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en Ifrikïa avec les avant-coureurs de l'armée arabe, il s'y établit, et tout en montrant le plus grand dévouement au parti des Arabes yéménites dont il était l'allié juré, il adopta les principes enseignés par les Kharedjites. Les Eibadites de la province de Tripoli ayant pris les armes pour châtier les Ourfeddjouma et leur enlever la ville de Cairouan, se rassemblèrent tous autour de leur chef spirituel, Abou-l-Khattab-Abd-el-Ala-Ibn-es-Samehel-Mâaferi. En l'an 144 (758-9), ils s'emparèrent de Tripoli et ensuite de Cairouan où ils firent un massacre épouvantable des Ourfeddjouma commandés par Abd-el-Mélek-Ibn-Abi-'l-Djâd, et des autres tribus nefzaouiennes. Ibn-Abi-'l-Djâd lui-même perdit la vie dans ce jour de vengeance. Abou-'l-Khattab confia alors le gouvernement de Cairouan à Abd-er-Rahman-Ibn-Rostem, et emmena avec lui les Eibadites zenatiens, hoouariens et autres qui avaient pris part à cette expédition. A la nouvelle de la révolte des Berbères, des atrocités commises par les Ourfeddjouma et de la prise de Cairouan, siége du gouvernement de l'Ifrîkïa et du Maghreb, le khalife Abou-Djâfer-el-Mansour fit partir une armée pour ce pays sous les ordres de Mohammed-Ibn-el-Achâth-elKhozaï, auquel il donna aussi la commission de faire la guerre aux Kharedjites. Arrivé aux environs de Tripoli, en 144 (761-2), Ibn-el-Achâth défit l'armée berbère qui était venue à sa rencontre et en tua le général, Abou-'l-Khattab. Abd-er-Rahman-IbnRostem se hâta alors d'évacuer Cairouan et d'emmener ses fils et les gens de sa maison chez les Berbères eibadites du Maghreb central. Arrivé au milieu de ses anciens amis et confédérés, les

↑ Abd-er-Rahman le rostemide, chef des Eibadites et fondateur de Tèhert, mourut en l'an 168 de l'hégire. Il est donc impossible d'admettre qu'il fut fils du général persan Rostem, mort à Cadicïa, cent cinquante-trois ans auparavant. Ibn-Khaldoun et l'auteur du Baian ne se sont pas laissés arrêter par cette difficulté, et, cependant, ils ont dû voir, dans le Meçalek d'Abou-Obeid-el-Bekri, ouvrage dont ils se sont servis, qu'Abd-er-Rahman, le rostemide de la première invasion de l'Ifrîkïa, était fils d'Abd-el-Ouehhab et petit-fils de Rostem. Il est même probable que le second Abd-er-Rahman était petit-fils, ou peut-être arrièrepetit-fils du premier, ce qui mettrait quatre ou cinq générations entre lui et son grand-aïeul.

Lemaïa, il les rallia autour de lui et, s'en étant fait proclamer khalife, il résolut de fonder une ville qui lui servirait de siége de gouvernement. On bâtit par son ordre la ville de Tèhert sur le flanc du Djebel-Guezoul, montagne qui forme la limite du plateau de Mindas. Au pied de cette nouvelle capitale coulait le Minas, rivière qui a ses sources du côté du midi et qui se jette dans le Chélif après avoir passé auprès d'El-Bat'ha. Tèhert, dont Abder-Rahman posa les fondements en l'an 144 (761-2), s'agrandit beaucoup pendant son règne. Après sa mort, le trône fut rempli par son fils Abd-el-Ouehhab. En l'an 196 (811-2), ce souverain, qui était en même temps chef de la secte eibadite, parut devant Tripoli à la tête d'une armée composée de Hoouara [et d'autres Berbères]. Abd-Allah, fils d'Ibrahîm-Ibn-el-Aghleb, gouvernait cette ville au nom de son père, quand il s'y vit bloquer par l'ennemi. Ce fut pendant ce siége qu'il apprit la mort de son père, et voulant se rendre tout de suite à Cairouan pour y prendre le haut commandement; il acheta la paix d'Abd-el-Ouehhab, en cédant aux Berbères qui avaient suivi ce chef la possession de tout le pays ouvert. Abd-el-Ouehhab se retira alors du côté de Nefouça et laissa Abd-Allah partir pour Cairouan. Meimoun, fils et successeur d'Abd-el-Ouehhab, prit le tître de khalife en sa qualité de chef des Eibadites et des Sofrides-ouaceliens. Ces derniers, à eux seuls, lui fournissaient trente mille partisans, tous nomades et vivant sous la tente. La famille des Beni-Rostem régnait encore quand ses voisins, les Maghraoua et les Beni-Ifren, s'emparèrent de Tlemcen, et, comme ces peuples voulaient la contraindre à reconnaître la souveraineté des Idrîcides, elle sou tint une guerre contre eux. Ce fut en l'an 173 (789-90), que les Zenata avaient pris le parti d'Idris. Les Rostemides leur résistèrent avec succès, et quand ils succombèrent, en l'an 296 (908-9), ce fut devant les armes d'Abou-Abd-Allah-es-Chii. Ce général renversa leur puissance et s'empara de Tèhert, après avoir subjugué l'Ifrîkïa et fait reconnaître l'autorité d'Obeid-Allah le fatemide dans toutes les parties du Maghreb central et du Maghreb el-Acsa. La dynastie des Rostemides disparut ainsi devant la dynastie naissante des Fatemides.

En l'an 298 (940-44) le général fatemide, Arouba-Ibn-Youcefel-Ketami, vainqueur du Maghreb, donna le commandement de Tehert à Douas-Ibn-Soulat de la tribu de Lehîça. Douas ne cessa de sévir contre les Berbères eibadites appartenant aux tribus de Lemaïa, d'Azdadja, de Louata, de Miknaça et de Matmata, jusqu'à ce qu'ils embrassèrent les doctrines de la secte hérétique [des chiites] et abandonnèrent pour toujours les croyances des kharedjites.

Sous le règne du khalife fatemide, Ismaîl-el-Mansour, [Hamîd, fils d'] Islasen Ibn-Habbous, gouverneur de Tèhert, se déclara en faveur des Oméïades d'Espagne, et passa du côté d'ElKheir - Ibn - Mohammed-Ibn-Khazer, partisan dévoué de cette famille et leur principal agent auprès de la population zenatienne. El-Mansour ayant alors donné le commandement de Tèhert à son affranchi, l'eunuque Meiçour, et à Ahmed-ez-Zeddjali, une de ses créatures, Hamîd et El-Kheir marchèrent contre la ville et la prirent d'assaut après avoir mis en déroute l'armée de Meiçour. Ce chef et son collègue Ez-Zeddjali tombèrent entre les mains des vainqueurs, mais, quelque temps après, ils obtinrent leur liberté. Dans la suite, Tèhert servit de boulevard à l'empire des Fatemides et des Sanhadja. Les Zenata s'en emparèrent plusieurs fois, et les troupes oméïades y mirent le siége lors de leur expédition contre Zìri-Ibn-Atïa, émir du Maghreb et chef des Maghraoua. Ceci eut lieu à l'époque où El-Modaffer, fils d'Abou-Amer [El-Mansour] arriva de l'Espagne pour lui faire la guerre.

Après la chute de la dynastie sanhadjite et la conquête du Maghreb par les Lemtouna [Almoravides], les Almohades subjuguèrent ce pays ainsi que le Maghreb-el-Acsa. Ensuite survint la révolte des fils de Ghanîa aux environs de Cabes. Yahya-IbnGhanîa ayant porté ses armes en Ifrîkïa, envahit le Maghreb central, insulta les frontières de l'empire almohade et pénétra dans Tèhert de vive force et à plusieurs reprises. A la suite de ces malheurs, Tèhert resta abandonné, et vers l'an 620 (1223), ses ruines mêmes avaient disparu.

1 Variante: Beslasen.

Par la prise de la capitale qu'ils avaient fondée et auprès de laquelle ils s'étaient établis, les Lemaïa perdirent toute leur puissance et durent se disperser en petites bandes pour aller vivre au milieu des autres tribus.

Un de ces débris, les Djerba, habite jusqu'à ce jour l'île qui est située vis-à-vis de Cabes et qui porte leur nom. Les chrétiens de la Sicile s'emparèrent de cette île après avoir subjugué et soumis à la capitation les Djerba, les Sedouîkich 1 et les autres peuplades ketamiennes et lemaïennes qui y habitaient. Ils y érigèrent, sur le bord de la mer, une forteresse où ils établirent leur siége de gouvernement et à laquelle ils donnèrent le nom d'ElCachetil (Castello). Pendant longtemps les armées envoyées par les Hafsides de Tunis s'acharnaient contre cette place forte, mais ce ne fut que vers l'an 738 (1337), sous le règne de notre seigneur [Abou-Yahya-] Abou-Bekr, que Makhlouf-Ibn-el-Kemad, un de ses officiers, s'en rendit maître. L'islamisme s'est conservé dans Djerba jusqu'à nos jours, mais la population berbère a constamment professé la religion kharedjite, doctrine hérétique dont on enseigne encore les principes dans leurs écoles. Ils possèdent des ouvrages composés par les grands docteurs de leur secte et. dans lesquels ils trouvent exposés les articles fondamentaux de leur foi et le développement de leur loi religieuse. Ces volumes se transmettent de père en fils et sont l'objet d'une étude assidue.

Les Matmata, enfants de Faten-Ibn-Temsît et frères des Matghara et des Lemaïa, se partagent en plusieurs branches. Selon le généalogiste Sabec-el-Matmati et ses disciples, le père des Matmata se nommait Maskab, et avait pour surnom Matmat. Ils ajoutent que toutes les branches de cette tribu sont issues de Loua, fils de Matmat et frère d'Ourenchît. Ils ne nous apprennent pas si celui-ci laissa de la postérité. « Loua, disent-ils, eut >> quatre fils; Ourmakcen, Belaghef, Ourîgoul et Ilîsen. Les > trois premiers eurent de la postérité, et c'est d'eux que toutes >> les branches de la tribu de Matmata tirent leur origine. D'Our

1 Variantes: Sedoutkès, Sedounkės.

2 Variantes: Telaghef, Ilaghef.

>> makcen naquirent Masmoud, Younos et Ifrîn, et d'Ourîgoul >> sortirent Keltham, Mecîda et Fîden. Ces deux derniers mou>> rurent sans enfants, mais Keltham engendra Asferacen et Se>>lyayan. Les fils de Selyayan se nommaient Sabhan, Ourîghni, » Ousdi, Netsayan et Amr, mais on les désignait collectivement » par le titre de fils de Mastkouda, du nom de leur mère. Asfe>> racen engendra Irhad et Israsen, lequel eut quatre enfants : » Ourtedjîn 1, Ourîgoul, Guellîda et Seggoum. On désigne aussi » ceux-ci par le nom de leur mère, en les appelant les fils de » Teligueftan. D'Irhad naquirent llit et Islacen; Ilit engendra » Ourceflacen, Segguen, Mohammed, Megdil et Dekoual. Les fils » d'Islacen sont Faouïoulen, Itmacen, Markcen, Meçafer, Fellou» cen, Ourîdjid, Nafè, Abd-Allah et Ghardaï. Les enfants d'Ilaghef » [ou Belaghef], fils de Loua et petit-fils de Matmat, sont Dihya >> et Tabeta. Tabeta engendra Madjercen, Righ, Adjelan, Ifam et » Corra. De Dihya provinrent Ourtedji et Medjlîn. Les enfants d'Ourtedji sont Maggarîn, Tour, Seggom et Ghamdjemîcen; ceux de Medjlîn s'appelent Makour, Lechgoul, Kîlan, Mez>> goun, Catar et Aïoura. » Voilà, selon Sabec et ses disciples, les ramifications de la tribu de Matmata.

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Les Matmata vivent maintenant dispersés dans diverses localités : on en trouve au midi de Fez, dans la montagne qui porte leur nom et qui s'élève entre cette ville et Sofrouï ; il en existe aussi dans les environs de Cabes et à l'occident de la ville bâtie auprès de la source chaude que l'on appelle Hamma Matmata (les thermes des Matmata). Il sera question de cet endroit dans l'histoire de la dynastie hafside et des royaumes qui ont fleuri en Ifrikïa. Le reste de ce peuple vit dispersé au milieu des autres tribus.

Dans les temps anciens les Matmata habitaient les plateaux de Mindas, aux environs du Ouancherîch et du Ghezoul, mon

1 Variante: Ourteguin.

* Presque tous les noms rapportés dans cet extrait sont altérés. On reconnaît même, à l'inspection des manuscrits, que les copistes les ont transcrits d'une main incertaine, tant ils avaient de la peine à les déchiffrer.

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