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docteurs de cette ville. Étant allés le trouver, ils le décidèrent à les accompagner dans leur pays. Il se fixa alors chez Hacen-IbnSelama, chef des Aulad-Talha, et ayant rallié tous les Sonnites autour de lui, il rendit la puissance des Aulad-Seba trèsformidable. Dès ce moment ils recommencèrent leurs incursions dans le Zab, et pendant long-temps ils continuèrent à guerroyer contre Ali-Ibn-Ahmed.

Abou-Tachefin, le sultan [abd-el-ouadite], ayant envahi le territoire hafside, remarqua l'empressement des Arabes à abandonner la cause de cette dynastie. Il envoya donc des présents aux Sonnites dans le but de se concilier leur appui, et accorda une pension annuelle au docteur Ibn-el-Azrac.

Les choses restèrent en cet état pendant quelque temps, mais enfin, Ali-Ibn-Ahmed, chef des-Aulad-Mohammed, reprit le dessus sur les sectaires. La mort de leur chef, Hacen-Ibn-Selama, brisa leur puissance, et Ibn-el-Azrac alla habiter Biskera. Nommé cadí de cette ville par Youçof-Ibn-Mozni, qui voulut ainsi les affaiblir encore davantage, il continua, jusqu'à sa mort, à remplir les fonctions de cet office.

Quelque temps venait de s'écouler ainsi, quand Ali-Ibn-Ahmed lui-même entreprit de soutenir la cause des Sonnites. En l'an 740 (1339-40), il rassembla un corps de troupes pour cet objet et alla mettre le siége devant Biskera. Soutenu par les renforts que lui firent passer les habitants du Rîgh, il tint cette forteresse bloquée pendant plusieurs mois. Découragé enfin par la résistance des assiégés, il renonça à son entreprise, se réconcilia avec Youçof-Ibn-Mozni et lui resta attaché jusqu'à la fin de ses jours.

La postérité de Séada, composée de plusieurs fils et petit-fils, continue à habiter le zaouïa qu'il s'était bâti. La famille Mozni ne cesse de leur témoigner une grande considération, et les Arabes de la tribu de Rîah qui habitent le Désert, leur reconnaissent le droit de donner des sauf-conduits aux voyageurs.

De temps à autre, quelques individus appartenant à la tribu des Douaouida essayent de relever la cause des Sonniles, non pas par esprit de religion et de piété, mais parce qu'ils y trouvent un moyen de se faire payer la dime par la classe des cultivateurs.

Ils font semblant de vouloir corriger les abus, parce que cela leur sert de manteau pour voiler d'autres projets; mais tôt ou tard, ils trahissent leurs véritables intentions, et s'arrachant, les uns aux autres, les fruits de leurs rapines, ils se dispersent sans avoir rien effectué d'utile.

HISTOIRE DES ZOGHBA, TRIBU ISSUE DE HILAL-IBN-AMER.

CATION DES BRANCHES DONT ELLE SE COMPOSE.

INDI

La tribu de Zoghba est sœur de celle de Riah. Ibn-el-Kelbi dit que Zoghba et Rîah étaient fils d'Abou-Rebiâ-Ibn-Nehîk-IbnHilal-Ibn-Amer; mais les membres de ces deux tribus se donnent pour descendants d'un nommé Abd-Illah, circonstance dont ce généalogiste ne parle pas. Il est vrai qu'il cite un AbdAllah parmi les fils de Hilal. Zoghba et Riah ont pu être regardés comme les fils de cet Abd-Allah parce qu'il les aurait élevés, ou bien parce que sa haute réputation aurait obscurci celle [ de ses frères]. En effet, il arrive très-souvent, dans les généalogies des familles arabes, que l'on trouve le nom d'un oncle ou d'un tuteur substitué à celui d'un père.

Nombreux et puissants lors de leur entrée en Ifrîkïa, les Zoghba subjuguèrent les environs de Tripoli et de Cabes, et tuèrent Saîd - Ibn - Khazroun, prince maghraouien qui gouvernait la première de ces villes. Tel était encore leur état quand les Almohades se rendirent maîtres de l'Ifrikïa. Ibn-Ghania ayant ensuite soulevé cette province, rallia à sa cause plusieurs fractions des tribus hilaliennes, telles que les Riah et les Djochem; mais les Zoghba s'éloignèrent de lui et prirent le parti des Almohades. Depuis lors, cette dynastie leur a toujours témoigné une prédilection marquée.

Pour défendre le Maghreb central contre Ibn-Ghanîa, les

1 Abou-'l-Monder-Hicham-Ibn-Mohammed-Ibn-es-Saïb-Ibn-el-Kelbi, premier auteur musulman qui composa des traités généalogiques, mourut en 204 (819-20), selon Hadji-Khalfa, ou en 206, selen d'autres autorités. Il était fils de l'Abou-'n-Nadr, dont il est question dans la note (2) de la page 57 de ce volume. Ses ouvrages sont le Monzel, le Djemhera, le Quédjiz, le Ferid et le Molouk.

Zoghba firent cause commune avec les Beni-Badin, tribu zenatienne. A cette époque ils se mirent à parcourir, avec leurs troupeaux, les déserts qui s'étendent depuis Mecîla jusqu'au midi de Tlemcen; les Beni- Badîn ayant pris possession des plateaux du Tell.

Quand la race zenatienne s'empara du Maghreb central et occupa les villes de ce pays, les Zoghba, liés avec elle par la conformité de ses habitudes comme peuple nomade, et par la confédération qui existait entre eux, pénétrèrent aussi dans cette région et soumirent aux impôts une partie considérable de la population.

Les Zoghba ayant quitté le Désert avec leurs familles, laissèrent sans défense la partie dans laquelle ils s'étaient tenus jusqu'alors; aussi, leurs voisins, les Arabes makiliens, y entrèrent par le côté occidental et subjuguèrent la portion de cette tribu qui s'y trouvait encore.

Ils lui imposèrent une taxe à titre de khafara (prix de protection), et qui consistait en jeunes femelles de chameaux, choisies par eux-mêmes. Voulant se soustraire à cette espèce de servitude, les Zoghba formèrent un complot, à la tête duquel figura Thouaba-Ibn-Djoutha de la famille de Soteid. Par suite de cette conjuration, dont, du reste, nous aurons bientôt occasion de parler, ils expulsèrent de chez eux les Makil envahisseurs.

Plus tard, quand les dynasties zenatiennes empêchèrent les Arabes de mettre le pied dans le Tell, à cause des actes de brigandage auxquels ils s'y livraient, les Zoghba rentrèrent dans le Désert et abandonnèrent au gouvernement la possession des plateaux et des terrains cultivables. Retirés dans un pays où l'importation des grains se faisait très-difficilement, ils virent dépérir leurs bêtes de somme et se trouvèrent enfin réduits au dernier degré de la misère.

Le gouvernement (zenatien) les força alors à lui envoyer des contingents en hommes, et à lui payer la dime et un tribut; mais enfin, la puissance des Zenata s'affaiblit, leur empire pencha vers sa ruine, les princes du sang dressèrent sur les frontières l'étendard de la révolte, et les Zoghba retrouvèrent l'occasion de péné

trer encore dans le Tell et d'y rétablir leur autorité. Les Zenata, qui avaient essayé de leur en disputer la possession, furent défaits dans presque toutes les rencontres. Alors le gouvernement acheta leur appui, en leur concédant un grand nombre de villes et d'autres localités du Maghreb' central. Dès ce moment, leurs nomades commencèrent à parcourir cette province, et de tout côté, ils y établirent leur domination, ainsi que le lecteur le verra plus tard.

La tribu de Zoghba se compose d'un grand nombre de branches, telles que les Yezîd, les Hosein, les Malek, les Amer et les Aroua. Ces peuplades se sont partagé le Maghreb central, comme cela sera exposé dans l'histoire de chacune d'elles.

Les descendants de Yezîd, fils de Zoghba, tenaient un haut rang parmi les autres tribus de la même origine, tant par leur nombre que par la noblesse de leur caractère. Les gouvernements établis cherchaient toujours à se les concilier; et parmi tous les Arabes, les Beni-Yezîd furent les premiers à obtenir de l'état la jouissance d'une certaine portion du territoire dans l'intérieur du Tell. Ainsi les Hafsides leur donnèrent des fiefs dans le Hamza, pays faisant partie du territoire de Bougie et touchant aux régions occupées par les Rîah et les Athbedj. Pour s'établir dans leurs nouvelles possessions, les Beni-Yezîd traversèrent les défilés qui mènent aux plateaux du Hamza et pénétrèrent jusqu'au Dehous et à Beni-Hacen. Ils occupèrent ensuite les plaines et les pâturages de ces contrées, et prêtèrent leurs services à l'état quand il s'agissait de faire payer l'impôt aux populations sanhadjiennes et zouaouiennes. Chaque fois que le gouvernement de Bougie se trouvait trop faible pour entreprendre le recouvrement des impôts dans ce pays, les Beni-Yezîd se chargeaient de cette opération et s'en acquittaient très-bien. Cette conduite leur mérita de nouvelles marques d'honneur, et la concession d'une grande partie du territoire où ils se trouvaient.

Dans la suite, les Zenata enlevèrent ce pays aux Hafsides et le détachèrent de la principauté de Bougie pour se l'approprier; mais, à l'époque où leur puissance commençait à décliner, ils eurent à soutenir une longue guerre contre les Arabes et à

souffrir que les Beni-Yezid s'emparassent de toute la région que nous venons d'indiquer. Depuis lors, cette tribu continue à l'habiter et à y prélever pour elle-même les impôts et les contributions.

La tribu de Yezid se divise en plusieurs grandes familles, telles que les Hameïan-Ibn-Ocba-Ibn-Yezîd, les Djouab, les Beni-Kerz, les Beni-Mouça, les Mérabéà, et les Khachna. Les ancêtres de ces peuplades étaient tous fils de Yezid, fils d'Abs, fils de Zoghba.

Parmi les populations nomades de cette race on compte les Agerma-Ibn-Abs, tribu-sœur des précédentes.

Le droit de commander aux Beni-Yezid appartenait d'abord aux Aulad-Lahec, et ensuite aux Aulad-Moâfa, des mains desquels il passa dans la maison de Såd. Sàd était fils de MalekIbn-Abd-el-Caoui-Ibn-Abd-Allah-Ibn-Said-Ibn-Mohammed-IbnAbd-Allah-Ibn-Mehdi-Ibn-Yezid-Ibn-Abs-Ibn-Zoghba; mais les membres de cette famille prétendent que Mehdi, l'aïeul de Saîd, était fils d'Abd-er-Rahman, fils d'Abou-Bekr-es-Siddic [le premier khalife musulman, successeur de Mahomet]. Cette opinion est inadmissible, parce qu'elle est en opposition avec le grand principe que nous avons établi ailleurs et d'après lequel on doit reconnaître que le commandement d'une tribu ne passe jamais dans une famille qui lui est étrangère par la naissance'. Il y a d'autres personnes qui font descendre les Beni-Sâd de Seloul, fils de Morra-Ibn-Sâsâ, mais le principe que nous venons d'invoquer s'applique également à cette opinion et en démontre la fausseté. On a même regardé les Beni-Yezid et les Beni-Seloul comme descendus d'un même ancêtre, et on les a désignés collectivement par le nom de Beni-Fatema.

Les Sâd se composent de trois familles : les Beni-Madi-IbnRizc-Ibn-Sad, les Beni-Mansour-Ibn-Sâd et les Zoghli-Ibn-Rizc

1 Ici nous avons développé la pensée de l'auteur. C'est dans un chapitre de ses Prolégomènes qu'il a discuté ce point.

• Le raisonnement d'Ibn-Khaldoun n'est pas conclusif, car le principe qu'il invoque admet des exceptions.

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