Eïca-Ibn-Yezid et entraina, par cet exemple, toute sa tribu. Après la mort d'Eïça, les Miknaça firent choix de Semgou pour le remplacer. Ce chef exerça le commandement pendant douze ans et mourut subitement en l'an 167 (783-4), sans avoir quitté le pouvoir. Il professait la doctrine des Eibadites-sofrites. Sous son administration la prière publique se faisait au nom des khalifes abbacides, El-Mansour et El-Mehdi. Son fils El-Yas, surnommé le visir, fut élu gouverneur par le peuple; mais, en l'an 174 (790-4), il fut déposé et remplacé par son frère Abou-Mansour-Elîçà, fils d'Abou-'l-Cacem. Cet émir professait aussi les croyances religieuses des Eibadites-sofrites. Il régna fort longtemps, et dans la trente-quatrième année de son administration, il entoura de murs la ville de Sidjilmessa. Ce fut sous les auspices d'Eliçà que l'autorité de la dynastie ouaçoulienne prit de la consistence et que la construction de Sidjilmessa fut entièrement achevée. Après avoir fait élever dans cette ville des palais et des édifices publics, il y fixa son séjour vers la fin du second siècle de l'hégire. Ce prince soumit les oasis du Désert [au midi de Sidjilmessa], et préleva le quint sur les produits des mines du Derâ. Il maria son fils Midrar à Eroua, fille d'Abd-er-Rahman-Ibn-Rostem, seigneur de Tèhert, et mourut er l'an 208 (823-4). Midrar, surnommé El-Montaçer, lui succéda et jouit d'un long règne. Il eut deux fils qui portaient chacun le surnom de Meimoun (fortuné) : l'un, nommé Abd-er-Rahman à ce que l'on rapporte, eut pour mère Eroua, fille d'Ibn-Rostem; la mère de l'autre s'appelait Eltéki 1. Ces princes cherchèrent à dominer leur père, et ayant pris les armes, ils se disputèrent le pouvoir pendant trois ans., Comme Midrar affectionna davantage le fils d'Eroua, il l'aida à vaincre son adversaire et à le chasser de Sidjilmessa, mais il se vit bientôt enlever le trône par celui qu'il avait favorisé. La conduite tyrannique du nouveau souverain 1 Dans les manuscrits, ce nom est ponctué de diverses manières; aussi peut-on le lire El-Baki, Baghi, Yefi, etc. - Un manuscrit d'El-Bekri que j'ai sous les yeux porte Thakia. envers les habitants de la ville et les membres de sa propre tribu amena sa déposition: on le déporta dans le Derà et Midrar fut rétabli sur le trône. L'affection que Midrar continua à ressentir pour ce fils ingrat lui inspira l'idée de le faire rentrer au pouvoir, mais le peuple déjoua ce projet en déposant leur souverain et rappelant Meimoun, fils d'Eltéki. Ce prince portait le surnom d'El-Emîr. En l'an 253 (867), à la suite de ces événements, Midrar mourut et termina ainsi un règne de quarante cinq ans. Meimoun, son fils et successeur, mourut en 263 (876-7). Son fils Mohammed, partisan dévoué de la doctrine eibadite, lui succéda et mourut en 270 (883-4). Elîçâ, fils d'El-Montaçer [Midrar], le remplaça. Ce fut sous le règne d'Eliçà qu'Obeid-Allah, le fatemide, accompagné de son fils, Abou-'l-Cacem, arriva à Sidjilmessa. Eliçà ayant été prévenu d'avance par El-Motaded [le khalife abbacide], eut quelques soupçons du véritable caractère des deux voyageurs, et comme il était tout dévoué à la cour de Baghdad, il les fit incarcérer. Abou-Abd-Allah le chîite, qui venait d'occuper Raccada et renverser la dynastie Aghlebide, se mit en marche afin de délivrer les prisonniers. Eliçà sortit à la tète des Miknaça pour le repousser; mais il essuya une défaite, et perdit la vie après qu'Abou-Abd-Allah eut emporté d'assaut la ville de Sidjilmessa. Ceci se passa en l'an 296 (908-9). Le vainqueur se fit aussitôt amener Obeid-Allah et son fils afin de leur prêter le serment de fidélité. Obeid-Allah ayant ainsi recouvré la liberté, prit le titre d'El-Mehdi (le bien dirigé), et repartit pour l'Ifrîkïa après avoir confié le gouvernement de la ville conquise à Ibrahîm-Ibn-Ghaleb-el-Mezati, personnage éminent de la tribu de Ketama. Deux années plus tard, le peuple de Sidjilmessa se souleva contre son gouverneur Ibrahîm, et l'ayant tué ainsi que les autres fonctionnaires ketamiens, il proclama la souveraineté d'ElFeth, petit-fils de Midrar. El-Feth, surnommé Ouaçoul, était fils de Meimoun, fils d'Eltéki, et professait la religion eibadite. Il mourut vers la fin du troisième siècle, peu de temps après son 1 Variante: El-Amin (le sûr. le fidèle). avènement au trône. Ahmed, son frère et successeur, exerça l'au– torité souveraine jusqu'à l'an 309 (921-2), quand Messala-IbnHabbous, général d'Obeid- Allah-el-Mehdi, et commandant de l'armée ketamo-miknacienne, soumit encore le Maghreb. S'étant emparé de Sidjilmessa, il fit prisonnier Ahmed -Ibn-Meimoun et donna le commandement de la ville à un cousin de celui-ci, nommé El-Motezz. Le nouveau gouverneur, qui était fils de Mohammed, fils de Bessader, fils de Midrar, se déclara indépendant bientôt après sa nomination. Il mourut en 324 (933), peu de temps avant la mort d'El-Mehdi. Abou'l-Mont acer-Mohammed, fils et successeur d'El-Motezz, mourut au bout de dix [jours] et son fils, El-Montacer-Semgou, fut revêtu de l'autorité souveraine. Comme ce prince était très-jeune, sa grand'mère s'empara des rênes du gouvernement, mais au bout de deux mois, elle se les laissa arracher par Mohammed, fils d'El-Feth et petit-fils de Meimoun. Pendant ces derniers temps, les Fatemides avaient eu à combattre Ibn-Abi-'l-Afia et à comprimer les mouvements qui eurent lieu à Tèhert, et comme l'insurrection d'Abou - Yezid survint ensuite et les empêcha de porter leurs armes dans les provinces éloignées, Mohammed en profita pour se rendre indépendant. Il colora cette démarche en faisant célébrer la prière publique au nom du khalife abbacide. Ayant alors renoncé à la religion des kharedjites, il embrassa la croyance orthodoxe des sonnites et prit le surnom d'Es - Chaker-Lillah (le reconnaissant envers Dieu). Il fit même battre monnaie portant son nom et son titre honorifique. Ces pièces furent appelées dirhems chakeriens, à ce que nous apprend Ibn-Hazm. Le même auteur nous fournit, au sujet de ce prince, les renseignements suivants : « Il gouverna avec une justice admirable; » mais, quand les Fatemides furent parvenus à comprimer les >> révoltes qui avaient occupé jusqu'alors toute leur attention, il » se vit menacer par Djouher-el-Kateb, général de Moëzz-li-Dîn» Illah-Mådd, qui, en l'an 347 (958-9), marcha contre le Ma» ghreb à la tête d'une armée composée de Ketamiens, de San» hadjiens et de troupes auxiliaires. Sidjilmessa succomba, et >> Mohammed-Ibn-el-Feth se réfugia dans Tasguedat, château » situé à quelques milles de la capitale. Peu de temps après, il » pénétra dans Sidjilmessa sous un déguisement, mais il fut >> reconnu et dénoncé par un homme de la tribu de Matghara. » Djouher le fit arrêter et envoyer à Cairouan avec Ahmed-Ibn» Bekr, seigneur de Fez; puis, il s'y rendit aussi. »> Les émissaires des Oméïades parvinrent ensuite à soulever le Maghreb contre les Fatemides et à faire reconnaître aux Zenata la souveraineté d'El-Hakem-el-Mostancer. Alors un fils d'Es-Chaker s'empara de Sidjilmessa et prit le titre d'El-Moutacer-Billah. (soutenu par la grace de Dieu). En l'an 352 (963), il fut détrôné par son frère, Abou-Mohammed, qui prit le titre d'El-Motezz-Billah (l'exalté par l'appui de Dieu). Sous son règne la puissance des Miknaça tomba en décadence et céda devant celle des Zenata. En l'an 366 (976-7), Khazroun-Ibn-Felfoul, prince de la tribu de Maghraoua, marcha contre Sidjilmessa, défit l'armée qu'Abou-Mohammed-el-Motezz avait menée contre lui, et s'empara de la ville et du trésor royal. Abou-Mohammed mourut sur le champ de bataille, et sa tête fut envoyée à Cordoue avec la dépêche qui annonçait cette victoire. El-Mansour-Ibn-AbiAmer, qui venait d'être chargé des fonctions de grand-chambellan à la cour des Oméïades, vit attribuer à sa haute fortune tout l'honneur du succès que son général avait rapporté. Khazroun obtint alors de lui le gouvernement de Sidjilmessa et il y fit célébrer la prière publique au nom du khalife Hicham; de sorte que, pour la première fois, l'autorité des Oméïades fut reconnue dans toutes les villes du Maghreb-el-Acsa. Dès lors la puissance des Midrarides et des Miknaça disparut tout-à-fait et fut remplacée par celle des Maghraoua et des Beni-Ifren, ainsi que l'on verra dans l'histoire de ces peuples. HISTOIRE DES BENI-ABI-'L-AFÏA, DYNASTIE MIKNACIENNE QUI RÉGNA A TEÇOUL. Cette portion de la tribu de Miknaça qui vivait en nomade et parcourait les territoires du Moulouïa, de Guercîf et de Melîla ainsi que les plateaux qui avoisinent Tèza, Teçoul et Lokaï, reconnaissait pour chefs les descendants d'Abou-Bacel, fils d'Abou-'d-Dahhak, fils d'Abou-Izzoul. Ce furent eux qui fondèrent la ville de Guercif et le ribat de Tèza. Depuis la première invasion des Musulmans ils continuèrent à fréquenter les mêmes localités, et dans le troisième siècle de l'hégire ils eurent pour chefs Messala, fils de Habbous, et Mouça, fils d'Abou-l-Afïa et petit-fils d'Abou-Bacel. Sous le gouvernement de Messala, leur puissance accrut à un tel point qu'ils soumirent toutes les peuplades berbères du territoire situé entre Tèza et Lokaï ; ils soutinrent même plusieurs guerres contre les Idrîcides, princes du Maghreb. Les victoires qu'ils remportèrent sur cette dynastie, qui était alors en pleine décadence, les rendirent maîtres d'une grande partie des plaines de ce pays. Quand Obeid-Allah le fatemide étendit sa domination sur le Maghreb, ils le secondèrent en partisans dévoués; aussi, Messala-Ibn-Habbous étant devenu un des principaux généraux de ce monarque, obtint pour lui-même le gouvernement de Tèhert et du Maghreb central. En l'an 305 (917-8), Messala envahit le Maghreb-el-Acsa, s'empara de Fez, occupa Sidjilmessa et força Yahya-Ibn-Idris à reconnaître la souveraineté d'Obeid-Allah. Ayant alors laissé ce prince à Fez en qualité d'émir, il concéda les autres villes du Maghreb et les plaines de cette contrée à son propre cousin, Mouça-Ibn-Abi-'l-Afïa qui, en sa qualité d'émir des Miknaça, gouvernait déja, depuis quelque temps, Teçoul, Téza et Guercif. Après le retour de Messala à Cairouan, Yahya-Ibn-Idris commença des hostilités contre Mouça-Ibn-Abi-'l-Afia, pour le châtier d'avoir aidé le général fatemide à renverser la puissance des Idricides. En l'an 309 (924), Messala rentra en Maghreb à la tête d'une armée, et cédant aux instances d'Ibn-Abi-l'Afïa, il marcha contre Yahya et l'expulsa de Fez après l'avoir forcé à racheter sa liberté au prix de tous ses trésors. L'émir déposé se réfugia auprès de ses cousins, les princes de Basra et du Rif. Alors Messala installa Rîhan le ketamien dans le gouvernement de Fez, et s'en retourna à Cairouan où il mourut. |