pleine déroute. Youçof-Ibn-Tachefin leva aussitôt le siége du château de Fazaz, et alla emporter d'assaut la ville de Fez après avoir dispersé les troupes zenato-miknaciennes qu'El-CacemIbn-Mohammed avait voulu lui opposer. Passant ensuite dans le pays des Miknaça, il s'empara de la forteresse de Teçoul et tua El-Cacem. Parmi les ouvrages que nous possédons sur l'histoire du Maghreb, il y en a qui placent la mort d'Ibrahim, fils de Mouça-IbnAbi-l'Afia, en l'an 405 (1044-5). Ibrahîm eut pour successeur un fils nommé Abd-Allah ou Abd-er-Rahman. Celui-ci mourut en 430 (1038-9), laissant l'autorité à son fils Mohammed. ElCacem, fils de Mohammed, succéda au pouvoir après la mort de son père et perdit la vie à Teçoul en l'an 463 (1070-4), quand cette forteresse succomba aux assauts des Almoravides. La chute de la dynastie maghraouienne entraîna celle des Miknaça. Encore de nos jours on trouve dans les montagnes de Tèza quelques fractions de la grande tribu des Miknaça. Elles ont continué à rester dans leur ancien territoire, bien que les différentes dynasties qui se sont succédées en Maghreb leur aient fait une guerre acharnée, et que plusieurs autres peuples soient venus se fixer dans leur voisinage. Ils sont renommés pour l'importance des impôts [dont ils ont reçu la concession] et pour la fierté de leur caractère. Les grands services qu'ils ont rendus au gouvernement dans ses expéditions militaires leur ont même acquis la faveur toute particulière de la dynastie régnante. Leurs cavaliers se comptent par centaines. Quelques débris de la tribu de Miknaça se trouvent dispersés dans l'Ifrîkïa et le Maghreb central, mais ils se sont mêlés avec les diverses peuplades qui habitent ces provinces. Ayant terminé la notice des tribus issues d'Ourstif, nous passerons aux Berbères-Beranès, peuples dont nous avons à traiter l'histoire. HISTOIRE DES BERBÈRES-BERANÈS [DESCENDUS DE BERNÈS). Nous commencerons cette section de notre ouvrage par un 4 Pour Beranès l'auteur a mis, par mégarde, Zenata. chapitre sur les Hoouara et par l'indication des branches dans lesquelles ce peuple se partagea. Nous y ajouterons une esquisse de leur histoire jusqu'à l'époque de leur dispersion dans les provinces de l'Ifrîkïa et du Maghreb. Les généalogistes arabes et berbères s'accordent à regarder la tribu de Hoouara comme issue de Hoouar, fils d'Aurìgh, fils de Bernès. Nous devons toutefois faire observer que parmi eux il y en a qui prétendent rattacher les Hoouara aux Arabes du Yémen, en les faisant descendre tantôt d'Amela, rejeton de Codâa, et tantôt d'El-Misoner, fils d'Es-Sekacek, fils de Ouathel, fils de Himyer. Veulent-ils exposer cette filiation avec plus de précision, ils disent qu'El-Misouer était fils d'Es-Sekacek, fils d'Achrès, fils de Kinda, et que Hoouar était fils d'Aurîgh, fils de Khabbouz, fils d'El-Mothanna, fils d'El-Misouer. Ils donnent aussi le nom d'Enfants de Tiski aux Hoouara, aux Sanhadja, aux Lamta, aux Guezoula et aux Heskoura, et ils regardent El-Misouer comme l'aïeul de toutes ces tribus. Selon eux, El-Misouer arriva, par hasard, au milieu des Berbères, et s'étant arrêté chez les fils de Zeddjîk [ou Zahhîk-] IbnMadghis-el-Abter; savoir, Loua, Darîs, Addas et Nefous, il obtint d'eux, en mariage, leur sour Tîski-el-Ardja (la boiteuse). De cette union, disent-ils, naquit El-Mothenna, père de Hoouar. Après [la mort d'] El-Misouer, Tîski épousa Acil, fils de Zéazâ et père des Sanhadja, des Lamta, des Guezoula et des Heskoura, renseignement que nous aurons plus tard l'occasion de rappeler. Ainsi ces quatre individus étaient frères utérins d'El-Mothanna, et ils formaient avec lui la famille appelée les Enfants de Tiski. Les mêmes généalogistes disent : « D'El-Mothenna, fils d'El» Misouer, naquit Khabbouz, lequel engendra Rîgh, le même que >> l'on nomme Aurìgh - Ibn - Bernès, et de lui se propagèrent >> toutes les branches des Hoouara. » Ils rapportent ensuite que cette tribu fut appelée Hoouara parce qu'El-Misouer, s'étant trouvé en Maghreb après avoir parcouru plusieurs pays, avait prononcé ces paroles : « nous voici hoouarisés » [c'est-à-dire, arrrivés où nous ne pensions pas nous rendre.] Voilà ce que racontent certains généalogistes berbères, mais je dois déclarer, tout en avouant que Dieu seul en sait la vérité, que leur récit porte toutes les marques d'une histoire forgée à plaisir et que cela saute même aux yeux. Je trouve la confirmation de mon opinion dans les paroles des généalogistes berbères les plus exacts, tels que Sabec et ceux de son école : ils disent que les tribus issues d'Addas, fils de Zahhîk, rentrent toutes dans la catégorie de celles descendues de Hoouar; et cela pour la raison que celui-ci avait épousé la mère d'Addas après qu'elle eut perdu son mari Zahhîk, et qu'il avait élevé Addas. Or, dans la première manière de tracer la filiation de Hoouar nous voyons que Zahhîk devait être son ancêtre, car El-Mothenna, bisaïeul de Hoouar, était fils de Tiski, laquelle était fille de Zahhîk. Hoouar serait donc le cinquième descendant de Zahhîk; comment aura-t-il pu épouser la femme de ce même Zahhîk ? l'absurdité y est évidente. Quant à la seconde filiation de Hoouara, elle a paru à leurs généalogistes plus conforme à la vérité que la première. Les tribus sorties de la souche de Hoouara sont très-nombreuses; et la plupart de celles qui tirent leur origine d'Aurîgh, père de Hoouar, portent aussi le nom de Hoouarides parce que Hoouar était le fils aîné et parce que sa renommée surpassait celle de ses frères. Aurîgh avait quatre fils : Hoouar, Maggher, Calden et Meld. Chacun d'eux fut l'aïeul de plusieurs tribus que l'on désignait collectivement comme les enfants de Hocuar. : Selon Ibn-Hazm, la tribu de Maggher se partagea en quatre branches les Maouès, les Zemmor, les Keba et les Mesraï. A celles-ci Sabec-el-Matmati et ses disciples ajoutent les Ourîdjen, les Mendaça et les Kerkouda. Les Calden formèrent quatre branches : les Comsana, les Ourstîf, les Bîata 1 et les Bel. Sur ce point, Sabec et Ibn-Hazm sont d'accord. Les Meld se composèrent des Melîla, des Satat, des Ourfel, des Ouacîl et des Mesrata. Ibn-Hazm et Sabec, qui nous ont fourni les noms de ces ramifications, ajoutent qu'elles provien 4 Variante: Biana. nent de la souche de Lehan, fils de Meld. Quelques-uns citent une autre tribu lehanide appelée Ounîfen. Les tribus issues de Hoouar sont, d'abord les Beni-Kemlan, puis les Melîla, dit-on, ensuite les Gharian, les Ouergha, les Zeggaoua, les Mecellata [ou Meslata] et les Medjrîs. Les cinq dernières sont indiquées par les généalogistes berbères. A cette liste on ajoute quelquefois les Ounîfen, tribu dont on regarde actuellement les Medjris comme faisant partie. Sabec et les généalogistes qui suivent son autorité considèrent les Beni-Kemlan comme une branche des Ourîdjen, enfants de Maggher; ils disent aussi que cette même tribu se subdivisait en plusieurs ramifications, telles que les Beni-Kici, les Ourtagot, les Ticoua', et les Heiouara. Plusieurs tribus descendues d'Addas, fils de Zahhîk, sont comptées aussi parmi les Hoouara. C'est ainsi qu'Ibn-Hazm s'accorde avec les disciples de Sabec et avec leur maître à représenter les Heragha, les Terhouna 2, les Ouchtata, les Andara, les Henzouna, les Autîta et les Sanbera comme peuplades hoouarides. Lors de la conquête musulmane, toutes les tribus portant le nom générique de Hoouara, tant celles qui remontent leur origine à El-Abter que celles qui ont Bernès pour ancêtre, habitaient la province de Tripoli et la partie du territoire de Barca qui en est voisine; fait que rapportent également El-Masoudi et El-Bekri. Les unes possédaient des demeures fixes, les autres vivaient en nomades. Parmi elles, il s'en trouva une qui traversa les sables jusqu'au Désert et s'établit à côté des Lamta porteurs du voile, qui habitaient auprès de Gaugaua 3, localité située dans le pays des Noirs, vis-à-vis l'Ifrîkïa. On reconnaît l'origine hoouaride de cette peuplade au nom qu'elle porte et qui est une altération du mot Hoouara; car, ayant changé le ou de ce 3 ↑ L'orthographe de ces noms est incertaine, les manuscrits offrant beaucoup de variantes. 2 Ci-devant, page 171, ce nom est écrit Terehna. 3 Le Gaugaua d'Ibn-Khaldoun est sans doute le Kaukau d'Ibn-Batouta, ville située sur le Niger, au sud-est de Tenboktou. mot en un espèce de k dont le son est l'intermédiaire du k doux et du k guttural, ils en ont formé Heggar1. Les Hoouara se firent d'abord remarquer par la part active qu'ils prirent à la grande apostasie des Berbères et aux guerres qui en furent la suite; ils se distinguèrent plus tard par leur engouement pour les doctrines kharedjites, et surtout pour celle des Eibadites. Abd-el-Ouahed-Ibn-Yezîd, un de leurs chefs, aida Okacha-el-Fezari dans sa révolte contre Handala [l'émir arabe]. Les deux partis se firent une guerre acharnée jusqu'à ce qu'en l'an 124 (741-2), sous le règne de Hicham-Ibn-Abd-el--Mélek, Handala défit ses adversaires et les tailla en pièces. Yahya-Ibn-Founas, un autre chef hoouaride, prit les armes contre Yezîd-Ibn-Hatem, et, en l'an 156 (772-3), il réunit sous ses drapeaux une grande partie de sa tribu ainsi que de plusieurs autres. Abd-Allah-Ibn-es-Samt-el-Kindi, le général qui commandait à Tripoli, marcha contre le chef insurgé en suivant le bord de la mer2, et le força à prendre la fuite après lui avoir tué la plupart de ses partisans hoouarides. Modjahed-Ibn-Moslem, membre de la tribu de Hoouara, fut un des généraux qui combattirent pour Abd-er-Rahman-Ibn-Habîb. Plus tard, quelques-uns de leurs guerriers les plus distingués passèrent en Espagne avec Tarec et y établirent leur séjour. Parmi les descendants de ces émigrés on remarqua la famille d'Amer-Ibn-Ouehb, émir qui gouverna Ronda sous les Almoravides, et les Beni-Dou-'n-Noun, famille qui enleva cette ville aux Amer-Ibn-Ouehb et qui s'empara 1 Ibn-Batouta nous apprend, dans le récit de son voyage au pays des Noirs, (voyez le Journal Asiatique de 1843), qu'en revenant de ces contrées, il lui fallut un mois pour traverser le territoire des Heggar, et qu'en sortant de cette région, il atteignit les oasis de Touat. En effet, les Haggar occupent encore le pays qui s'étend au sud de Touat et à l'ouest de Ghat, ville du Fezzan. Dans la traduction, nous n'avons pas essayé de rendre les mots bisouarïa min souahilihim, qui peuvent signifier à Souaria dans le pays du littoral, ou bien avec la cavalerie fournie par les populations du littoral. Si l'ou admet cette dernière explication, il faut supposer que le motpersan souvaria (cavalerie) ait été admis dans la langue arabe. |