indigné qu'il reconnut pour souverain Mohammed-Ibn-el-Lihyani, surnommmé Abou-Darba, et s'étant rendu avec lui auprès d'Abou-Tachefin, seigneur de Tlemcen, il obtint de ce souverain un corps de troupes zenatiennes afin d'envahir l'Ifrikïa. Le sultan Abou-Yahya marcha à leur rencontre et les ayant trouvé à Raghîs, il les mit en pleine déroute. Hamza n'en continua pas moins à insulter le territoire de l'empire toutes les fois qu'il pouvait se faire accompagner par un prince hafside qui voulait s'emparer du trône. Dans ces entreprises, un corps d'arméc, fourni par Abou-Tachefîn, lui servait d'appui; mais le récit des combats qui eurent lieu, combats dans lesquels chaque parti remportait alternativement la victoire, sera mieux placé dans une autre section de cet ouvrage. En l'an 737 (1336-7), les Mérinides, commandés par le sultan Abou'l-Hacen, s'emparèrent de Tlemcen et du Maghreb central; de sorte que les Abd-el-Ouad et toutes les autres branches de la tribu de Zenata se trouvèrent réunis sous les ordres de ce monarque. Hamza sentit alors l'impossibilité de se livrer plus longtemps à des hostilités contre l'empire hafside, 'faute des moyens nécessaires, et étant allé trouver le vainqueur, il sollicita sa médiation auprès du sultan Abou-Yahya. Grâce à l'intercession d'Abou-'l-Hacen, il obtint non-seulement l'oubli de tous ses délits mais aussi l'honneur d'être admis au nombre des conseillers et familiers du souverain de Tunis. Dès-lors, il déploya un grand grand zèle pour le service de son maître, et il aida MohammedIbn-el-Hakim, commandant en chef des troupes [hafsides, à soumettre l'Ifrîkïa et à dompter les Arabes nomades. Après avoir raffermi par ses efforts l'autorité souveraine et rétabli l'ordre dans toute l'étendue de l'empire, il succomba, l'an 740 (133940) dans une escarmouche, ayant été frappé à mort d'un coup de lance que lui porta Abou-Aun-Nasr-fbn-Abi-Ali-Abd-es-Selam, membre de la famille de Kethîr-Ibn-Zeid [Yezîd], branche des Beni-Ali, tribu kaoubienne. Omar, son fils et successeur, parvint, avec l'appui de son frère germain Abou-'l-Leil-Fetita, à dompter tous ses autres frères, à vaincre l'opposition de ses parents et à s'établir dans le com mandement des Kaoub et des autres branches de la tribu de BeniYahya. Son succès excita la jalousie des Beni-Mohelhel, famille rivale de la sienne, qui n'aspirait qu'au moment où elle pourrait le renverser et prendre sa place. Il eut pour lieutenant MoëzzIbn-Motaên, de la tribu de Fezara, lequel avait été vizir [coadjuteur] de son père. La famille de Hamza conçut enfin des soupçons au sujet de la mort de son chef, et s'étant imaginé qu'Abou-Aun avait été aposté par le gouvernement hafside pour le tuer, elle prit les armes avec l'intention de se venger, et, secondée par ses rivaux, les Mohelhel, elle vint camper sous les murs de Tunis. Bientôt, cependant, de graves dissensions éclatèrent parmi les assiégeants, et Talha, fils de Mohelhel, passa, avec son peuple, du côté du sultan. Ce prince marcha aussitôt à la poursuite des autres insurgés et leur infligea un sévère châtiment près de Cairouan. Moezz-Ibn-Motaen, accompagné des cheikhs kaoubiens, se rendit à Cafsa, auprès de l'émir Abou-'l-Abbas, fils d'Abou-Yahya, qu'il espérait pousser à la révolte contre le sultan son père. Le jeune prince répondit à cette démarche en faisant mettre à mort celui qui l'avait entreprise. Les autres membres de la députation parvinrent à s'échapper et prirent le parti de faire leur soumission et de donner des ôtages. Quand Abou-Hafs-Omar se fut emparé du pouvoir, après la mort de son père, le sultan Abou-Yahya, tous les Kaoub se détachèrent de lui pour embrasser le parti de son frère Abou-'lAbbas, gouverneur du Djerîd, qui avait été publiquement reconnu comme héritier du trône. Ils accompagnèrent ce prince à Tunis, emmenant avec eux leurs familles et leurs troupeaux, et ils entrèrent avec lui dans la ville. Bientôt après, Abou-'l-Abbas tomba sous les coups de son frère Abou-Hafs-Omar, comme nous le raconterons ailleurs. Abou-'l-Haul, fils de Hamza, perdit la la vie en même temps, et cette circonstance contribua beaucoup à indisposer les Kaoub contre l'usurpateur. Une députation composée des principaux officiers de l'empire hafside et de tous les grands cheiks de l'Ifrikïa, se rendit alors auprès d'Abou-'l-Hacen, sultan du Maghreb [pour lui faire hom mage], et Khaled, [fils de Hamza], qui les avait accompagné, se mit aux ordres de ce monarque et le conduisit à Tunis. Abou-'lHacen ayant soumis toute l'Ifrîkïa, s'empressa de réprimer l'insolence des Arabes. Il mit un terme à leurs brigandages sur les grandes routes, il les empêcha de lever des contributions à titre de tribut, et il leur ôta les villes que le gouvernement hafside leur avait concédées; les réduisant ainsi au niveau des Arabes de son pays, tels que les Makil et les Zoghba du Maghreb-el-Acsa. De cette manière, il fit peser sur eux le poids de sa domination, et comme ils ne cachèrent point leur mécontentement, il conçut à leur égard l'opinion la plus défavorable. Quelques malfaiteurs bédouins appartenant à la tribu des Kaoub, ayant fait plusieurs incursions sur les frontières de l'empire, il mit ces délits sur le compte de la tribu entière. Aussi, une députation composée de plusieurs chefs kaoubiens étant venue le trouver, à Tunis, il prêta facilement l'oreille aux dénonciations qu'on lui adressa à leur sujet, et ayant appris qu'ils tramaient une conspiration avec un prince hafside de la famille Lihyani qu'il gardait auprès de lui, il les fit tous arrêter. Les membres de cette députation étaient Khaled-Ibn-Hamza, Ahmed-Ibn-Hamza, Khalifa-IbnAbd-Allah - Ibn- Miskin et Khalifa-Ibn-bou-Zeid, cheikh des Hakim. Quand le bruit de cet événement parvint à leur tribu, elle se réunit à Castîlïa, dans le Djerîd, et, ayant rencontré un dernier rejeton de la famille d'Abd-el-Moumen, nommé Ahmed-Ibn-OthmanIbn-Idrîs, elle le proclama sultan et lui prêta serment de fidélité. Abou l'-Alâ-Idrîs, l'aïeul de ce prince, fut le dernier des khalifes Almohades qui régnèrent à Maroc; il porta le surnom d'AbouDebbous et fut mis à mort par Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack, quand ce chef mérinide subjugua le Maghreb et enleva la ville de Maroc aux almohades. Aussitôt que les Kaoub se furent réunis autour d'Ahmed-Ibn-Othman, leurs cousins et rivaux de la famille Mohelhel vinrent se joindre à eux, sous la conduite de Mohammed - Ibn-Taleb qui était devenu chef de la tribu à la mort de son père. Ils se décidèrent alors unanimement à faire la guerre aux Zenata [Mérinides], et, vers le commencement de l'an 749 (4348), ils mirent Abou l'-Hacen dans la nécessité de quitter Tunis pour marcher contre eux. Tant qu'il s'avança, ils reculèrent devant lui, mais, quand il fut arrivé près de Cairouan, ils lui livrèrent bataille, mirent ses troupes en pleine déroute et enlevèrent tous ses bagages avec ceux de son armée. Cette victoire, si funeste à la puissance du sultan, brisa l'autorité de l'empire mérinide, arrêta le triomphe des peuples zenatiens et mit un terme à leur carrière de conquête. Les conséquences en furent immenses, car, dès-lors, commença cette supériorité que les Arabes ont toujours conservée depuis sur les gouvernements établis en Afrique. Après la mort d'Abou-'l-Leil, fils de Hamza, [son frère] Omer, trop faible pour résister aux prétentions ambitieuses de ses parents, se laissa enlever le commandement par son frère Khaled. Mansour, frère et successeur de celui-ci, exerça une puissance devant laquelle le sultan de Tunis, Abou-Ishac, fils d'Abou-Yahya, ne pouvait résister. Les Arabes s'emparèrent de toutes les campagnes de l'empire, et mirent le gouvernement hafside dans la nécessité de leur concéder en ictá des villes, des impôts et des propriétés de l'état, de sorte que tout le pays en fut bouleversé. Ils continuèrent à empiéter sur l'empire jusqu'à ce qu'ils lui ravirent le pays ouvert et se firent accorder une grande portion des impôts fournis par les villes, les terres cultivées, les plaines, les plateaux et les régions dactylifères. A chaque instant ils pous saient les princes du sang à la révolte, et marchaient avec eux contre la capitale, afin de pouvoir s'enrichir encore davantage aux dépens de l'État. Le sultan tenta alors de leur susciter des embarras, et ayant transmis leurs priviléges à leurs rivaux de la famille Mohelhel, il réussit à mettre la dissension entre ces deux puissantes tribus. Cet état de choses se prolongea jusqu'à ce que Dieu, ayant voulu écarter les ténébres de l'oppression par les lumières de la justice et délivrer le peuple des maux de la tyrannie, de la famine et de la terreur, inspira au sultan, Émir des croyants, Abou-'l-Abbas-Ahmed, la pensée de s'emparer de la capitale et prendre possession du khalifat dont il était l'héritier légitime. Ce fut en l'an 774 (1369), que ce prince quitta la frontière occidentale de l'empire, accompagné de l'émir des nomades, Mansour, fils de Hamza, qui s'était rallié à lui. Son oncle, le sultan Abou-Ishac, chef de la nation almohade, et maître de la capitale et des forces de l'empire, venait de mourir, et Khaled, fils de celui-ci, s'était emparé du pouvoir. Abou-'l-Abbas, ayant pénétré en Ifrîkïa, enleva Tunis d'assaut, en l'an 772. Dès-lors il déploya une grande sévérité contre les Arabes, et les ayant forcés à se courber devant ses armes, il mit enfin un terme à leurs débordements. Cette ligne de conduite déplut tellement à Mansour, qu'il cessa de reconnaître l'autorité de l'empire, et proclama sultan l'émir Abou-Yahya-Zékérïa, fils du sultan [Abou-Bekr, surnommé] Abou-Yahya. Ce prince était resté pendant quelques années parmi les Arabes nomades, comme on le verra dans notre histoire de la dynastie hafside. En 773, Mansour marcha avec son protégé contre Tunis, mais ayant été découragé par la résistance que cette ville lui opposa, il fit la paix avec le sultan, et depuis lors, il le servit avec fidélité. Le rang élevé auquel il venait d'atteindre ainsi que l'extrême sévérité qu'il déploya envers les Arabes dont il était le chef, lui attirèrent enfin la haine de ses propres parents. Aussi, en l'an 775 (1373-4), il fut blessé à mort d'un coup de lance que lui porta son neveu Mohammed-Ibn-Abi'l-Leil et mourut le même jour. La désunion se mit alors dans la tribu, et le commandement passa à Soula-Ibn-Khaled-Ibn-Hamza, neveu de Mansour, auquel on donna pour lieutenant un fils de Moulahem-Ibn-Omar. Soula montra d'abord un certain degré de zèle pour les intérêts du sultan, mais il jeta bientôt le masque et, pendant l'espace de trois années, il demeura en état de rébellion. Le sultan confia alors le commandement des Arabes à Mohammed-Ibn-Taleb-IbnMohelhel, membre de la famille rivale [de celle d'Abou-'l-Leil]. I autorisa les fils de cette maison à donner et à refuser des grâces aux tribus arabes, et il leur assigna le premier rang parmi les autres chefs. Les fils de Moulahem-Ibn-Omar-IbnAbi l'-Leil vinrent aussi se rallier au sultan, mais pendant longtemps, la famille de Hamza continua à s'agiter dans la révolte. |