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Kahena. Dès cette époque, l'islamisme se propagea parmi les Berbères. La guerre étant terminée de cette manière, Hassan revint à Cairouan, et réorganisa l'administration du pays 1.

Il fut déposé de son commandement par Abd-el-Aziz-IbnMerouan, gouverneur de l'Égypte et de l'Ifrîkïa, qui le rappela, lors de la mort d'Abd-el-Mélek et de l'avènement d'El-Ouélid, fils de ce khalife. Abd-el-Azîz envoya en même temps quarante de ses principaux officiers pour avoir soin de tout ce qui se trouvait en la possession de Hassan; mais celui-ci, ayant deviné leur commission, cacha, dans des outres à eau, les pierreries, les perles et l'or qu'il avait entre les mains, et laissa ces outres exposés dans le camp; quant au reste du butin, il le mit sous leurs yeux. Étant arrivé en Égypte, il alla voir Abd-el-Azîz et le pria de choisir deux cents des plus beaux esclaves, tant filles que garçons, qu'il aurait amenés avec lui. On dit que le nombre de ces captifs montait à trente-cinq mille. Abd-el-Azîz en prit tout ce qui lui convenait, ainsi que plusieurs chevaux appartenant au général. Hassan partit avec ce qui lui restait, et alla se plaindre à El-Ouélîd-Ibn-Abd-el-Mélek. Ce khalife fut indigné de la conduite de son oncle, Abd-el-Azîz, et déclara qu'il avait agi sans autorisation. Hassan ordonna alors à ses gens de lui apporter les outres, et il les vida en présence d'El-Ouélîd qui resta muet d'étonnement à l'aspect de tant de pierreries, de perles et d'or. << Commandant des croyants, lui dit-il, je suis parti avec l'unique intention de combattre dans la voie de Dieu, et je n'ai trahi mon devoir ni envers lui, ni envers le khalife ». - «< Retourne dans

1 Rentré à Cairouan, Hassan y bâtit la grande mosquée, organisa des bureaux pour l'administration civile et militaire, et soumit au kharadj les étrangers qui se trouvaient encore en Ifrîkïa ainsi que cette portion des Berbères qui, à l'instar de ceux-là, avaient continué à professer la religion chrétienne. La plupart de ces Berbères appartenaient à la branche de Bernès. (Ibn-Abd-el-Hakem). D'après En-Noweiri, la grande mosquée fut bâtie par Ocba.

? Abd-el-Azîz mourut en l'an 85, et El-Quélid monta sur le trône en 86; En-Noweiri a probablement confondu Abd-el-Azîz avec son neveu et successeur, Abd-Allah-Ibn-Abd-el-Mélek. Selon Ibn-Abd-el-Hakem, Hassan fut rappelé par le khalife Abd-el-Mélek, en l'an 76.

ton gouvernement, lui répondit El-Ouélid, et sois assuré de ma bienveillance.» Hassan reprit : « Je jure que jamais je n'accepterai plus un commandement sous la dynastie oméïade ! ». Par sa fidélité et sa probité, Hassan s'était acquis le titre d'EsCheikh-el-Emin (le vieillard intègre). Il eut pour successeur Mouça-Ibn-Noceir.

§ XII.

GOUVERNEMEnt de mouça-IBN-NOCEIR.

Sur le refus de Hassan, El-Ouélîd écrivit à son oncle Abd-elAziz, d'envoyer en Ifrikïa Mouça-Ihn-Noceir1, et il lui signifia que cette province serait indépendante de celle de l'Égypte, et qu'elle relèverait immédiatement du khalife.

Aussitôt que Mouça fut arrivé à sa destination, il déposa Saleh 3, lieutenant de Hassan, et ayant appris qu'il se trouvait sur les frontières une foule de gens qui s'étaient soustraits à l'obéissance, il envoya contre eux son fils Abd-Allab, qui les défit dans une bataille et ramena à son père cent mille prisonniers. Son second fils, Merouan, qu'il avait envoyé d'un autre côté, rentra également avec cent mille prisonniers. Mouça, lui-même, marcha dans une autre direction et revint avec le même nombre de captifs. « Ce jour-là, dit El-LeithIbn-Sâd, le quint légal montait à soixante mille prison

↑ Au rapport d'Ibn-Açaker, dans son histoire biographique de Damas, (manuscrit de la bibliothèque d'Atef-Pacha, à Constantinople), le nom du père de Mouça est la forme diminutif de Nasr, ce qui montre qu'on le prononçail Noceir et non pas Nacir.

Nous venons de faire observer qu'Abd-el-Azîz mourut avant l'avénement d'El-Ouélid. En-Noweri s'est donc trompé ici de nouveau. IbnAbd-el-Hakem dit que la nomination de Mouça au gouvernement de l'Afrique eut lieu en 78 ou 79 (697-9); Ibn-Açaker la place en 79, et nous lisons dans le Nodjoum qu'en l'an 84, Mouça avait fait des grandes conquêtes dans ce pays et ramené cinquante mille prisonniers. Il est donc évident que la date de 86, indiquée par En-Noweiri et Ibn-Khaldoum (dans l'histoire des émirs arabes), est inexacte.

3 Abou-Saleh, selon Ibn-Abd-el-Hakem.

niers; chose inouïe depuis l'établissement de l'islamisme'. » Mouça fit alors une expédition vers Tanger, avec le dessein. d'attaquer les Berbères qui se trouvaient dans cette contrée. Comme ils prirent la fuite à son approche, il les poursuivit l'épée dans les reins, jusqu'à ce qu'il parvint à Es-Sous-elAcsa. Les Berbères n'osaient lui opposer aucune résistance, et tous firent leur soumission pour éviter la mort. Il leur donna alors un chef de son choix, et il accorda à son affranchi, Tarec-Ibn-Ziad, le gouvernement de la ville et la province de Tanger, avec le commandement d'un corps de cavaliers berbères. Un petit nombre d'Arabes resta avec eux pour leur apprendre le Coran et les devoirs de l'islamisme. Rentré en Ifrîkïa, Mouça passa auprès du château de Meddjana dont la garnison fit quelque résistance, et il y laissa Bichr, fils d'un tel2, pour en faire le siége. Bichr, emporta la place, qui fut nommée dans la suite Calât-Bichr (le château de Bichr). Il ne se trouva plus alors en Ifrîkïa, ni Berbères, ni Grecs disposés à la résis

tance 3.

1 On a déja vu que les renseignements les moins croyables au sujet des guerres des Arabes en Afrique sont donnés sur l'autorité d'El-LeithIbn-Sâd. Ce célèbre traditioniste et docteur de la loi naquit en Egypte, l'an 92 (710-14) et mourut en 175 (791-2). Possesseur d'une grande fortune, il en fit, dit-on, le plus noble usage. Une de ses filles devint l'épouse d'Ibrahim-Ibn-el-Aghleb, fondateur de la dynastie agh!ebide.

308.)

Il faut probablement lire Bosr, fils d'Arta. (Voyez ci-devant, page

3 Ibn-Khaldoun raconte, dans son histoire des émirs arabes de l'Afrique, que Mouça envoya son fils Abd-Allah contre l'île de Maïorque et que celui-ci en rapporta un grand nombre de prisonniers et un riche butin. Mouça soumit le Derâ, assiégea Tafilelt et fit passer son fils dans le Sous. Les Berbères firent leur soumission, et les tribus masmoudiennes donnèrent des ôtages. Ceci eut lieu en 88 (707). Mouça assigna aux ôtages, pour résidence, la ville de Tanger. Selon l'auteur du Baian, Mouça commença par soumettre les Berbères du territoire de Zaghouan; ensuite, en 84, il attaqua les Hoouara, les Zenata, les Ketama, et leur fit cinq mille prisonniers. En 86, son amiral Abbas (ou Aiyach) -Ibn-Akhial surprit et pilla la ville de Syracuse.

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Cette invasion eut lieu l'an 92 de l'hégire (740-744 de J. C.) sous la conduite de Tarec-Ibn-Zîad, client de Mouça-Ibn-Noceir. Dans la chronique intitulée El-Kamel (le complet), Ibn-elAthîr a donné quelques détails sur les événements qui se sont passés en Espagne et sur l'ancienne histoire de ce pays; nous reproduirons ici les renseignements qu'il a fournis, attendu que cette conquête fut un des plus brillants triomphes des armes musulmanes. Après quelques notions préliminaires sur l'ancienne histoire de l'Espagne, il donne une nomenclature des souverains, les uns idolâtres, les autres chrétiens, qui régnèrent sur cette contrée. Voici ce qu'il dit de la famille de Witiza. Ce prince commença à régner en l'an 77 ou 78 de l'hégire (696-698 de J. C.). Il laissa, en mourant, deux fils; mais le peuple, ne voulant pas vivre sous leur autorité, se donna pour souverain un nommé Roderic, qui s'était distingué par sa bravoure, mais qui n'appartenait pas à la maison royale. Les princes d'Espagne avaient coutume d'envoyer leurs enfants des deux sexes à Tolède, où ils entraient au service du roi, qui ne prenait pas d'autres serviteurs. Quand ils avaient reçu une éducation convenable et atteint l'âge de puberté, le roi les mariait entr'eux et se chargeait du trousseau. A l'avènement de Rodéric, Yulîan (Julien), seigneur d'ElDjezîra-t-el-Khadrâ 2, Ceuta et autres lieux, plaça sa fille à la cour, et le roi, frappé de sa beauté, lui fit violence. Elle écrivit à son père pour l'en informer, et celui-ci, pénétré d'indignation, adressa à Mouça-Ibn-Noceir3, une lettre dans laquelle il se dé

1 Je supprime ici la matière d'environ une page d'impression, ne voulant pas reproduire un amas de fables et d'erreurs qu'Ibn-el-Athir nous donne comme une esquisse de l'ancienne histoire de l'Espagne. 2 El-Djezira-t-el-Khadrâ (l'île verte), maintenant Algeciras.

3 Selon Ibn-Abd-el-Hakem, qui rapporte le même fait, Julien s'adressa à Tarec, qui se trouvait alors à Tanger avec un corps de dix-sept cents hommes. M. de Gayangos, daus sa traduction anglaise des Dynasties musulmanes de l'Espagne, par El-Maccari, a réuni et discuté, dans une savante note, tous les renseignemeuts que les auteurs arabes et chrétiens nous fournissent au sujet du comte Julien (en arabe Ilian

clara prêt à reconnaître son autorité, et l'invita à venir le trouver. L'ayant alors introduit dans les villes dont il était le maître, et ayant pris l'engagement pour lui et les siens d'obéir aux volontés du chef musulman, il lui dépeignit l'état de l'Espagne, et le pressa de s'y rendre. Mouça en écrivit [au khalife] El-Ouélid, pour obtenir de lui l'autorisation nécessaire. Ceci se passa vers la fin de l'an 90 (octobre 709 de J.-C.). Le khalife donna son consentement à cette entreprise avec d'autant plus de facilité, qu'il n'y avait qu'une mer étroite à traverser. Mouça fit partir alors un de ses clients nommé Tarîf1, accompagné de quatre cents fantassins et de cent cavaliers. Quatre navires les transportèrent dans l'île, nommée depuis, l'ile de Tarif 3. De là, Tarîf fit une incursion vers Algésiras, et revint sain et sauf avec un riche butin. Ce fait eut lieu au mois de Ramadan, de l'an 91 (juillet 740 de J.-C.)3. Témoins de la suite heureuse de

ou Yulian). On ne peut plus révoquer en doute l'existence de ce chef trop célèbre. Dans la partie nécrologique des Annales d'Ed-Dehebi, an 326, on trouve l'article suivant que M. de Gayangos n'a pas connu et qui nous aidera à deviner le sort de Julien et de ses descendants: « Abou-Soleiman-Aïoub, fils d'El-Hakem, fils d'Abd-Allah, fils de Melka-Bitro (Pedro) fils d'Ilian, était d'origine gothe. Il étudia sous Baki-lbn-Mokhelled et profita beaucoup des leçons de ce maître. Etant allé en Irac, il cultiva la science des traditions sous le cadi Ismail-IbnIshac. Comme jurisconsulte, il suivit son propre jugement, sans adopter aveuglément les opinions des anciens légistes. Il forma plusieurs élèves. La noblesse de sa naissance égalait son savoir, car il eut pour aïeul cet Ilian qui fit entrer l'islamisme en Espagne. Il mourut en l'an 326 (937-8). » L'inspection des noms qui composent cette généalogie nous fait savoir que Julien et son fils Pedro étaient restés chrétiens et qu'un de ses petits-fils se convertit à l'islamisme et prit le nom d'Abd-Allah. On voit aussi que la famille de Julien avait continué, pendant deux siècles, à jouir d'une très-haute considération parmi les musulmans. 1 Ibn-Abd-el-Hakem ne fait aucune mention de ce Tarîf; mais il connaît deux Tarec: l'un, fils d'Amr, et, l'autre fils d'Abbad.

2 En arabe, Djezîra-Tarif, maintenant Tarifa.

3 Ce fut en l'an 27, pendant le khalifat d'Othman, que les Arabes firent leur première descente en Espagne, sous la conduite d'Abd-AllahIbn-Nafé et d'Abd-Allah-Ibn-Hosein. La descente de Tarîf eut lieu en 94, et fut suivie, la même année, par celle de Tarec. Mouça s'y rendit l'année suivante. (Baian).

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