Images de page
PDF
ePub

des noms arabes, tandis que la famille de ce chef était berbère, ainsi qu'ils le reconnaissent eux-mêmes. C'est encore une erreur que de faire descendre Satfour de Matmat; tous les généalogistes berbères s'étant accordés à les représenter comme frères. Quoi qu'il en soit, Abd-el-Moumen appartenait certainement à la tribu des Koumïa; Dieu seul peut en savoir le contraire. La famille dans laquelle il naquit jouissait d'une certaine considération et habitait Tagrart, château situé sur la montagne qui domine Honein du côté de l'orient. Abd-el-Moumen était encore dans sa première jeunesse quand il quitta sa tribu pour aller s'instruire dans la loi. Arrivé à Tlemcen, il prit des leçons des principaux docteurs de cette ville, tels qu'Ibn-Saheb-es-Salat et Abd-esSelam-et-Tounici (le tunisien), homme d'une piété extraordinaire et le premier docteur du siècle dans la jurisprudence et la théologie scholastique. Il gît maintenant dans le mausolée qui recouvre le tombeau du cheikh Abou-Medin. Abd-el-Moumen perdit cet habile maître avant d'avoir acquis une connaissance parfaite des sciences qu'il enseignait, et dévoré toujours par la soif de s'instruire, il désira connaître à fond les diverses leçons du Coran 1. Ce fut alors qu'on apprit l'arrivée de MohammedIbn-Toumert à Bougie. Ce docteur ne portait pas encore le titre de Mehdi, et se faisait appeler El-Fakîh-es-Souci (le légiste de Sous). Parti de l'Orient pour rentrer en Maghreb, Ibn-Toumert s'était occupé, pendant tout le temps de son voyage, à réformer les mœurs dans les localités qu'il traversait et à en faire disparaître les usages qui offensaient la loi divine. Propagateur zélé des lumières de la science, il donnait des consultations sur des questions de droit et enseignait la jurisprudence et la théologie. Profondément versé dans les doctrines de l'école d'El-Achâri 2,

1 Il y a sept leçons ou éditions du Coran, reconnues par les docteurs comme également authentiques. Elles ne diffèrent en général que dans la manière de ponctuer et prononcer certains mots, ce qui influe quelquefois sur le sens du texte.

2 Dans l'Introduction à la lecture du Coran par Sale, on trouvera une exposition de la doctrine acharite. Les membres de cette secte entretenaient des opinions particulières au sujet des attributs divins et de

il avait déployé des connaissances qui lui méritèrent le rang de docteur dans cette secte. Ce fut même par lui que les principes achariens furent introduits en Maghreb. Les jeunes gens qui étudiaient la loi à Tlemcen souhaitaient avec ardeur les enseignements d'un tel maître, et dans leurs entretiens, ils se disaient les uns aux autres : «< vous devriez bien aller trouver ce docteur, >> et tâcher de l'attirer à Tlemcen par la perspective des mé>> rites qu'il pourra acquérir en communiquant ses lumières aux >> habitants d'une localité aussi importante. » Poussés par les sollicitations de ses condisciples, par l'ardeur de la jeunesse et par cet amour des voyages que l'on contracte en vivant sous la tente, Abd-el-Moumen se chargea de leur commission et partit pour Bougie. Il trouva Ibn-Toumert à Melala où il s'était retiré pour jouir de la protection des Beni-Ourîagol et éviter la poursuite d'El-Azîz, seigneur de Bougie. Ibn-Toumert lut avec un vif intérêt l'invitation écrite que lui envoyèrent les étudiants de Tlemcen, mais il avait alors en vue des projets qui l'empêchèrent d'y répondre. Alors Abd-el-Moumen s'attacha à lui, le suivant partout et mettant à profit ses enseignements. Pendant leur voyage vers le Maghreb, il fit un tel progrès dans l'étude et montra tant d'intelligence et d'aptitude que son maître le traita avec une bonté toujours croissante et finit par l'adopter comme ami et élève favori. Pour l'encourager encore davantage, il lui adressa ces paroles: « je reconnais aux traits de ta figure que » tu deviendras un jour mon lieutenant. » La route qui les conduisit en Maghreb les mena vers les environs de Médéa. Ils y trouvèrent les Thâleba, tribu dont il a déjà été question 1. Ces Arabes offrirent à Ibn-Toumert un âne fort et vigoureux pour lui servir de monture, mais ce docteur le céda à Abd-el

la prédestination. On pourra aussi consulter la traduction allemande de l'ouvrage de Chehrestani sur les sectes islamiques et les écoles philosophiques. Ce volume est intitulé Schahrastani's Religionspartheien und Philosophenschulen. Le traducteur, Theodor Haarbrücker, a pris pour base de son travail la belle édition du texte arabe de Chehrestani, publiée à Londres par le docteur Cureton.

1 Voyez ci-devant, page 422 et suivantes.

Moumen en disant aux autres disciples « Donnez-lui un âne >> pour monture afin qu'un jour il vous fasse monter des nobles >> coursiers >>

En l'an 545 (11241), Ibn-Toumert fut reconnu comme Mehdi à Hergha, et ayant ensuite obtenu l'appui de toutes les tribus masmoudiennes, il fit la guerre aux [Almoravides] Lemtouna et entreprit le siége de Maroc. Uu jour, pendant que ses partisans tenaient la ville étroitement bloquée, une bataille eut lieu dans laquelle plusieurs milliers d'Almohades trouvèrent la mort. On vint annoncer ce désastre à l'imam El-Mehdi : « Voilà, lui dirent»>ils, une journée fatale pour les Almohades !»« Que fait » Abd-el-Moumen?» leur demanda-t-il. « Monté sur son >> cheval alezan, il se bat avec une bravoure extrême. » « C'est bien, répondit le Mehdi, puis qu'Abd-el-Moumen est en>> core en vie nous n'avons rien perdu.

En l'an 522 (1128), le Mehdi mourut en nommant Abd-el-. Moumen son successeur; mais celui-ci, craignant de ne trouver aucun appui chez les Masmouda, peuple auquel il était étranger [par la naissance], cacha la mort de son maître jusqu'à ce qu'il pût épouser la fille du cheikh Abou-Hafs, émir de la tribu des Hintata et grand chef des Almohades. Étant parvenu, avec l'aide de son beau-père, à faire exécuter les dernières volontés de leur imam, il entra dans l'exercice de l'autorité suprême en qualité de grand cheikh des Almohades et de khalife des musulmans.

[ocr errors]

En l'an 537 (1442-3), il subjugua les campagnes du Maghreb et se rendit maître du pays des Ghomara. De là il passa successivement dans le Rif, les territoires des Botouïa, des Betalça, des Beni-Iznacen, des Medîouna, des Koumïa et des Oulhaça. Ceuxci, voisins des Koumïa, et presque leurs égaux en puissance, embrassèrent si chaudement la cause d'Abd-el-Moumen, que ce chef, soutenu par eux et par sa propre tribu, réussit à consolider son autorité temporelle et spirituelle comme khalife de la nation almohade. Rentré en Maghreb, il s'empara des principales villes de ce pays, et, devenu maître du Maroc, il fit venir sa tribu pour y tenir garnison. Presque tous les Koumïa passèrent en Maghreb et se fixèrent dans Maroc, afin de soutenir le trône du

[ocr errors]

khalifat, en prêtant leur appui à la cause des Almohades, et en protégeant la personne de leur chef.

Pendant toute la durée de la dynastie des Beni-Abd-el-Moumen, les Koumïa furent les principaux soutiens du trône et le corps le plus important de l'empire; mais leurs forces ayant été employées sans ménagement, et leur cavalerie s'étant épuisée à faire des expéditions et des conquêtes, ils finirent par succomber et disparaître.

Dans leur ancien territoire on trouve encore un débris de leur tribu et même un reste de la famille Abed; mais, réduite maintenant au rang des tribus soumises à l'impôt, cette population doit supporter les taxes et les corvées que les Zenata lui imposent; elle se laisse arracher le kharadj par la violence de ses oppresseurs, et elle subit maintenant la même honte, la même dégradation qui ont accablé leurs voisins, les Oulhaça.

NOTICE DES ZOUAOUA ET DES ZOUAGHA, BRANCHES DE LA TRIBU DE DARCIA, PEUPLE BERBÈRE DESCENDU D'EL-ABTer.

Les Zouaoua et les Zouagha, tribus sorties de la souche berbère d'El-Abter, sont les enfants de Semgan, fils de Yahya, fils de Dari, fils de Zeddjîk [ou Zahhîk], fils de Madghis-el-Abter. De toutes les tribus berbères, les parents les plus proches de celles-ci sont les Zenata, puisque Djana, l'ancêtre de ce peuple, fut frère de Semgan et fils de Yahya. C'est pour cette raison que les Zouaoua et les Zouagha se considèrent comme liés aux Zenata par le sang.

Ibn-Hazm dit que la tribu des Zouaoua est une branche de celle de Ketama, mais les généalogistes berbères la comptent au nombre des familles qui tirent leur origine de Semgan, ainsi que nous venons de le rapporter. Nous devons cependant faire observer que la déclaration d'Ibn-Hazm nous paraît avoir plus d'autorité que la leur; d'ailleurs, la proximité du territoire des Zouaoua à celle des Ketama, ainsi que leur coopération avec cette tribu dans le but de soutenir la cause d'Obeid-Allah [fondateur de la dynastie fatemide], est un fort témoignage en faveur de cette opinion.

[ocr errors]

Selon les généalogistes berbères, les Zouaoua se partagent en plusieurs branches telles que les Medjesta, les Melikich, les BeniKoufi, les Mecheddala, les Beni-Zerîcof, les Beni-Gouzît, les Keresfina, les Ouzeldja, les Moudja, les Zeglaoua et les Beni-Merana.1 Quelques personnes disent, et peut-être avec raison, que les Melikich appartiennent à la race des Sanhadja.

De nos jours, les tribus zoaviennes les plus marquantes sont les Beni-Idjer, les Beni-Manguellat, les Beni-Itroun, les BeniYanni 3, les Beni-bou-Ghardan, les Beni-Itourgh, les Beni-BouYouçof, les Beni-Chaîb, les Beni-Eïci, les Beni-Sadca, les BeniGhobrîn et les Beni-Guechtola.

Le territoire des Zouaoua est situé dans la province de Bougie et sépare le pays des Ketama de celui des Sanhadja. Ils habitent au milieu des précipices formés par des montagnes tellement élevées que la vue en est éblouie, et tellement boisées qu'un voyageur ne saurait y trouver son chemin. C'est ainsi que les Beni-Ghobrin habitent le Zîri, montagne appelée aussi Djebel-ezZan, à cause de la grande quantité de chênes -zan dont elle est couverte, et que les Beni-Feraoucen et les Beni-Iraten occupent celle qui est située entre Bougie et Tedellis. Cette dernière montagne est une de leurs retraites les plus difficiles à aborder et les plus faciles à défendre; de là, ils bravent la puissance du gouvernement [de Bougie], et ils ne paient l'impôt qu'autant que cela leur convient. De nos jours ils se tiennent sur cette cîme élevée et défient les forces du sultan, bien qu'ils en reconnaissent cependant l'autorité. Leur nom est même inscrit sur les registres de l'administration comme tribu soumise à l'impôt (kharadj).

Sous la dynastie sanhadjienne [des Zîrides], ce peuple tenait un rang très-distingué, tant en temps de guerre, que pendant les intervalles de paix. Il avait mérité cet honneur en se montrant l'allié fidèle de la tribu de Ketama depuis le commencement de l'empire fatemide. Badîs, fils d'El-Mansour, ôta la vie à leur

1 Il est probable que la plupart de ces noms sont altérés.

2 Variante: Letrouz.

3 Variantes: Mani, Babi. La bonne leçon est Yanni.

« PrécédentContinuer »