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allons nous fixer ici. » Après qu'il eut fait cette proclamation trois fois, les serpents, scorpions et d'autres bêtes de différentes espèces inconnues, commencèrent à s'en éloigner sous les yeux des spectateurs qui se tenaient là depuis le matin jusqu'au moment où l'ardeur du soleil commençait à les incommoder. Alors, n'en voyant plus aucune, ils s'établirent dans la vallée. Pendant les quarante années suivantes, on n'aurait pu trouver ni serpent, ni scorpion en Ifrikïa, quand même on aurait offert mille dinars pour s'en procurer un seul 1.

Il est fâcheux pour la réputation du fameux traditionniste El-LeithIbn-Såd que l'histoire des serpents de Cairouan et celle des centaines de millions emportées par les Arabes lors de la première invasion, soient venues de lui.

FIN DE L'EXTRAIT.

II.

CONQUÊTE DE L'AFRIQUE SEPTENTRIONALE PAR LES MUSULMANS ET HISTOIRE DE CE PAYS SOUS LES ÉMIRS ARABES.

AVANT-PROPOS.

Les chapitres suivants sont tirés du grand ouvrage encyclopédique d'En-Noweiri, auteur égyptien qui écrivit dans le quatorzième siècle de notre ère. Comme le récit de cet historien est beaucoup plus détaillé que celui dans lequel Ibn-Khaldoun nous offre une esquisse des mêmes événements et qui a été publiée par M. Noël Des Vergers, sous le titre d'Histoire de l'Afrique sous la dynastie des Aghlabites etc., Paris, 1841, je me suis décidé à le reproduire ici en forme d'appendice à l'Histoire des Berbères. En-Noweri a eu d'excellents matériaux à sa disposition (voyez Lettre à M. Hase dans le Journal Asiatique de septembre 1844), et il en a formé une narration suivie dont on ne saurait méconnaître le mérite, malgré certains défauts et erreurs qu'un peu de réflexion l'aurait empêché de commettre. Dans le premier chapitre surtout, il a inséré un récit fait par un soi-disant témoin oculaire de la conquête et qui n'est en réalité qu'un roman, ainsi que je crois l'avoir démontré dans la lettre à M. Hase; par respect pour la vérité de l'histoire j'aurai dû le supprimer, mais, voyant qu'Ibn-Khaldoun avait admis comme vrais les faits qui s'y trouvent racontés, j'ai cru devoir le conserver. Cette traduction a été faite sur les manuscrits de la Bibliothèque nationale, nos 702, 702 A et 638. (Voyez le Journal asiatique de février 1841.)

Dans la Biographie universelle, tome xxxI, page 445, se trouve une notice d'En-Noweiri par M. de Sacy.

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§ I. CONQUÊTE DE L'IFRÎKÏA PAR LES MUSULMANS.

La première invasion de l'Ifrîkïa et du Maghreb par les musulmans eut lieu l'an 27 de l'hégire (647-8 de J.-C.). OthmanIbn-Affan venait d'être élevé au khalifat et avait nommé son frère de lait1, Abd-Allah-Ibn-Sâd-Ibn-Abi-'s-Sarh, au gouvernement de l'Egypte en remplacement d'Amr-Ibn-el-Aci qu'il avait destitué. Ibn-Såd mit aussitôt en campagne quelques détachements de cavalerie musulmane qui rapportèrent de l'Ifrîkïa un butin considérable et il en donna connaissance à Othman par une dépêche. Le khalife conçut alors le projet de faire envahir ce pays, et il consulta, à ce sujet, les anciens compagnons de Mahomet. Tous, à l'exception d'Abou-l'Aouar-Saîd-Ibn-Zeid, furent d'avis qu'il fallait y envoyer une armée, et quand Othman demanda à celui-ci le motif de sa désapprobation, il reçut cette réponse : « J'ai entendu Omar-Ibn-el-Khattab déclarer que tant que ses yeux porteraient des larmes, aucun musulman ne ferait une expédition contre ce pays; et je ne conseillerai jamais une démarche qui serait en opposition avec la volonté de ce khalife.»

Quand Abou-'l-Aouar se fut retiré, Othman fit venir ZeidIbn-Thabet et Mohammed-Ibn-Maslema [deux autres des compagnons de Mahomet] pour avoir leur avis, et comme ils lui conseillèrent d'y envoyer du monde, il appela le peuple à la guerre sainte. Dans les rangs de cette armée, qui porta le nom Djeichel-Abadela (troupe des Abd-Allah), l'on remarqua les personnages suivants : Abd-Allah-Ibn-Abbas, général des musulmans, et son frère, Obeid-Allah, membres de la famille Hachem; Abder-Rahman, fils du khalife Abou-Bekr-er-Siddik, Abd-erRahman, fils de Talha le Teimide, accompagnés, tous les deux, d'un certain nombre de leurs gens; Abd-Allah, fils du khalise Omar, à la tête d'un corps d'Adites; Abd-er-Rahman, fils de Zeid-Ibn-el-Khattab; Obeid-Allah, fils d'Omar; Acem, fils d'Amr;

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Othman fut allaité par la mère d'Abd-Allah-Ibn-Abi-'s-Sarh. (En-Nawawi.) La traduction s'écarte ici du texte arabe qui porte : son frère utérin.

Obeid-Allah, fils d'Abd-Allah-Ibn-ez-Zobeir, avec une troupe. de Beni-Aced; Abd-Allah, fils d'Amr-Ibn-el-Aci et El-Mottelib, fils d'Es-Saib-Ibn-Abi-Ouédâa, accompagnés d'une bande de Beni-Sehm. Merouan, fils d'El-Hakem, suivit l'armée avec son frère El-Hareth et plusieurs autres membres de la famille Oméïa. Une troupe de la tribu de Zehra s'y trouva aussi, et avec elle El-Misouar, fils de Makhrema-Ibn-Neufel et Abd-erRahman, fils d'El-Asoued-Ibn-Abd-Yagouth; de plus, une compagnie de la tribu d'Amer-Ibn-Lowaï-Ibn-Ghaleb, sous les ordres d'Es-Saïb, fils d'Amer-Ihn-Hicham, et de Bor, fils d'Arta; une troupe de la tribu de Hodeil commandée par AbouDîb-Khoweiled, fils de Khaled, membre de cette tribu. AbouDîb mourut en Ifrîkïa, et ce fut Abd-Allah, fils d'Ez-Zobeir, qui présida à son enterrement. De plus, Abd-Allah, fils d'Anès; Abou-d'-Dorr-el-Ghaffari; El-Micdad-Ibn-Amr [-Ibn-el-Asoued] de la tribu de Behra; Bilal, fils d'El-Hareth-el-Mozeni, El-Acem et Moaouïa, fils de Hodeidj; Fodala, fils d'Obeid; Roweife, fils de Thebet; Hamza, fils de Khoweiled; Abou-Zama, de la tribu de Belî; El-Moséïeb, fils de Hazn; Djébéla, fils d'Amr, de la tribu de Saéd; Zîad, fils d'El-Hareth, de la tribu de Sodà; Sofyan, fils de Ouehb; Caïs, fils de Bechar-Ibn-Mesléma; Zoheir, fils de Caïs; Abd-er-Rahman, fils de Sakhr; Amr, fils d'Auf, et Ocba, fils de Nafé, de la tribu de Fihr 1. On y comptait encore six cents hommes de la tribu de Djoheina, trois cents de la tribu d'Aslem, sous les ordres de Hamza-lbn-Amr-el-Aslemi et de Séléma, fils d'El-Akrâ; huit cents de la tribu de Mozeina; quatre cents de celle de Soleim; cinq cents fournis par les tribus d'Ed-Dîl, Somra et Ghaffar; sept cents par celles de Ghatafan, Achdjâ et Fezara, et quatre cents de la tribu de Kåb-Ibn-Amr ceux-ci furent les derniers qui vinrent se joindre à Othman, au camp d'El-Djorf, lieu situé à trois milles de Médine. Othman fournit à ses frais mille chameaux pour servir de monture aux musulmans pauvres ; il donna aussi des chevaux pour le même objet ; ensuite

:

La plupart des chefs nommés dans cette liste avaient servi sous Mahomet. Ils appartiennent tous à la haute noblesse arabe.

il distribua des armes aux soldats et leur accorda les gratifications d'usage. Ceci se passa dans le mois de moharrem de l'an 27 de l'hégire (octobre 647). Othman monta alors en chaire, et adressant la parole aux troupes, il les exhorta à combattre pour la cause de Dieu. Son discours se termina par ces paroles : « J'ai mis à votre tête Merouan, fils d'El-Hakem; il vous conduira auprès d'Abd-Allah-Ibn-Sâd qui doit alors prendre le commandement, et maintenant je vous recommande à la garde de Dieu! >>

L'armée, étant arrivée en Egypte, opéra sa jonction avec un corps considérable qu'Abd-Allah-Ibn-Sâd avait rassemblé ; aussi le nombre des combattants se trouva porté à vingt mille. IbnSâd romma alors Ocba, fils de Nafê, son lieutenant en Egypte, et partit lui-même avec les troupes de l'expédition.

Nous donnerons ici, d'après Ez-Zohri, le récit suivant que lui avait fait Rebiâ, fils d'Abbad, de la tribu d'Ed-Dîl 1. « A notre arrivée, Abd-Allah [-Ibn-Sâd] envoya en avant des éclaireurs et des corps avancés; moi-même, je marchais, autant que possible, avec les éclaireurs, et par Allah! nous voilà arrivés sous les murs de Tripoli, où nous reconnûmes que les Grecs s'étaient fortifiés. Abd-Allah y mit le siége; mais ensuite, ne voulant pas se laisser détourner du but qu'il avait en vue, il donna l'ordre de décamper. Pendant que nous faisions nos préparatifs, nous aperçûmes des vaisseaux qui venaient d'aborder la côte : aussitôt nous courûmes sus, et nous jetâmes à l'eau ceux qui s'y trouvaient. Ils firent quelque résistance, mais ensuite ils se rendirent, et nous leur liâmes les mains derrière le dos. Ils étaient au nombre de quatre cents. Abd-Allah vint alors nous joindre, et il leur fit trancher la tête. Nous prîmes ce qui était dans les vaisseaux, et cela fut notre premier butin. Abd-Allah marcha alors sur Cabes et y mit le siége, mais les anciens compagnons du Prophète lui conseillèrent d'y renoncer, pour ne pas être détourné de son projet contrè l'Ifrîkia. Il se remit donc en marche, et envoya partout

1 Ceci est le récit controuvé dont il est fait mention dans l'avantpropos.

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