines de Bechilga, situées à trois kilomètres à l'est, chez les Souama; elles sont répandues là sur une superficie d'environ mille mètres de l'est à l'ouest, et de cent à trois cents mètres du nord au sud. Rien n'y reste plus debout; on n'y rencontre que des murs au ras de terre; les grosses pierres, les fûts de colonnes et les chapitaux ont été transportés à Msila; je dirai tout à l'heure à quelle époque et dans quelles circonstances. Une large rue traversait la ville dans le sens de sa longueur, et d'autres la croisaient du nord au sud; quelquesunes sont visibles encore d'après les restes des constructions qui les bordaient. Les carrières devaient être éloignées, peut-être étaient-elles au pied de la montagne des Aïad, c'est-à-dire à quatre lieues; aussi les pierres de taille n'avaient pas été prodiguées dans les constructions de Zabi, les Romains les avaient réservées pour les monuments et avaient employé, pour les bâtiments de moindre importance, les cailloux roulés, seules pierres que l'on trouve dans cette partie du Hodna et les seules aussi

qui couvrent aujourd'hui l'emplacement de l'ancienne Zabi.

Il n'y a point de sources aux environs de Bechilga, et la terre reste stérile si elle n'est pas arrosée pendant la saison des chaleurs. Pour donner la vie à ces vastes campagnes, les Romains y avaient amené les eaux de l'Oued-Ksob, qui prend le nom d'Oued-Msila au point où il débouche dans le Hodna. A environ mille cinq cents mètres en amont de Msila, ils avaient construit un immense barrage de plus de dix mètres de hauteur dont on voit encore les débris dans la rivière. Un conduit venait y aboutir sur chaque rive, et portait les eaux au loin. Celui de la rive droite, qui n'avait pas moins de quatre mètres de largeur près de la rivière, peut être suivi encore sur un parcours de trois cents mètres, puis toute trace disparaît et on ne le retrouve plus qu'à six kilomètres plus loin, au sud-ouest de Msila.

Le conduit de la rive gauche est apparent sur un grand nombre de points, et l'on peut le suivre encore d'un bout à l'autre; il allait aboutir au côté sud de Zabi, s'étendait bien au delà de la ville et fécondait toutes les terres comprises entre cette ville, l'Oued-Msila et le grand Chott du Hodna; on peut apprécier, par les jardins actuels de Msila, ceux qu'avaient dû créer les Romains dans ces riches campagnes, car les villas arrivaient presque jusqu'au Chott, sur un développement d'environ dix kilomètres carrés.

Les matériaux employés dans la construction des conduits consistent, comme à Bechilga, en cailloux roulés et en quelques moellons peu nombreux.

Voilà tout ce qui reste aujourd'hui des grands travaux

exécutés à Zabi par nos devanciers. A quelle époque la ville fut-elle rasée de nouveau et ses débris furent-ils transportés à Msila?

La première de ces questions ne peut se résoudre que par induction. Les Maures des montagnes qui bordent le Hodna durent se soulever bien des fois pendant la période byzantine, et il pourrait se faire qu'ils eussent accompli eux-mêmes l'oeuvre de démolition. Dans tous les cas, je ne pense pas que Zabi ait résisté à la destruction générale qu'ordonna, à la fin du viie siècle, la reine de l'Aurès qui commandait alors aux anciens peuples d'Iabdas, et couvrit de ruines tout le pays qui s'étend de Tripoli à Tanger, d'après les historiens musulmans.

Ce qui est certain, c'est qu'en 927, Zabi n'existait plus, car, à cette époque, Abou-Kacem-el-Kaïm, fils du sultan fatimide Obeïd-Allah, de retour de son expédition dans le Maghreb, fonda Msila sous le nom de Mohammedia, et, si Zabi avait été encore debout, Abou-Kacem ne se serait pas donné la gloire de bâtir une nouvelle. ville à trois kilomètres de l'ancienne, à la seule fin, sous prétexte de maintenir le pays, de créer un pachalik ȧ son lieutenant Ibn-Hamdoun, dit El-Andalouci.

Huit ans après, Msila dut fournir à Ziri-ben-Merad des ouvriers pour bâtir Achir (Titteri), et une partie de ses habitants pour le peupler.

En 1088, le fondateur de l'empire Hammadite de Bougie rasa Msila, dont il transporta les habitants à la Kalâa. Une nouvelle population en releva les murs, qui furent abattus pour la deuxième fois soixante ans plus tard par les Zenata. La ville fut reconstruite; mais elle fut saccagée et ses murailles renversées vers 1330 par le

« PrécédentContinuer »