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INTRODUCTION

Le devoir d'un traducteur ne se borne pas à l'exacte reproduction des idées énoncées dans le texte qui fait le sujet de son travail; d'autres obligations lui sont également imposées: il doit rectifier les erreurs de l'auteur, éclaircir les passages qui offrent quelque obscurité, fournir des notions qui conduisent à la parfaite intelligence du récit et donner les indications nécessaires pour faire bien comprendre le plan de l'ouvrage. Il lui reste même encore à faciliter aux lecteurs les recherches qu'ils voudraient entreprendre, et à leur enseigner l'origine, la vie et les travaux de l'auteur.

Profondément convaincu que ces obligations doivent être strictement exécutées sous peine d'encourir la censure des juges compétents, le traducteur de l'Histoire des Berbères s'est constamment appliqué à rendre avec fidélité le sens du texte arabe et à recueiller dans une série de courtes notes et dans plusieurs appendices, tous les renseignements qui pourraient servir à compléter, à corriger, à rendre plus clair, le récit d'Ibn-Khaldoun. Pour aider les personnes qui voudraient consulter l'ouvrage, il a terminé chaque volume par un index de noms propres.

Cette introduction a pour but de tracer une analyse du grand ouvrage dont l'Histoire des Berbères ne forme qu'une section, d'indiquer la succession des dynasties musulmanes qui régnèrent dans l'Afrique septentrionale, et d'esquisser, en quelques pages, les principaux traits de la vie d'Ibn-Khaldoun. Elle sera suivie d'une liste alphabétique des noms de lieu qui se rencontrent dans ce traité historique, et a chaque nom seront ajoutées quelques indications qui serviront à faire retrouver l'emplacement de ces localités sur nos cartes.

SUR LE GRAND OUVRAGE HISTORIQUE D'IBN-KHALDOUN.

L'histoire universelle d'Ibn-Khaldoun se compose de trois livres, d'une introduction et d'une autobiographie. Le Premier livre traite des effets produits par l'influence de la civilisation sur l'esprit humain; le Second, divisé en quatre sections, renferme l'histoire des Arabes et des peuples étrangers, depuis les temps les plus anciens jusqu'à l'époque où l'auteur écrivait; le Troisième est consacré à l'histoire des tribus Berbères et des royaumes que cette race a fondées dans l'Afrique septentrionale.

L'Introduction forme, avec le premier livre, un ouvrage complet que l'on désigne ordinairement par le nom de Prolégomènes, bien que ce titre paraisse appartenir à l'introduction seulement. Des considérations générales sur la science de l'histoire, sur les deux formes de civilisation qui résultent de la vie nomade et de la vie sédentaire, sur les caractères qui les distinguent, sur les institutions, les sciences et les arts qui prennent naissance, soit dans l'un de ces états, soit dans l'autre; tel est le contenu des prolégomènes. L'autobiographie commence par l'histoire de la famille Khaldoun, et offre de longs et intéressants détails sur les études de l'auteur, les vicissitudes de sa vie et l'histoire contemporaine des trois dynasties qui régnaient alors à Tunis, à Tlemcen et à Fez

L'ouvrage entier porte en arabe le titre de Kitab-el-Eïber, oua Diwan-el-Mobtedá oua'l-Khaber, fi Aiyam il-Arab oua'lAdjem oua-'l-Berber; c'est-à-dire Livre des exemples instructifs et recueil d'origines et de récits, concernant l'histoire des Arabes, des peuples étrangers et des Berbères.

Ce fut l'illustre Silvestre de Sacy qui fit connaître à l'Europe le grand mérite des Prolégomènes, en publiant le texte et la traduction de plusieurs chapitres dans son Abd-Allatif, sa Chréstomathie et son Anthologie grammaticale arabes. D'autres extraits ont été donnés par MM. de Hammer, Freytag, de Montbret etc., et bientôt, nous l'espérons, le traité entier paraîtra dans la collection intitulée Notices et extraits des Manuscrits, avec la traduc

tion et les savantes notes de M. Quatremère. On pourra alors apprécier à sa juste valeur une des productions les plus remarquables de l'esprit arabe, et l'on verra jusqu'à quel point le savoir, la haute philosophie, la sagacité du génie et le bon sens même peuvent s'allier avec la crédulité et la superstition : des chapitres dignes de Montesquieu s'y trouveront accompagnés d'autres dans lesquels seront traitées comme sciences véritables la magie, la géométrie, la cabale, l'alchimie et l'oneirocritique. Le second livre renferme l'histoire des dynasties de l'Orient et des quatre grandes races semétiques qui habitèrent successivement la péninsule arabique et dont la dernière a fourni une vaste population arabe à une partie considérable de l'Afrique septentrionale. Pour distinguer ces races, l'auteur emploie une terminologie bizarre que nous reproduirons ici :

1° El-Arab-el-aréba; c'est-à-dire, les Arabes arabisants, ou Arabes purs;

2o El-Arab-el-Mostaréba; les Arabes arabisés ;

3° El-Arab-et-Tabéd-lil-Arab; les Arabes successeurs des

Arabes;

40 El-Arab-el-Mostadjema; les Arabes barbarisants.

La première race se compose d'Amalécites, d'Adites, de Tamoudites, de Tasm, de Djadîs et d'autres peuples, tous descendus d'Arem et de Lud, fils de Cham. Comme elle s'éteignit à une époque très reculée, notre historien a pu renfermer dans quelques pages les maigres renseignements que la tradition à conservés relativement à ces peuples. Ayant ensuite répété la légende islamique d'Abraham, d'Ismaël, de Lot et des autres patriarches, il passe aux ARABES ARABISÉS.

« Après avoir traité des Arabes urabisants, dit-il, dans la seconde partie de son ouvrage 1 nous nous occuperons des

A Hist. Univ., II liv. En 1840, M. l'abbé Arri commença, à Paris, l'impression des 1, 2 et 3 sections de ce second livre, refermant l'histoire du monde depuis la création jusqu'à la mort du khalife Ali, gendre de Mahomet. Ce beau travail fut interrompu l'année suivante par la mort, à jamais regrettable, du jeune et savant ecclésiastique qui

Arabes arabisés, descendants de Himyer, fils de Seba. Nous indiquerons la filiation de leur tribus et nous exposerons l'histoire de la dynastie qu'ils fondèrent dans le Yémen, dynastie qui se composa des Tobba et de leur postérité. Nous aborderons ensuite l'histoire des dynasties étrangères qui leur étaient contemporaines; savoir :

>> Les rois assyriens de Babel;

» Les rois des Djerameca à Mosul et à Ninive;

» Les Coptes d'Egypte et leurs rois;

>> Les Enfants d'Israël et leurs dynasties à Jérusalem, tant avant qu'après la destruction de cette ville par Nabuchodonosor;

» Les Samaritains;

>> Les rois perses des deux premières dynasties;

» Les Grecs et l'empire fondé par Alexandre;

>> Les Romains et leur empire sous les Césars et autres princes. >> Ensuite nous raconterons l'histoire des Arabes de la troisième race, c'est-à-dire, des Arabes successeurs des Arabes. »

Ceux-ci proviennent de trois souches: Codaa, petit-fils de de Himyer, Cahtan, le Yectan de la Bible, et Ismaël, fils d'Abraham.

Les deux premiers sont les aïeux des tribus Yéménites; Ismaël est l'aieul d'Adnan. La postérité d'Adnan eut pour berceau le Hidjaz dont elle peupla une grande partie et d'où elle se ramifia dans le Nedjd et les déserts de l'Irac, de la Mésopotamie et de la Syrie.

« Les ARABES SUCCESSEURS, dit notre auteur, descendant de Codâa, de Cahtan et d'Adnan, personnage dont les petit-fils, Rebiâ et Moder, ont été les souches de plusieurs tribus. Nous indiquerons la descendance de Codâa, sans négliger le royaume bédouin que les Noman, famille de cette branche, fonda en Irac et à Hira. Nous parlerons ensuite de leurs voisins et rivaux,

l'avait entrepris. On avait déjà imprimé cent huit pages du texte arabe et cent quarante de la traduction italienne, mais, jusqu'à présent, toutes les feuilles tirées sont restées en magasin. L'achèvement d'une entreprise si bien commencée serait un véritable service rendu à la science.

les rois de Kinda, descendants de Hodjr-Akel-el-Morar '; puis, nous ferons mention de la dynastie bédouine que les Beni-Djafna établirent dans le Balca de la Syrie. Ensuite nous traiterons des. Aous et des Khazradj, tribus établies dans Médine. La postérité d'Adnan et le royaume formé à Médine par les Coreich, famille de cette souche, occuperont alors notre attention et nous mèneront à parler de la naissance du Prophète dans cette tribu, faveur par laquelle Dieu l'a ennoblie ainsi que toute l'espèce humaine. Nous raconterons l'histoire du Prophète et du khalifat, institution par laquelle Dieu a illustré la même tribu, et, après avoir consacré un article biographique à chacun des quatre premiers khalifes et fait mention des apostasies, des victoires et des troubles qui eurent lieu dans leur temps, nous donnerons l'histoire des Oméïades, khalifes de la nation musulmane. A la suite d'une relation qui fera connaître les révoltes qui eurent lieu sous leur règne, viendra une notice des khalifes chiites et des empires qu'ils établirent dans le territoire de l'islamisme : d'abord le puissant empire des Abbacides qui embrassa tant de royaumes; puis, les états fondés par les descendants d'Ali, depuis l'établissement de la dynastie abbacide et en directe opposition à son autorité; savoir:

» Le royaume des Idrîcides dans le Maghreb-el-Acsa,

>> Le royaume des Ismaïliens-obeidites (fatemides) à Cairouan et au Caire;

>> Le royaume des Carmats dans le Bahrein;

Voy. sur l'histoire d'Hodjr-Akel-el-Morar, le tome II de l'Essai sur l'histoire des anciens Arabes, par M. Caussin de Perceval, et l'extrait du Kitab-el-Aghani, imprimé en tête de mon édition des poésies d'Amrol

Caïs.

2 Les historiens arabes emploient ordinairement le mot Chii (sectaire) pour désigner les partisans des princes descendus d'Ali, gendre de Mahomet. Ici notre auteur s'en sert pour désigner, non-seulement les Alides, mais les Abbacides; car ceux-ci, avant d'enlever le khalifat aux Oméïades, s'étaient donnés pour partisans (chid) du Rida ou agrée de Dieu, personnage imaginaire qu'ils prétendaient appartenir à la famille de Mahomet.

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