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que celle que tu m'as destinée; je n'en demande pas d'autre. » Ibn-Sâd lui fit alors cadeau de la fille du prince. On dit qu'elle devint la concubine d'Ibn-ez-Zobeir. Les musulmans prirent ensuite position contre la ville de Sbaitla et, après un blocus rigoureux, Dieu les en rendit maîtres. Ils y firent beaucoup de prisonniers et s'emparèrent de leurs richesses dont la majeure partie consistait en or et en argent. Ibn-Sâd réunit le butin en masse et en fit le partage après avoir prélevé le quint. La portion de chaque cavalier fut de trois mille dinars, et celle de chaque fantassin de mille. Ibn-Såd envoya alors des détachements de la ville de Sbaitla pour battre la campagne. Ces cavaliers s'avancèrent jusqu'aux bourgades de Cafsa où ils firent des captifs et du butin. De là ils poussèrent jusqu'à Mermadjenna.

<< Cette défaite abattit le courage du reste des Roum et les frappa de terreur : les uns se réfugièrent dans leurs châteaux et forteresses, mais la grande majorité se réunit dans la plaine d'El-Edjem, autour d'un château qui était un des plus forts de la province d'Ifrîkïa. De là, ils écrivirent à Ibn-Sâd, lui offrant trois cents kintars (talents) 3 d'or, à condition qu'il ferait cesser les hostilités et évacuer le pays. Après avoir fait quelques difficultés, il accéda à cette proposition. >>

Suivant un autre récit, il leur accorda la paix moyennant une somme de deux millions cinq cent mille qu'on lui compta, et une des conditions du traité était que les musulmans garderaient tout [le butin] qu'ils avaient fait pendant la guerre, mais qu'ils rendraient ce qu'ils avaient enlevé depuis le commencement des pourparlers.

<< Ibn-Sâd appela alors Ibn-ez-Zobeir et lui dit : « Personne ne mérite mieux que toi de porter [au khalife] cette bonne nouvelle;

1 Ibn-ez Zobeir n'a rien dit de cela. (Voyez, du reste, la tradition rapportée par Ibn-Abd-el-Hakem; ci-devant, page 306.)

2 Voyez ci-devant, page 305.

3 Voyez, ci-devant, page 210, note 2.

+ Il faut supposer qu'il s'agit ici de pièces d'argent. Dans la note 2, page 240, la contribution payée par les Grecs est estimée à plus de trois millions de francs.

pars donc et annonce à Othman et aux musulmans la faveur que Dieu tout-puissant leur a accordée.» Ibn-ez-Zobeir se mit aussitôt en route et fit tant de diligence qu'en l'espace de vingt jours, il se rendit de Sbaitla à Médine. - Quelques personnes disent qu'il y arriva le vingt-quatrième jour.- Une telle promptitude n'a rien d'étonnant de la part d'un homme tel que lui. A son arrivée, il monta en chaire, d'après les ordres d'Othman, et fit part au peuple de la victoire que Dieu leur avait donnée. Son père, Ez-Zobeir, ayant appris ce qui se passait, vint à la mosquée pour en faire des reproches à Othman : « Comment! s'écria-t-il, Abd-Allah, le fils d'Ez-Zobeir, a-t-il l'audace de monter à un endroit où le prophète de Dieu a posé le pied! Plût à Dieu que je fusse mort avant d'avoir appris une telle chose ! >> D'autres racontent qu'Ibn-ez-Zobeir ne monta pas dans la chaire, mais qu'il se plaça devant elle pour s'adresser au peuple, et qu'Othman lui-même y était assis.»>

Le même narrateur dit : La prouesse d'Abd-Allah-Ibn-ezZobeir en Ifrikïa fut pareille à celle de Khaled-Ibn-el-Ouélîd en Syrie, et d'Amer-Ibn-el-Aci, en Égypte. Plus loin, il ajoute : Abd-Allah-Ibn-Såd rentra en Egypte après Ibn-Zobeir; l'armée resta quinze mois en Ifrikïa et elle n'y perdit que quelques hommes. Ibn-Sâd, en partant de Sbaitla, laissa un nommé Djenaha comme gouverneur, à la place de Djoreidjîr.

Ensuite eurent lieu l'assassinat d'Othman et les contestations entre Ali et Moaouïa. Quand l'autorité de ce dernier fut solidement établie, il confia le gouvernement de l'Ifrîkïa à MoaouïaIbn-Hodeidj3.

1 L'auteur du Baïan ajoute qu'Ibn-ez-Zobeir avait passé quatorze mois en Ifrîkïa.

? Dans le Baïan ce nom est écrit Habahia.

3 Abou-'l-Mahacen nous apprend dans son Nodjoum, qu'en l'an 43, Ocba-Ibn-Nafê fit plusieurs expéditions dans le pays des Noirs, à Oueddan et à Barca. En 46, Roweife-Ibn-Thabet se rendit à Tripoli, pénétra en Ifrîkïa et revint au lieu d'où il était parti.

§ II.

GOUVERNEMENT DE MOAOUÏA-IBN-HODEIDJ-EL-KINDI,

ET SECONDE INVASION DE L'IFRÎKÏA.

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Moaouïa-Ibn-Hodeidj de la tribu de Kinda fut chargé du gouvernement de l'Ifrîkïa en l'an 452 de l'hégire (665-6). La manière de sa nomination est ainsi racontée : Héraclius, seigneur de Constantinople, se faisait payer chaque année un tribut fixe par tous les princes de la terre et de la mer. En apprenant à quelles conditions Abd-Allah-Ibn-Abi-Sarh avait accordé la paix aux habitants de l'Ifrîkïa, il y envoya un patrice nommé Aulìma 3 pour exiger d'eux trois cents talents d'or, somme égale à celle qu'ils avaient donnée au général arabe. Le patrice débarqua à Carthage et leur fit part de l'ordre de son souverain, mais ils refusèrent d'y satisfaire, disant que ce qu'Ibn-Abi-Sarh leur avait pris était pour le rachat de leurs vies, et que le prince, leur seigneur, n'aurait que le tribut qu'ils avaient l'habitude de lui payer chaque année. Djenaha, qui gouvernait l'Ifrîkïa à la place de Djoredjîr, chassa alors le patrice, et, plus tard, les habitants du pays se rassemblèrent et prirent pour chef un nommé Elatilion [ou Elatérion, Eleuthèrion]. Quant à Djenaha, il passa en Syrie, et alla trouver [le khalife] Moaouïa-Ibn-Abi-Sofyan, à qui il exposa la situation de l'Ifrîkïa. Lui ayant demandé, en même temps, à y être renvoyé à la tête d'une armée arabe, il obtint un corps de troupes assez nombreux et partit pour Alexandrie avec Moaouïa-Ibn-Hodeidj. Arrivé en cette ville, il mourut, et ce fut Moaouïa-Ibn-Hodeidj qui conduisit l'armée en Ifrikïa. Ainsi la guerre, qui s'annonçait depuis quelque temps, éclata de nouveau. Dans cette armée, se trouvèrent Abd-elMélek, fils de Merouan; Yahya, fils d'El-Hakem; Coreib, fils

1 Les manuscrits portent Khodeidj, mais l'orthographe de ce nom telle qu'Abou-'l-Mahacen l'a fixée, nous a parue préférable.

2 Ibn-Khaldonn place cette nomination en l'an 34.

3 Variante: Quelima.

Moaouïa fut reconnu pour khalife en l'an 41 (661); la date 34, donnée par Ibn-Khaldoun est donc fausse.

d'Ibrahim-Ibn-es-Sabbah, et Khaled, fils de Thabet de la tribu de Coreich. L'on rapporte aussi qu'Abd-Allah, fils du khalife Omar-Ibn-el-Khattab, s'y trouva avec Abd-Allah-Ibn-ez-Zobeir et les personnages les plus éminents des milices de la Syrie et de l'Egypte.

Les habitants de l'Ifrîkïa croyaient toujours que Djenaha était à la tête de l'expédition. Quand Ibn-Hodeidj vint camper au pied d'une colline située à dix parasanges à l'occident de Camounîa*, il y essuya un tel temps de pluie qu'il s'écria : « Notre montagne est bien arrosée (Mamtour). Ce nom est resté à la montagne jusqu'à ce jour. Il dit ensuite : « Marchons à ce pic de montagne (carn), » et, depuis lors, ce lieu fut appelé El-Carn.

Alors un patrice nommé Nicéphore, sous les ordres duquel le roi des Grecs avait placé une armée de trente mille combattants, vint débarquer à Sentirta3. Un détachement de cavalerie qu'IbnHodeidj envoya à la rencontre de ces troupes, les mit en déroute et les obligea à reprendre la mer. Ibn-Hodeidj dirigea alors ses attaques contre Djeloula et alla combattre les habitants jusqu'aux portes de la ville. Chaque matin, il leur livrait bataille; mais, aussitôt après midi, il rentrait dans son camp à El-Carn. Un certain jour, après les avoir combattus, il venait de reprendre chemin du camp, quand Abd-el-Mélek, fils de Merouan, revint sur ses pas pour chercher son arc qu'il avait laissé suspendu à un arbre; s'apercevant alors qu'un côté de la ville venait de s'écrouler, il rappela ses compagnons, et, à la suite d'une lutte qui coûta la vie à beaucoup de monde, il prit Djeloula d'assaut. On s'empara de tout ce que la place renfermait, après en avoir tué la garnison et réduit les habitants en esclavage. Selon un autre récit, Ibn-Hodeidj s'était tenu à El-Carn, et avait envoyé Abd-el

Voyez ci-devant, page 221, note 1.

* Ceci est l'endroit qu'Ibn-Abd-el-Hakem appelle Counia. (Voyez oidevant page 307.)

3 Variante: Santbertha. Cette localité est inconnue.

Selon l'auteur du Baïan, Nicéphore mit à la voile sans avoir engagé le combat.

Mélek à la tête de mille cavaliers pour assiéger Djeloula. Après avoir passé quelques jours dans des tentatives inutiles, ils battirent en retraite, mais à peine s'étaient-ils éloignés, qu'ils virent des tourbillons de poussière s'élever derrière eux. Pensant que c'était l'ennemi qui sortait à leur poursuite, ils firent, volte-face pour le recevoir, et, alors, ils s'aperçurent que tout un côté de la muraille de la ville venait de s'écrouler. Aussitôt ils livrèrent l'assaut, et ayant emporté la place, ils tuèrent, pillèrent et firent des esclaves. Abd-el-Mélek, revint auprès de Moaouïa [-Ibn-Hodeidj] qui l'attendait dans son camp à El-Carn, et lui remit le butin. Une dispute s'éleva alors au sujet, du partage : Abd-el-Mélek réclamait le tout pour ses compagnons, et Ibn-Hodeidj voulait en faire la distribution à tous les musulmans de l'armée. A la fin, on écrivit au khalife Moaquïa-Ibn-Abi-Sofyan, et celui-ci répondit. qu'il fallait rappeler les corps détachés et faire le partage du butin entre tout le monde. Dans la distribution qui, eut lieu, chaque cavalier reçut trois-cents dinars.

El-Beladori dit que Moaouja-Ibn-Hodeidj fut le premier qui envoya des troupes contre la Sicile. Le chef de cette expédition. se nommait Abd-Allah-Ibn-Caïs 3.

[ Ibn-er-Rakîk, dont nous, continuerons à citer l'histoire, ] ajoute: Moaouïa-Ibn-Hodeidj rentra alors en Egypte, et reçut, d'Ibn-Abi-Sofyan le gouvernement de ce pays, en échange de celui de l'Ifrîkïa. Ce dernier pays devint ainsi un gouvernement séparé, ne dépendant, plus de celui de l'Egypte, mais relevant, directement du khalife.

⚫ D'après la loi islamique tous les soldats faisant partie d'une armée ont un droit égal au butin.

El-Beladori, l'auteur du Livre des conquêtes faites par les Musulmans, mourut en l'an 279 (892-3). M. Hamaker a donné une notice sur cet écrivain dans sou Specimen Catal. Bibl. Lugd. Bat. p. 7.

* On lit dans le Baian que la flotte envoyée contre la Sicile se composa de deux cents navires. Les musulmans restèrent un mois dans cette île, et, en rapportèrent des prisonniers et des images ornées de pierres précieuses. Cette expédition eut lieu l'an 46 (666-7).

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