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chapelle pour le culte catholique (1); une mosquée; un fondouk; tout cela était créé progressivement. Le mur d'enceinte, flanqué de tours et de bastions, se terminait dès 1847.

Les eaux prises à la source étaient réparties entre trois canaux, dont un les conduisait à une promenade plantée de mûriers, très-bien située et touchant à la porte d'Alger. Les deux autres les distribuaient pour les besoins de la ville par cinq fontaines, un abreuvoir, un lavoir et un vivier à sangsues attenant à l'abattoir. Ces eaux étaient ensuite reçues, à la sortie de l'enceinte, dans des canaux d'irrigation pour être amenées dans une pépinière florissante et dans les jardins qui s'étendent à plus d'un kilomètre de la place.

Cependant l'armée n'avait pu suffire à l'érection de tant d'établissements importants; il lui avait fallu le concours d'ouvriers civils, que le prix élevé de la main-d'œuvre avait attirés et qui formaient déjà, à la fin de 1843, avec les commerçants, une population de deux cents àmes, non compris soixante-six indigènes. Deux ilots, séparés par une grande rue perpendiculaire à la face sud du réduit, et composés de maisons faites à la hate, avaient d'abord servi de demeure à cette population civile ; mais ces maisons ne furent pas comprises dans le plan régulier arrêté en 1843 et disparurent définitivement en 1845, pour être remplacées par des constructions élevées suivant le nouvel alignement. A cette époque, le commerce s'était déjà presque entièrement transporté dans les deux rues principales, rapidement créées avec les économies

(1) Une grande église a été construite il y a peu d'années.

des ouvriers et les bénéfices des marchands joints à quelques capitaux venus du dehors. En peu de temps, la population avait augmenté considérablement. Ce phénomène s'est toujours manifesté partout où une agglomérations de troupes a eu lieu. Les marchands, les petits débitants, les traficants de toute sorte qui viennent se fixer autour des camps, forment les premiers noyaux de tous les établissements coloniaux. Le camp se transforme plus tard en village, et, si l'emplacement a été heureusement choisi au point de vue agricole, commercial et industriel, il devient une petite ville comme Setif.

L'expédition de Bougie, décidée un instant en 1845, et l'augmentation définitive de l'effectif de la garnison, avaient fait sentir le besoin d'agrandir le quartier militaire et, en même temps, l'espace destiné à la population civile. Un projet d'extension fut adopté et, déjà, un nombre assez considérable de concessions avaient été faites dans l'annexe, lorsque survint une crise commerciale qui se fit sentir à Setif comme sur tous les autres points de l'Algérie; et la plupart des concessionnaires, qui s'étaient présentés d'abord avec une grande confiance, durent ajourner l'exécution de leurs projets. Néanmoins, le progrès était ce qu'il pouvait être alors, en raison des obstacles que la colonisation avait à vaincre. Bien que les habitants eussent été forcés, faute d'une route directe sur Bougie, de tirer de Philippeville, par Constantine, les bois nécessaires à leur installation et qu'ils n'eussent reçu aucune subvention du gouvernement, vers la fin de 1846, les maisons achevées s'élevaient au nombre de soixantehuit et celles en construction à cinquante-une, évaluées ensemble à huit cent quatre-vingt-dix mille francs, témoi

gnant de la confiance dans l'avenir. Cette confiance n'a pas été trompée, elle se justifie tous les jours davantage. Elle est justifiée surtout par l'ouverture de la route qui va mettre Setif en communication avec Bougie, son port naturel. On achève actuellement cette route, qui est aussi indispensable au développement de ces deux centres intéressants qu'à la sécurité générale du pays.

En 1849, le général de Barral, puis le colonel de Lourmel, avaient inauguré les premiers chantiers de travailleurs sur la voie stratégique projetée entre Bougie el Setif, passant par Ain-Roua, le Drâ-el-Arbaà et les Barbacha. En 1852, une colonne, sous les ordres du général Maissial, élargissait et améliorait cette même route, surtout sur les flancs du Bou-Zekout où existait un passage tortueux, extrêmement difficile, que nos soldats, dans leur langage imagé, avaient justement nommé l'escargot. L'année suivante, les travaux étaient continués avec ardeur, et quatre caravansérails construits de distance en distance, pour servir de gites d'étapes aux voyageurs. On vit à cette époque, pour la première fois, quelques voitures de roulage et des caravanes de chameaux faire par cette voie nouvelle le trajet de Setif à Bougie. Les travaux, suspendus pendant la guerre d'Orient, étaient repris en 1856 et continués durant trois années consécutives. Le passage par les crètes de Guifsar, présentant de grands inconvénients, avait été abandonné, et un autre, tracé par les Beni-Seliman, jugé préférable; mais ces routes, manquant les unes et les autres de travaux d'art et de soins permanents, ne tardaient pas à devenir impraticables, même aux muletiers, à cause des éboulements causés, chaque hiver, par les pluies et la fonte des neiges.

Depuis, sur les indications du capitaine Capdepont, chef de l'annexe de Takitount, M. l'Ingénieur de l'Épinay étudia le tracé d'une nouvelle route définitive qui est aujourd'hui à la veille d'être achevée. Celle-ci passe par le Chabet-el-Akhera dans une gorge granitique d'un effet pittoresque des plus curieux, et aboutit au littoral en longeant la vallée de l'Oued-Aguerioun, à travers une région ravissante couverte de bois et de forêts splendides. Elle offre, sur les anciennes routes, le double avantage d'être d'abord plus courte, puisque Setif ne sera plus qu'à soixante-douze kilomètres de la mer, et ensuite de se maintenir beaucoup moins longtemps dans la région où les neiges peuvent interrompre la circulation. Cette voie de communication intéresse Bougie et Setif au même degré; elle rendra son ancienne importance au port qui servira de débouché à toutes les denrées des plaines fertiles de Setif, de la Medjana et du Hodna.

La grande artère qui doit relier Constantine à Alger, dont les travaux sont en cours d'exécution, traverse la ville de Setif (1); de là, elle se dirige sur Bordj-bou-Areridj, passe les Biban ou Portes de fer et arrive à Aumale. dans la province d'Alger.

La ville est aujourd'hui entourée d'un mur d'enceinte percé de trois portes d'Alger, de Biskra et de Constantine. De larges rues tracées régulièrement, avec leurs trottoirs bordés d'arbres, la coupent en damier. On compte quatre places du Marché, de l'Église, Barral ou

(1) La distance de Constantine à Setif est de cent trente kilomètres. Sur son parcours, la route qui relie ces deux villes traverse les villages d'Aïn-Semara, Oued-Atmenia, Saint-Donat et Saint-Arnaud.

du Tremble et du Théâtre (1). Cette dernière est encadrée de bâtiments construits à peu près uniformément, garnis de hautes arcades pour mettre le promeneur à l'abri du soleil ou de la pluie. Au centre, il y a une belle fontaine monumentale jaillissant sur quatre faces. Elle est, de plus, entourée par le bâtiment du bureau arabe, par des magasins, des cafés et des bazars, et enfin par la mosquée, coquet édifice orné d'arabesques, dont le minaret domine toute la ville et les environs. De nombreux magasins, très-bien approvisionnés de tout ce qui est nécessaire à l'Européen, y rendent la vie aussi facile que dans une ville de France. Le quartier militaire, construit sur la partie la plus élevée du plateau, est séparé de la cité par un mur d'enceinte. Il renferme de grandes casernes pour l'infanterie et un quartier de cavalerie avec de belles et vastes écuries. L'hôpital est également très-bien installé et peut contenir un millier de lits. Outre une garnison permanente de trois inille hommes environ, la ville est habitée par près de quatre mille âmes, par plusieurs centaines d'israélites et par quelques indigènes musulmans.

En dehors de la porte d'Alger, la grande route est bordée, de chaque côté, par un boulevard à double rangée de mûriers d'une très-belle venue. Sur la droite, il y a une promenade publique un peu plus élevée que l'allée et parallèle sur toute sa longueur. Elle est ombragée par plusieurs espèces d'arbres, telles que frênes, mûriers, acacias, etc. C'est là que l'on a placé toutes les antiquités romaines de quelque valeur, parmi lesquelles, au bout

(1) Ce nom lui vient du théâtre que les soldats de la garnison avaient organisé il y a quelques années.

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