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GOUVERNEMENT D'OCBA-IBN-NAFÉ-el-fihri, et troISIÈME
EXPÉDITION EN IFRIKÏA.

L'historien dit : en l'an 50 (670) Moaouïa-Ibn-Abi-Sofyan envoya en Afrique Ocba-Ibn-Nafè de la tribu de Fihr [Coreich], lequel était resté à Barca et à Zouîla pendant qu'Amr-Ibn-el-Áci gouvernait l'Egypte. Ocba rassembla les Berbères néophytes, et les incorpora dans l'armée que Moaouïa venait de lui envoyer et qui se composait de dix mille cavaliers musulmans. Il marcha aussitôt contre l'Ifrîkïa, et, y ayant pénétré, il passa au fil de l'épée tous les chrétiens qui y restaient. Il dit alors [à ses troupes]: «Quand un imam 3 entre en Ifrîkïa, les habitants de ce pays se mettent à l'abri du danger en faisant la profession de l'islamisme, mais aussitôt que l'imam se retire, ces gens-là retombent dans l'infidélité. Je suis donc d'avis, o musulmans !' de fonder une ville qui puisse servir de camp et d'appui à l'islamisme jusqu'à la fin des temps: » Ce conseil fut adopté.

& IV. FONDATION DE LA VILLE DE CAIROUAN.

Les historiens disent qu'Ocba ayant fait comprendre aux musulmans la nécessité de fonder une ville, les mena à l'emplacement où Cairouan devait s'élever et qui était alors couvert d'un bois

↑ Amr-Ibn-el-Aci gouverna l'Égypte depuis l'an 20 jusqu'à l'an 25, et depuis l'an 38 jusqu'à l'an 43. Or, Ibn-Khaldoun dit, dans l'histoire des émirs arabes qu'en l'an 45, Moaouïa ôta le gouvernement de l'Afrique à Moaouïa-Ibn-Hodeidj pour le confier à Ocba-Ibn-Nafé. Cette date me paraît inadmissible.

Ici l'auteur exagère à la manière arabe; nous savons qu'Ocba mourut en combattant les Berbères et chrétiens qui s'étaient réunis pour l'attaquer.

3 C'est-à-dire une personne revêtue de l'autorité spirituelle et temporelle; tels étaient les généraux de ce temps-là, quand ils agissaient comme représentants du khalife.

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fourré et impénétrable 1. « Voici, dit-il, notre affaire.» « Comment! lui répondirent ses compagnons, tu nous ordonnes de bâtir dans un marécage boisé où personne ne saurait passer, et où nous aurons à craindre les animaux féroces, les serpents et les autres reptiles de la terre! » Ocba, dont les vœux furent toujours exaucés, invoqua le Dieu tout-puissant, et ses compagnons se joignirent à la prière en disant Amen. Rassemblant alors autour de lui les dix-huit compagnons du Prophète qui se trouvaient dans l'armée, il cria à haute voix: «Serpents et bêtes féroces! nous sommes les compagnons du Prophète béni; ainsi, retirez vous, car nous allons nous établir ici, et nous tuerons quiconque de vous s'y trouvera après cet avertissement. » Alors on vit les animaux féroces et les serpents emporter leurs petits, et à ce spectacle, beaucoup de Berbères se convertirent à l'islamisme". Ocba ordonna par proclamation, de les laisser passer sans leur faire du mal, et quand ils furent partis, il marcha, accompagné de ses principaux officiers, autour du lieu qu'il avait choisi, en adressant cette prière à Dieu » O mon Dieu! remplis cette ville de science et de la connaissance de ta loi. Fais qu'elle soit habitée par des hommes pieux et dévoués à ton service, et protège-nous contre les puissants de la terre. » Il descendit alors, en suivant le cours du ruisseau, et ordonna à ses hommes de tracer les fondations de la ville et d'arracher les broussailles. Notre historien ajoute que pendant quarante ans, à partir de cette époque, on ne vit ni serpent ni scorpion en Ifrîkïa.

L'historien dit plus loin: Il traça les fondations de l'hôtel du

1 D'après le conseil des musulmans, Ocba choisit pour l'emplacement de sa ville une localité éloignée de la mer et voisine d'une sibkha ou marais salé. « De cette manière, lui dirent-ils, nous n'aurons pas à craindre une descente de la part des Grecs et nos chameaux auront un lieu de pâturage où les Berbères et les chrétiens n'oseront pas venir les enlever ». La construction de Cairouan fut commencée en l'an 50 (670).

(Baian).

Les miracles opérés par Ocba ont encore du retentissement en Afrique. Pour cette raison, nous nous sommes décidé à conserver cette légende. On peut voir à la page 311 les traditions à ce sujet recueillies par Ibn-Abd-el-Hakem.

gouvernement et de la grande mosquée. La construction de celleci n'était pas encore commencée quand il y fit célébrer la prière. A cette occasion un certain mouvement se manifesta parmi le peuple au sujet de la kibla ; ils disaient que les habitants du Maghreb devant se régler d'après la kibla de cette mosquée quand ils en construiraient d'autres, le général aurait à employer tout son talent afin d'en déterminer la vraie position. On laissa donc écouler un temps considérable pour observer le lever des astres en hiver et en été et pour prendre les azymuths du soleil à son lever. Ce délai causa à Ocba de graves soucis; mais s'étant adressé au Dieu tout-puissant, il vit pendant son sommeil, une figure qui vint à lui et prononça ces paroles : « Favori du maître de l'univers! quand le jour se lèvera, prends ton étendard et mets-le sur ton épaule; tu entendras alors devant toi des cris d'Allah akber (Dieu est grand!), et nul autre ne les entendra; à l'endroit où ces cris cesseront, là tu placeras la kibla et le mihrab de ta mosquée. Dieu toutpuissant a agréé cette ville et cette mosquée; par elle, il exaltera sa religion et humiliera les infidèles jusqu'à la fin des siècles.» Ocba se reveilla plein d'effroi, et après avoir fait une ablution, il se mit, avec les nobles d'entre les musulmans, à prier dans la mosquée projetée. Le jour commençait à poindre, et il faisait encore des prosternements, quand le cri d'Allah akber! retentit à ses oreilles. Ayant demandé aux personnes qui l'entouraient si elles entendaient quelque chose, elles répondirent que non. « C'est donc l'ordre du Dieu tout-puissant!>> s'écria-t-il. Prenant alors l'étendard sur son épaule, il suivit la

1 Kibla veut dire le côté de l'horizon qui est dans la direction de la Mecque. Il faut connaître la kibla pour orienter une mosquée et pour savoir de quel côté se tourner pour faire la prière.

2 Il aurait fallu de plus déterminer la latitude et la longitude de l'endroit, opération qu'assurément les Arabes de cette époque étaient incapables de faire. On va voir de quelle manière Ocba se tira de la difficulté.

3 Le mihrab est une niche pratiquée dans le mur de la mosquée et dans l'intérieur de l'édifice; il sert à marquer la direction de la kibla.

la voix qui continua à se faire entendre, et arrivé au lieu où le mihrab devait être placé, le ori cessa. Fichant alors son étandard dans la terre, il leur dit : « Voici notre mihrab. » Dès lors, l'on se mit à bâtir des maisons, des lieux d'habitation,, et d'autres mosquées, et la ville se remplit d'habitants. Sa circonférence était de trois mille six-cents toises, et les travaux furent achevés en lan 55 (675). Le peuple s'y établit alors, et elle devint une place d'importance. Il existait sur le lieu ou Cairouan fut bâti, un petit château fondé par les Grecs et appelé Camounia".

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Qeba continua à administrer avec habileté la province d'Afrique jusqu'à ce que [le khalife] Moaouïa nomma Masléma-Ibn-Mokhalled-el-Ansari (natif de Médine) gouverneur de ce pays ainsi que de l'Egypte dont il retira le gouvernement des mains d'IbnHodeidj

§ V. ➡ GOUVERNEMENT' de' MASLÉMA-IDN-MOKHALLED.

A son arrivée en Egypte, dit l'historien, Masléma fit choix d'un de ses affranchis nommé Dinar et surnommé Abou l'Mohadjer, pour être son lieutenant en Ifrikïa. Ceci eut lieu en l'an 55 (675 de J.-C). Le nouveau gouverneur se rendit à sa destination; mais ayant de la répugnance à habiter la ville fondée par Ocba, il s'arrêta à deux milles de là, 2 et traça les fondations d'une autre ville afin de perpétuer le souvenir de son nom et de rendre inutile l'ouvrage de son prédécesseur. Cette nouvelle ville fut nommée par les Berbères Kirouan 3. Quand la construction en fut commencée, il ordonna d'abattre la ville d'Ocba. Celui-ci en fut tellement courroucé, qu'il se rendit auprès du khalife Moaouïa et lui adressa ces paroles : « C'est moi qui ai envahi et subjugué cette province; j'y ai fondé des mosquées, bâti des maisons et établi

↑ Ou Counia, selon Ibn-Abd-el-Hakem:- (Voyez ci-devant, p. 307.) 2 Sur la route de Tunis, dit lbn-er-Rakîk, dans un passage cité par Ibn-el-Abbar. (Voyez le Holla, ms. de la Société Asiatique, fol. 438, verso.) Selon Ibn-Abd-el-Hakem, Abou-'I-Mohadjer fut le premier général musulman qui resta en Ifrîkïa à la suite d'une expédition; les autres s'en retournèrent au Vieux-Caire aussitôt qu'ils eurent terminé les campagnes qu'ils avaient entreprises.

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3 Variante: Tekirouan (?). Le mot est sans points dans le manuscrit.

notre peuple dans des demeures fixes.;, et tu viens d'y envoyer un esclave des Ansars 1 qui m'a déposé en m'insultant! » Moaouïa lui fit des excuses et promit de le retablir dans son gouvernement, mais l'affaire traîna en longueur jusqu'à la mort de ce khalife. Yezîd, fils de Moaouïa, étant monté sur le trône, apprit avec indignation le traitement qu'Ocba avait éprouvé, et, le nomma gouverneur de l'Ifrîkïa. Il lui donna en même temps, l'ordre de partir pour Cairouan sur le champ, afin d'empêcher la destruction totale de cette ville.

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§. VI.

OCBA GOUVERNEUR POUR LA SECONDE FOIS.

L'historien dit : Ocba ayant été nommé gouverneur en l'an 62 (681-682 de J.-C.), quitta la Syrie, et en passant par le VieuxCaire il rencontra Masléma-Ibn-Mokhalled, qui était monté à cheval pour aller le recevoir. Masléma lui offrit ses salutations et tâcha de se disculper de toute participation aux actes d'Abou-'l-Mohadjer: « je déclare devant Dieu, s'écria-t-il,, que cet homme à enfreint mes ordres !» Ocba accueillit ses excuses, et, partit en toute hâte pour l'Ifrîkïa. A son arrivée, il fit jeter Abou-l-Mohadjer dans les fers, ordonna la destruction de la ville que celui-ci avait fondée, et en ramena les habitants à Cairouan. S'étant alors décidé à faire une expédition militaire, il laissa. dans la ville une partie des milices sous les ordres de Zoheir-Ibn-Caïs, et ayant appelé ses fils, il leur dit : « J'ai vendu mon âme à Dieu et j'ai fait un excellent marché : je dois combattre les infidèles jusqu'à ce que je comparaisse devant lui. Je ne sais si je vous reverrai jamais, car mon souhait est de mourir dans la voie de Dieu. Tenez donc ferme à l'islamisme. O mon Dieu.! accueille mon âme avec bonté! » Il partit alors à la tête d'une armée nombreuse, et arriva sur le haut de la colline qui domine la ville de Baghaïa. Dans un combat opiniâtre qu'il livra aux habitants, il leur enleva une quantité de chevaux les plus forts que les musulmans eussent jamais vus dans leurs expéditions. Comme les Roum s'étaient re

Maslema, le patron d'Abou-'l-Mohadjer,, était un de ces Médinois qui avaient aidé Mahomet et qui reçurent pour cette raison le titre d'Ansars (aides).

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