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Zoghba firent cause commune avec les Beni-Badin, tribu zenatienne. A cette époque ils se mirent à parcourir, avec leurs troupeaux, les déserts qui s'étendent depuis Mecîla jusqu'au midi de Tlemcen; les Beni- Badîn ayant pris possession des plateaux du Tell.

Quand la race zenatienne s'empara du Maghreb central et occupa les villes de ce pays, les Zoghba, liés avec elle par la conformité de ses habitudes comme peuple nomade, et par la confédération qui existait entre eux, pénétrèrent aussi dans cette région et soumirent aux impôts une partie considérable de la population.

Les Zoghba ayant quitté le Désert avec leurs familles, laissèrent sans défense la partie dans laquelle ils s'étaient tenus jusqu'alors; aussi, leurs voisins, les Arabes makiliens, y entrèrent par le côté occidental et subjuguèrent la portion de cette tribu qui s'y trouvait encore.

Ils lui imposèrent une taxe à titre de khafara (prix de protection), et qui consistait en jeunes femelles de chameaux, choisies par eux-mêmes. Voulant se soustraire à cette espèce de servitude, les Zoghba formèrent un complot, à la tête duquel figura Thouaba-Ibn-Djoutha de la famille de Soteid. Par suite de cette conjuration, dont, du reste, nous aurons bientôt occasion de parler, ils expulsèrent de chez eux les Makil envahisseurs.

Plus tard, quand les dynasties zenatiennes empêchèrent les Arabes de mettre le pied dans le Tell, à cause des actes de brigandage auxquels ils s'y livraient, les Zoghba rentrèrent dans le Désert et abandonnèrent au gouvernement la possession des plateaux et des terrains cultivables. Retirés dans un pays où l'importation des grains se faisait très-difficilement, ils virent dépérir leurs bêtes de somme et se trouvèrent enfin réduits au dernier degré de la misère.

Le gouvernement (zenatien) les força alors à lui envoyer des contingents en hommes, et à lui payer la dîme et un tribut; mais enfin, la puissance des Zenata s'affaiblit, leur empire pencha vers sa ruine, les princes du sang dressèrent sur les frontières l'étendard de la révolte, et les Zoghba retrouvèrent l'occasion de péné

trer encore dans le Tell et d'y rétablir leur autorité. Les Zenata, qui avaient essayé de leur en disputer la possession, furent défaits dans presque toutes les rencontres. Alors le gouvernement acheta leur appui, en leur concédant un grand nombre de villes et d'autres localités du Maghreb' central. Dès ce moment, leurs nomades commencèrent à parcourir cette province, et de tout côté, ils y établirent leur domination, ainsi que le lecteur le verra plus tard.

La tribu de Zoghba se compose d'un grand nombre de branches, telles que les Yezîd, les Hosein, les Malek, les Amer et les Aroua. Ces peuplades se sont partagé le Maghreb central, comme cela sera exposé dans l'histoire de chacune d'elles.

Les descendants de Yezîd, fils de Zoghba, tenaient un haut rang parmi les autres tribus de la même origine, tant par leur nombre que par la noblesse de leur caractère. Les gouvernements établis cherchaient toujours à se les concilier; et parmi tous les Arabes, les Beni-Yezîd furent les premiers à obtenir de l'état la jouissance d'une certaine portion du territoire dans l'intérieur du Tell. Ainsi les Hafsides leur donnèrent des fiefs dans le Hamza, pays faisant partie du territoire de Bougie et touchant aux régions occupées par les Riah et les Athbedj. Pour s'établir dans leurs nouvelles possessions, les Beni-Yezîd traversèrent les défilés qui mènent aux plateaux du Hamza et pénétrèrent jusqu'au Dehous et à Beni-Hacen. Ils occupèrent ensuite les plaines et les pâturages de ces contrées, et prêtèrent leurs services à l'état quand il s'agissait de faire payer l'impôt aux populations sanhadjiennes et zouaouiennes. Chaque fois que le gouvernement de Bougie se trouvait trop faible pour entreprendre le recouvrement des impôts dans ce pays, les Beni-Yezid se chargeaient de cette opération et s'en acquittaient très-bien. Cette conduite leur mérita de nouvelles marques d'honneur, et la concession d'une grande partie du territoire où ils se trouvaient.

Dans la suite, les Zenata enlevèrent ce pays aux Hafsides et le détachèrent de la principauté de Bougie pour se l'approprier; mais, à l'époque où leur puissance commençait à décliner, ils eurent à soutenir une longue guerre contre les Arabes et à

souffrir que les Beni-Yezid s'emparassent de toute la région que nous venons d'indiquer. Depuis lors, cette tribu continue à l'habiter et à y prélever pour elle-même les impôts et les contributions.

La tribu de Yezid se divise en plusieurs grandes familles, telles que les Hameïan-Ibn-Ocba-Ibn-Yezid, les Djouab, les Beni-Kerz, les Beni-Mouça, les Mérabéâ, et les Khachna. Les ancêtres de ces peuplades étaient tous fils de Yezîd, fils d'Abs, fils de Zoghba.

Parmi les populations nomades de cette race on compte les Agerma-Ibn-Abs, tribu-sœur des précédentes.

Le droit de commander aux Beni-Yezid appartenait d'abord aux Aulad-Lahec, et ensuite aux Aulad-Moâfa, des mains desquels il passa dans la maison de Sâd. Sad était fils de MalekIbn-Abd-el-Caoui-Ibn-Abd-Allah-Ibn-Saîd-Ibn-Mohammed-IbnAbd-Allah-Ibn-Mehdi-Ibn-Yezîd-Ibn-Abs-Ibn-Zoghba; mais les membres de cette famille prétendent que Mehdi, l'aïeul de Saîd, était fils d'Abd-er-Rahman, fils d'Abou-Bekr-es-Siddic [le premier khalife musulman, successeur de Mahomet]. Cette opinion est inadmissible, parce qu'elle est en opposition avec le grand principe que nous avons établi ailleurs et d'après lequel on doit reconnaître que le commandement d'une tribu ne passe jamais dans une famille qui lui est étrangère par la naissance 1. Il y a d'autres personnes qui font descendre les Beni-Sâd de Seloul, fils de Morra-Ibn-Sâsâ, mais le principe que nous venons d'invoquer s'applique également à cette opinion et en démontre la fausseté. On a même regardé les Beni-Yezid et les Beni-Seloul comme descendus d'un même ancêtre, et on les a désignés collectivement par le nom de Beni-Fatema.

Les Sad se composent de trois familles : les Beni-Madi-IbnRizc-Ibn-Sad, les Beni-Mansour-Ibn-Sâd et les Zoghli-Ibn-Rizc

↑ Ici nous avons développé la pensée de l'auteur. C'est dans un chapitre de ses Prolégomènes qu'il a discuté ce point.

Le raisonnement d'Ibn-Khaldoun n'est pas conclusif, car le principe qu'il invoque admet des exceptions.

Ibn-Sad. Aux Zoghli est réservé le commandement en chef de toutes les branches de la tribu de Yezîd, tant de celles qui s'adonnent à la vie nomade que de celles qui ont des demeures fixes. Il est à notre connaissance que ce privilége avait appartenu à Zian-Ibn-Zoghli, et ensuite à Dîfel, frère de celui-ci. De Difel l'autorité passa successivement à son frère, Abou-Bekr, à Saci, fils d'Abou-Bekr, à Mâtouc, autre fils du même, à leur cousin, Mouça, fils d'Abou-'l-Fadl-Ibn-Zoghli, à Ahmed, frère du précédent, à leur frère, Ali-Ibn-Abi-'l-Fadl, et enfin à Abou-'lLeil, fils de Mouça et petit-fils d'Abou-'l-Fadl. Abou-'l-Leil mourut en 791 (1389) et eut pour successeur son fils.

Autrefois, les Beni-Yezîd comptaient les Beni-Amer au nombre de leurs confédérés ; quand ils changeaient de station, les BeniAmer les accompagnaient, et dans leurs guerres, ce même peuple leur servait d'auxiliaire. Sous le régne du khalife hafside, ElMostancer, les Riah, commandés, d'abord, par leur chef MouçaIbn-Mohammed-Ibn-Masoud, et ensuite par son fils Chibl, se li vrèrent, pendant un temps considérable, à des hostilités contre les Zoghba. Les Beni-Yezîd prirent une part très-active dans cette querelle, à cause de leur voisinage avec les parties belligérantes. En récompense des secours que leurs confédérés, les BeniAmer, leur avaient fournis pendant ces dissensions, les BeniYezid s'imposèrent une contribution annuelle de mille grands sacs (gherara) de grains; don qui fut appelé le gherara. L'on rapporte que les Beni-Amer avaient mérité cette marque de reconnaissance par leur empressement à venir en aide à AbouBekr-Ibn-Zoghli auquel, pendant ces troubles, les Rîah avaient enlevé Dehous, localité qui fait partie du Hamza. La portion des Beni-Amer qui accourut à son appel se composait des AuladChafaï, commandés par Saleh-Ibn-Balegh, des Beni-Yacoub sous les ordres de Dawoud-Ibn-Attaf, et des Hamid, sous la conduite de Yacoub-Ibn-Moarref. Au moyen de ce renfort Abou-Bekr-IbnZoghli recouvra la possession de son territoire, qu'il greva ensuite du gherara, offrande destinée à la tribu qui l'avait secouru. Pendant un temps assez long cet impôt continua à être payé régulièrement aux Beni-Amer,

Vers le temps où Yaghmoracen établit son autorité dans Tlemcen et les pays voisins, époque à laquelle les Zenata vinrent occuper le Tell et les plateaux, les Makil se livraient dans ces régions à tous les désordres. Voulant contenir la violence de ces Arabes en leur donnant pour voisin un peuple rival, Yaghmoracen fit venir les Beni-Amer des lieux qu'ils parcouraient dans la partie du Désert appartenant aux Beni-Yezid, et les établit près de lui, dans le Désert [au sud] de Tlemcen. La tribu de Hameïan', branche des Beni-Yezid et descendue d'Ocba-Ibn-Yezîd, y suivit les Beni-Amer parce que, s'adonnant exclusivement à la vie nomade et au soin des troupeaux, elle n'avait point de séjour fixe. Encore aujourd'hui on considère les Hameïan comme faisant partie des Beni-Amer.

Le reste des Beni-Yezid occupa les campagnes fertiles de la région maritime [ à l'est d'Alger] et s'y établit à demeure. Un très-petit nombre d'entr'eux, composé de quelques membres de la famille d'Akerma et de diverses fractions de celle d'Abs, continue, cependant, jusqu'à ce jour, à vivre en nomades ; ils fréquentent la partie du Désert que parcourent les AuladZoghli, et, presque toujours, ils s'y rendent de compagnie avec eux ou avec les alliés qu'ils se sont faits parmi les nomades de la tribu de Zoghba et ceux de la tribu de Rîah.

Entre les branches des Beni-Yezîd-Ibn-Abs-Ibn-Zoghba, on remarque celles des Beni-Khachîn [les Khachna], des Beni-Mouça, des Beni-Moàfa et des Beni-Lahec. Ces deux dernières familles avaient exercé le commandement sur toute la tribu antérieurement aux Beni-Sad-Ibn-Malek. On y compte de plus les BeniDjouab, les Beni-Kerz et les Beni-Marbê, appelés aussi les Merabéâ. Toutes ces peuplades occupent encore le pays du Hamza 2. Une petite tribu, branche des Merabéâ, vit actuellement avec ses troupeaux dans les plaines de Tunis, où elle est connue sous le nom de Zoghba.

1 Si nous admettons l'orthographe ponctuée de ce nom, telle que les meilleurs manuscrits nous la présentent, il faut le prononcer Homeïyan.

2 Ils habitent maintenant entre le Hamza et la plaine de la Métidja.

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