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et la misère, ayant été réduits par leur faiblesse au rang de peuplade tributaire.

Les Adjîça [ou Adjdjîça], autre branche de la grande famille berbère de Bernès, remontent leur origine à Adjîça-Ibn-Bernès. Le mot adjica signifie ventre; la forme berbère en est Addis, mais les Arabes l'ont altérée en substituant le dj au d. Ce peuple se distingua parmi les autres Berbères par son nombre et sa puissance. Il demeurait dans le voisinage des Sanhadja, et encore aujourd'hui sa postérité se trouve aux environs de Tedellis et dans les montagnes qui dominent El-Mecîla.

Une peuplade appartenant à cette tribu habitait la montagne de Calâ [-Beni-Hammad]. Comme elle avait combattu pour AbouYezîd, ce chef chercha un asile chez eux après sa défaite par El-Mansour [le khalife fatemide], et se fortifia dans la CalàKiana un de leurs châteaux, mais il ne put empêcher son adversaire d'y pénétrer de vive force. Plus tard, Hammad, fils de Bologguîn, choisit dans leur territoire l'emplacement d'une ville où il fixa son séjour. Cette résidence, dont l'étendue et la population prirent de rapides accroissements, devint la capitale des états hammadites et porta une grave atteinte à la puissance des Adjîça, qui furent enfin épuisés et réduits au dernier degré de la faiblesse par les guerres fréquentes qu'ils eurent à soutenir contre les Hammadites. Ils avaient essayé à plusieurs reprises de surprendre la forteresse de leurs ennemis; ils avaient même suscité, parmi les descendants de Hammad, des rivaux aux souverains de cette dynastie; mais ils périrent enfin, moissonés par l'épée. Quelque temps après, la Calà des Beni-Hammad fut mis en ruine. Les territoires que les Adjica possédaient dans la montagne devinrent l'héritage des Eïad, peuple formé d'un mélange d'Arabes hilaliens, et la montagne elle-même prit le nom de Djebel-Eïad. Un grand nombre d'Adjîça vivent encore dispersés parmi les autres tribus du Maghreb.

1 Dans les manuscrits ce nom est très-souvent écrit Ketama, leçon tout-à-fait mauvaise.

sion favorable pour en faire avertir ses parents et leurs alliés berbères.

Arrivé aux environs de Tehouda, Ocba se vit attaquer à l'improviste par les Berbères qui le suivaient depuis quelque temps. Ses troupes mirent pied à terre, dégaînèrent leurs épées et en brisèrent les fourreaux [dont ils sentaient bien qu'ils n'auraient plus besoin]; un combat acharné s'ensuivit et Ocba y succomba avec tous les siens; pas un seul n'échappa à la mort 1. Ils étaient environ trois cents individus, les uns, anciens compagnons de Mahomet, les autres disciples de ceux-ci. Tous trouvèrent le martyre sur un même champ de carnage. Abou-'l-Mohadjer, qu'Ocba avait gardé aux arrêts jusqu'alors et qui ce jour-là déploya la plus grande bravoure, resta parmi les morts. Les tombeaux d'Ocba et de ses compagnons, ces généreux martyrs de la foi, se voient encore dans le Zab, au lieu même où ils perdirent la vie. Le corps d'Ocba repose dans une tombe enduite de plâtre, sur laquelle on a érigé une mosquée. Cet édifice s'appelle la Mosquée d'Ocba, et forme un but de pèlerinage, un lieu saint dont la visite est censée attirer la bénédiction divine 2. J'ose même dire que, de tous les cimetières du monde vers lesquels les hommes dévots dirigent leurs pas, celui-ci est le plus illustre par le nombre et la qualité des martyrs qu'il renferme. Personne depuis lors ne s'est jamais acquis même la moitié des mérites qui distinguèrent chaque individu de ces Compagnons et Tabés. Le petit nombre de prisonniers faits dans cette journée et parmi lesquels se trouvèrent deux compagnons de Mahomet, les nommés YezîdIbn-Khalef-el-Caïci et Mohammed-Ibn-Owaïs-el-Ansari, furent rachetés par Ibn-Mesad, seigneur de Cafsa. Quand la nouvelle de ce désastre parvint à Cairouan, Zoheir-Ibn-Caïs-el-Beloui quitta la ville précipitamment avec les débris de l'armée musul

1 Quelques-uns furent faits prisonniers; notre auteur le dit lui-même un peu plus loin.

2 Ce tombeau se voit encore dans la mosquée de l'oasis de Sidi-Ocba, à quatre lieues de Biskera. Il porte, en caractères coufiques, l'inscription suivante: Hada cabr Ocba-Ibn-Nafé (ceci est le tombeau d'Ocba fils de Nafé).

mane, et s'enfuit à Barca pour y attendre l'arrivée des renforts qu'il espérait obtenir du khalife. Tous les peuples du Maghreb, tant Francs que Berbères, se joignirent alors aux bandes Koceila et marchèrent sur Cairouan. A leur approche, les Arabes évacuèrent la ville pour se rendre auprès de Zoheir, mais ceux qui avaient des enfants ou des bagages se trouvèrent dans la nécessité d'y rester. Koceila leur accorda sa protection et fit son entrée à Cairouan où il continua, pendant cinq ans, à gouverner l'Ifrîkïa et les Arabes qui étaient restés dans le pays. Sur ces entrefaites eurent lieu la mort du khalife Yezîd-Ibn-Moaouïa, la bataille de Merdj-Rahet entre les Oméïades et Ed-Dahhak-IbnCaïs, et les troubles suscités par la famille d'Ez-Zobeir 2. L'autorité du khalifat en fut sensiblement ébranlée; aussi le feu de la guerre se propagea dans le Maghreb et l'apostasie fut générale parmi les Zenata et les tribus descendues de Bernès. L'avènement d'Abd-el-Mélek, fils de Merouan, mit un terme aux insurrections dont l'Orient avait été le théâtre, et Zoheir-Ibn-Caïs, qui était toujours à Barca, reçut enfin l'ordre d'attaquer les Berbères et de venger la mort d'Ocba.

En l'an 67 (686-7) il reçut des renforts du khalife et se mit en marche avec une armée de plusieurs milliers d'Arabes. Les Berbères, sous les ordres de Koceila, lui livrèrent bataille à Mems, dans la province de Cairouan. Des deux côtés l'on soutint le combat avec un égal acharnement, mais enfin la mort de Koceila et d'une foule de Berbères décida le reste des insurgés à prendre la fuite. Les Arabes les poursuivirent jusqu'à Mermadjenna et de

En l'an 64 de l'hégire (683), après la mort de Moaouïa-Ibn-Yezid, troisième khalife oméïade, les partisans de cette dynastie et les Arabes yémenites reconnurent pour khalife Merouan-lbn-el-Hakem, mais les Arabes caïcides et leur chef Ed-Dahhak-Ibn-Caïs proclamèrent le khalifat d'Abd-Allah-Ibn-ez-Zobeir. Les deux partis en vinrent aux mains à Merdj-Rahet, près de Damas, et, à la suite d'une bataille sanglante qui coûta la vie à Ed-Dahhak, les débris de l'armée caïcide prirent la fuite. Cette victoire rendit Merouan maitre de la Syrie.

M. Quatremère a publié dans le Journal asiatique une notice trèsremarquable sur Abd-Allah-Ibn-ez-Zobeir.

là au Molouïa, domptant partout l'audace des indigènes et les forçant à s'enferner dans leurs châteaux et leurs forteresses. Les Auréba, dont cette campagne avait brisé la puissance, allèrent tous se fixer dans le Maghreb-el-Acsa, et [pendant quelque temps] ils ne firent plus parler d'eux. Arrivés dans ce pays, ils occupèrent Oulili, ville qui s'élevait sur le flanc du Mont-Zerhoun, et ils continuèrent à y faire leur séjour. La montagne que nous venons de nommer est située entre Fez et Miknaça [Mequinez]. D'autres expéditions partirent successivement de Cairouan et réussirent enfin à soumettre tout le pays.

En l'an 445 (762-3), Mohammed, fils d'Abd-Allah, fils de Hacen, fils d'El-Hacen [petit-fils de Mahomet], perdit la vie à Médine après avoir pris les armes contre [le khalife abbacide] ElMansour; ensuite, en l'an 169 (785-6), sous le règne d'El-Hadi, un cousin du précédent, le nommé Hocein, fils d'Ali, fils de Hacen III, fils de Hacen II, fils d'El-Hacen, petit-fils de Mahomet, se révolta aussi et trouva la mort à Fakh, endroit situé à trois milles de la Mecque. Un grand nombre de ses parents périrent avec lui, mais son oncle Idris, fils d'Abd-Allah, parvint à gagner le Maghreb et à se mettre, en l'an 172 (788-9), sous la protection d'Abou-Leila-Ishac-lbn-Mohammed-Ibn-Abd-el-Hamid, commandant des Auréba et membre de cette tribu. Sur l'invitation de ce chef, les Zouagha, les Louata, les Sedrata, les Ghaïatha, les Nefza, les Miknaça, les Ghomara et les autres tribus du Maghreb prêtèrent le serment de fidélité au prince réfugié et prirent l'engagement de le soutenir. De cette manière Idris se trouva placé à la tête d'un empire. L'autorité souveraine demeura dans sa famille jusqu'à la chute de leur dynastie. Nous avons raconté ces derniers événements dans notre notice sur les dynasties fatemides 3.

1 La plupart des historiens arabes ne font aucune mention de Hacen III. Le mot renda ici par petit-fils est sibt, qui signifie, plus exactement, le petit-fils né de la fille. On désigne le petit-fils né du fils par le mot hafid.

3 L'histoire des Idrîcides forme un des appendices du second volume de cette traduction.

NOTICE DES KETAMA, TRIBU DESCENDUE DE BERNÈS QUI SUBJUGUA

LES AUTRES TRIBUS ET RENVERSA LA DYNASTIE AGHLEBIDE AU NOM DES FATEMIDES.

Les Ketama, brave et puissante tribu berbère, sont regardés par les généalogistes de cette nation comme les enfants de Ketam ou Ketm, fils de Bernès, mais nous trouvons dans les écrits d'Ibn-el-Kelbi et de Taberi que les généalogistes arabes les font descendre de Himyer. Selon ces derniers, Ifricos-Ibn-Saïfi, l'un des rois Tobbas, conquit l'Ifrikïa, pays auquel il imposa son nom et dont il tua le roi Djerdjîr; puis il donna aux Berbères le nom qu'ils portent jusqu'à ce jour. L'un de ces auteurs ajoute qu'Ifricos laissa parmi les Berbères deux branches de la tribu de Himyer; savoir, les Sanhadja et les Ketama, et qu'ils y subsis

tent encore.

La souche de Ketama étendit ses ramifications sur le Maghreb et poussa des rejetons dans plusieurs parties de ce pays; mais, après l'introduction de l'Islamisme, à la suite des bouleversements causés par l'apostasie des Berbères, cette tribu se trouva établie dans les campagnes fertiles qui s'étendent à l'occident de Constantine jusqu'à Bougie, et au midi de Constantine jusqu'au Mont-Auras. Ce fut dans ce territoire que les Ketama dressaient leurs campements passagers et faisaient paître leurs troupeaux; ils possédaient même toutes les villes importantes de cette région, puisqu'entre l'Auras et le rivage de la mer qui s'étend depuis Bougie jusqu'à Bône ils occupaient Ikdjan, Setif, Baghaïa, Nigaous, Belezma, Tiguist, Mila, Constantine, Skikda, El-Coll et Djîdjel.

Les nombreuses ramifications de cette tribu proviennent de deux aïeux: Gharcen et Issouda, lesquels étaient fils de KetmIbn-Bernès. Les enfants d'Issouda sont : les Felaça, les Denhadja, les Mettouça et les Ourîcen. Le Casr-Ketama, place forte du Maghreb, porte encore aujourd'hui le nom de Casr-Denhadja (cháteau des Denhadja).

4 Selon quelques philologues arabes, ce nom doit se prononcer Ko

tama.

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