fit les princes berbères dans la province de Zab et à Tèhert. Ayant dispersé successivement les armées qui venaient le combattre, il pénétra dans le Maghreb el-Acsa et reçut la soumission des Ghomara, tribu qui reconnaissait alors pour émir (le nommé) Yulian (le comte Julien). De là, il marcha sur Oulili, et se dirigeant ensuite vers le Deren (l'Atlas), il y attaqua les populations masmoudiennes. A la suite de plusieurs engagements, ces tribus parvinrent à cerner leur adversaire au milieu de leurs montagnes, mais les Zenata, peuple dévoué aux musulmans depuis la conversion des Maghraoua à l'islamisme, marchèrent au secours du général arabe et le dégagèrent de sa position dangereuse. Ocba châtia alors les Masmouda si rudement qu'il les contraignit à reconnaître la domination musulmane, et ayant soumis leur pays, il passa dans le Sous afin de combattre les Sanhadja, porteurs de voile (litham), qui y faisaient leur séjour. Ce peuple était païen, et n'avait jamais adopté la religion chrétienne. Ocba leur infligea un châtiment sévère, et s'étant avancé jusqu'à Taroudant, il mit en déroute tous les rassemblements berbères. Au delà de Sous il attaqua les Messoufa, et leur ayant fait une quantité de prisonniers, il s'en retourna sur ses pas. Pendant toutes ces expéditions il avait amené Koceila avec lui et le retenait aux arrêts. Sorti du Sous, pour rentrer en Ifrikïa, il laissa partir pour Cairouan une grande partie de son armée et ne garda auprès de lui qu'un faible détachement. La tribu de Koceila avec laquelle ce chef entretenait une correspondance suivie, fit épier toutes les démarches d'Ocba, et profitant d'une occasion favorable, elle le tua et tous les siens. Pendant cinq années, Koceila gouverna l'Ifrîkïa et exerça une grande autorité sur les Berbères. Il s'était fixé à Cairouan et avait accordé grâce et protection à tous les Arabes qui, n'ayant pas eu le moyen d'emmener leurs enfants et leurs effets, étaient restés dans cette ville. En l'an 67 (686-7), sous le khalifat d'Abd-el-Mélek, ZoheirIbn-Caïs1-el-Béloui arriva en Ifrîkïa pour venger la mort d'Ocba. Les mss. et le texte imprimé portent Caïs Ibn Zoheir. Koceila rassembla aussitôt ses Berbères et alla lui livrer bataille à Mems, dans la province de Cairouan. Des deux côtés l'on se battit avec un acharnement extrême, mais, à la fin, les Berbères prirent la fuite après avoir fait des pertes énormes. Koceila lui-même y trouva la mort. Les Arabes poursuivirent l'ennemi jusqu'à Mermadjenna, et de là, ils les chassèrent jusqu'au Molouïa. Cette bataille ayant coûté aux Berbères la fleur de leurs troupes, infanterie et cavalerie, brisa leur puissance, abaissa leur orgueil et fit disparaître à jamais l'influence des Francs. Cédant à la terreur que Zoheir et les Arabes leur inspiraient, les populations vaincues se réfugièrent dans les châteaux et les forteresses du pays. Quelque temps après, Zoheir se jeta dans la dévotion, et ayant pris le chemin de l'Orient, il trouva la mort à Barca en combattant les infidèles. A la suite de cet événement, le feu de la révolte se propagea de nouveau par toute l'Ifrîkïa, mais la désunion se mit alors parmi les Berbères, chacun de leurs cheikhs se regardant comme prince indépendant. Parmi leurs chefs les plus puissants, on remarqua surtout la Kabena, reine du Mont-Auras, et dont le vrai nom était Dihya, fille de Tabeta, fils de Tifan. Sa famille faisait partie des Djeraoua, tribu qui fournissait des rois et des chefs à tous les Berbères descendus d'el-Abter. Le Khalife Abd-el-Mélek fit parvenir à Hassan-Ibn-en-Nomanel-Ghassani, gouverneur de l'Égypte, l'ordre de porter la guerre en Ifrîkïa, et il lui envoya les secours nécessaires pour cette entreprise. El-Hassan se mit en marche, l'an 69 (688-9), et entra à Cairouan d'où il alla emporter d'assaut la ville de Carthage. Les Francs qui s'y trouvaient encore passèrent alors en Sicile et en Espagne. Après cette victoire, Hassan demanda qui était le prince le plus redoutable parmi les Berbères, et ayant appris que c'était la Kahena, femme qui commandait à la puissante tribu des Djeraoua, il marcha contre elle et prit position sur le bord de la rivière Miskiana. La Kahena mena ses troupes L'orthographe de ces deux derniers noms est incertaine. contre les Musulmans, et les attaquant avec un acharnement extrême, elle les força à prendre la fuite après leur avoir tué beaucoup de monde. Khaled-Ibn-Yezîd-el-Caïçi resta prisonnier entre les mains des vainqueurs. La Kahena ne perdit pas un instant à poursuivre les Arabes, et les ayant expulsés du territoire de Cabes, elle contraignit leur général à chercher refuge dans la province de Tripoli. Hassan ayant alors reçu une lettre d'Abdel-Mélek, lui ordonnant de ne pas reculer davantage, il s'arrêta et bâtit les châteaux que l'on appelle encore aujourd'hui CosourHassan (les châteaux de Hassan). La Kahena rentra dans son pays, et ayant adopté pour troisième fils son prisonnier Khaled, elle continua, pendant cinq ans à régner sur l'Ifrìkïa et à gouverner les Berbères. En l'an 74 (693-4), Hassan revint en Ifrîkïa à la tête des renforts qu'Abd-el-Mélek lui avait expédiés. A son approche, la Kahena fit détruire toutes les villes et fermes du pays; aussi, cette vaste région qui, depuis Tripoli jusqu'à Tanger, avait offert l'aspect d'un immense bocage, à l'ombre duquel s'élevait une foule de villages touchant les uns aux autres, ne montra plus que des ruines. Les Berbères virent avec un déplaisir extrême la destruction de leurs propriétés, et abandonnèrent la Kahena pour faire leur soumission à Hassan. Ce général profita d'un événement aussi heureux, et ayant réussi à semer la désunion parmi les adhérents de la Kahena, il marcha contre les Berbères qui obéissaient encore à cette femme, et les mit en pleine déroute. La Kahena elle-même fut tué dans le Mont-Auras, à un endroit que l'on appelle, jusqu'à ce jour, Bir-el-Kahena (le puits de la Kahena). L'offre d'une amnistie générale décida les vaincus à embrasser l'islamisme, à reconnaître l'autorité du gouvernement arabe et à fournir une contingent de douze mille guerriers à Hassan. La sincérité de leur conversion fut attestée par leur conduite subséquente. Hassan accorda au fils aîné de la Kahena le commandement en chef des Djeraoua et le gouvernement du Mont-Auras. Il faut savoir que d'après les conseils de cette femme, conseils dictés. par les connaissances surnaturelles que ses démons familiers lui avaient enseignées, ses deux fils s'étaient rendus aux Arabes avant la dernière bataille. Rentré à Cairouan, Hassan organisa des bureaux pour l'administration du pays, et moyennant le paiement de l'impôt (kharadj), il accorda la paix à tous les Berbères qui offraient leur soumission. Par une ordonnance écrite, il soumit au même tribut les individus de race étrangère qui se trouvaient encore en Ifrîkïa, ainsi que cette portion des Berbères et des Beranès qui était restée fidèle au christianisme. Quelque temps après, les Berbères se disputèrent la possession de l'Ifrîkïa et du Maghreb, de sorte que ces provinces furent presque dépeuplées. Quand le nouveau gouverneur, Mouça-IbnNoceir, arriva à Cairouan et vit l'Ifrîkïa changée en une vaste solitude, il y fit venir les populations d'origine étrangère qui se trouvaient dans les provinces éloignées, et ayant tourné ses armes contre les Berbères, il soumit le Maghreb et força ce peuple à rentrer dans l'obéissance. Tarec-Ibn-Ziad, reçut de lui le commandement de Tanger et s'y installa avec douze mille Berbères et vingt-sept Arabes, chargés d'enseigner à ces néophytes le Coran et la loi. Mouça s'en retourna alors en Ifrîkïa. En l'an 101 (719-20), le reste des Berbères embrassa l'islamisme, grâce aux efforts d'Ismaël, fils d'Abd-Allah, et petit-fils d'Abou-'l-Mohadjer. Abou-Mohammed, fils d'Abou-Yezîd raconte que, depuis Tripoli jusqu'à Tanger, les populations berbères apostasièrent douze fois, et que l'islamisme ne fut solidement établi chez elles qu'après la conquête du Maghreb et le départ de Mouça-Ibn-Noceir et de Tarec pour l'Espagne. Ces chefs emmenèrent avec eux un grand nombre de guerriers et des cheikhs berbères, afin d'y combattre les infidèles. Après la conquête de l'Espagne, ces auxiliaires s'y fixèrent, et depuis lors, les Berbères du Maghreb 1 Selon un auteur cité dans l'El-Baïan-el-Moghrib, Tarec lui-même était berbère et appartenait à la tribu d'Oulhaça. Les manuscrits et le texte imprimé portent Zeid. (Voyez ci-devant, page 28, nole.) sont restés fidèles à l'islamisme et ont perdu leur ancienne habitude d'apostasier. Plus tard, les principes de la secte kharedjite se développèrent chez eux. Cette nouvelle doctrine leur avait été apportée de F'Irac, son berceau, par quelques Arabes qui vinrent se réfugier en Ifrîkïa. Nous avons dit ailleurs, dans une notice sur les Kharedjites, que leur secte se partagea en plusieurs branches, telles que les Sofrites, les Eibadites et autres. Le kharedjisme s'étant rapidement propagée dans le pays, devint, pour les esprits séditieux d'entre les Arabes et les Berbères, une puissante arme pour attaquer le gouvernement. De tout côté, ces aventuriers recrutèrent des partisans parmi les Berbères de la basse classe et leur enseignèrent les croyances hétérodoxes qu'ils professaient eux-mêmes. Habiles à déguiser l'erreur sous le voile de la vérité, ils parvinrent à répandre dans le peuple les semences d'une hérésie qui jeta bientôt de profondes racines. Ensuite ils portèrent l'audace au point d'attaquer les émirs arabes [qui gouvernaient l'Afrique], et en l'an 102 (720-1), ils tuèrent Yezid-Ibn-Abi-Moslem, dont certains actes leur avaient déplu. En l'an 122 (739-40), ils se révoltèrent contre Obeid 1-AllahIbn-el-Habhab qui gouvernait alors l'Afrique au nom du khalife Hicham-Ibn-Abd-el-Mélek. Cet émir avait envahi le Sous afin d'y châtier les Berbères, et ayant fait sur eux un grand butin et une foule de prisonniers, il s'était porté en avant jusqu'au pays des Messoufa où il tua beaucoup de monde et fit encore des prisonniers. Les Berbères en furent consternés; mais ils se soulevèrent bientôt, quand ils eurent appris que le vainqueur les regardait eux-mêmes comme un butin acquis aux musulmans et qu'il se proposait en conséquence, de prendre le cinquième de leur nombre [pour en faire des esclaves]. Meicera-el-Matghari se révolta alors à Tanger, et en ayant tué le commandant, Amr2-Ibn-Abd-Allah, il proclama la souveraineté du chef des Sofrites, Abd-el-Ala-Ibn Le texte arabe porte, par erreur, Abd. 2 Il faut lire Omar. |