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Abou-Hammou étant rentré dans son royaume, après la mort d'Abd-el-Aziz, dressa des piéges à Salem-Ibn-Ibrahîm, mais ce chef, les ayant découverts, fit venir Abou-Zîan à Alger et le proclama souverain [du Maghreb central]. En l'an 779 (1377-8), Abou-Hammou se mit en campagne et dispersa les révoltés. Salem prit alors le parti d'abandonner Abou-Zîan et de faire sa soumission. Quelque temps après ces événemens, Abou-Hammou bloqua Salem dans les montagnes de la Metidja et au bout de quelques jours il le décida à capituler. Alors, sans avoir égard aux engagements qu'il venait de contracter, le sultan fit conduire son prisonnier à Tlemcen où on le tua à coups de lance. Telle fut la fin d'un chef que les Thâleba n'étaient pas dignes de posséder. Après cet acte de perfidie, Abou-Hammou s'acharna contre les frères, la famille et la tribu de sa victime jusqu'à ce que l'esclavage, la mort et la confiscation de leurs biens les eurent ruinés et anéantis.

Les Doui - Mansour, ou Beni-Mansour - Ibn-Mohammed, forment la grande majorité de la tribu de Makil et occupent la frontière méridionale du Maghreb-el-Acsa, depuis le Molouïa jusqu'au Derâ. Ils se partagent en quatre branches : les Aulad-Hocein, les Aulad-Bou'l-Hocein, les Amarna et les Monebbat. Hocein et Bou'-l'Hocein [tous deux fils de Mansour] naquirent d'une même mère; et leurs frères consanguins, Amran, l'aïeul des Amarna, et Monebba, l'aïeul des Monebbat, naquirent aussi d'une même mère. Les descendants d'Amran et de Monebba s'appellent collectivement les Ahlaf (confédérés). Les Aulad-Bou-'l-Hocein, devenus trop faibles pour se livrer davantage à la vie nomade, s'établirent à demeure fixe dans des bourgades qu'ils érigèrent au milieu du Désert, entre Tafilelt et Tigourarîn. Les AuladHocein sont assez nombreux pour former la masse des Doui-Mansour, et assez puissants pour dominer sur le reste de cette tribu. Ils reconnaissent à la famille de Ghanem-Ibn-Djermoun le droit de leur fournir des chefs, et sous le règne d'Abou'l-Hacen, ils obéissaient à Ali-Ibn-Djermoun, petit-fils de Djerrar-Ibn-ArefaIbn-Fars-Ibn-Ali-Ibn-Fars-Ibn- Hocein-Ibn-Mansour. Ce chef mourut à la suite du revers éprouvé par les Mérinides à Tarifa

[ en Espagne] ', et eut pour successeur son frère Yahya duquel le commandement passa à Abd-el-Ouahed, fils de Yahya. Abdel-Ouahed transmit l'autorité à son frère Zékérïa. Ahmed-IbnRahhou-Ibn-Ghanem, cousin de Zékérïa, lui succéda et fut ensuite remplacé par son frère Yaïch auquel succéda son cousin, Youçof-Ibn-Ali - Ibn-Ghanem, le même qui gouverne la tribu aujourd'hui.

Sous le règne de Yacoub-Ibn-Abd-el-Hack et sous celui de son fils Youçof, les Mérinides livrèrent plusieurs combats aux Makil. Dans l'histoire de cette dynastie nous parlerons de l'expédition que Youçof-Ibn-Yacoub entreprit contre eux, quand il partit de Maroc et leur infligea un rude châtiment dans le désert du Derà.

A l'époque où ce prince se trouvait dans la partie orientale de ses états, et s'occupait de faire le siége de Tlemcen, les Makil envahirent les frontières du Maghreb, depuis le Derâ jusqu'au Molouïa et Taourîrt; ils livrèrent même plusieurs combats à Abd-el-Ouchhab-Ibn-Saed, gouverneur du Derà, client de la famille royale et grand officier de l'empire. Dans une de ces rencontres, Abd-el-Ouehhab perdit la vie. Les Mérinides étant rentrés en Maghreb après l'assassinat de leur sultan YouçofIbn-Yacoub, se hâtèrent de venger la mort du gouverneur du Derâ, et ayant forcé ces Arabes à rentrer dans l'obéissance, ils les obligèrent à payer dorénavant l'impôt en toute soumission. Dans la suite, l'influence de l'empire s'affaiblit à un tel degré, que les Makil ne payaient plus rien à moins d'y être contraints par la force des armes, et cela dans les rares occasions où le sultan en avait les moyens à sa disposition. Entre les années 750 (4349-50) et 760, après la prise de Tlemcen par Abou-Einan, les Makil accordèrent leur protection à Sogheir-Ibn-Amer qui s'était réfugié chez eux. Ayant ainsi encouru la colère du sultan, ils prirent tous la résolution de répudier son autorité, et jusqu'à sa mort, ils continuèrent à se maintenir en état de révolte et à rester dans le Désert avec Sogheir.

Il s'agit ici de la défaite des Africains sous les murs de Tarifa par Alphonse XI, roi de Castille, en l'an 1340 de J.-C Le lecteur en trouvera le récit dans un autre volume de cet ouvrage.

A la mort d'Abou-Einan, le sultan Abou-Hammou occupa Tlemcen, entreprise dont nous parlerons ailleurs, et les Mérinides marchèrent encore sur cette ville. Abou-Hammou et Sogheir prirent alors la fuite et cherchèrent un asile chez ces Arabes. Une victoire remportée par les Makil sur l'armée mérinide aux environs de Tlemcen, compléta la rupture qui s'était déclarée entre eux et l'empire; aussi, dès ce moment, ils s'attachèrent au parti d'Abou-Hammou, et en récompense de leurs services, ils obtinrent de ce prince la concession d'une partie des plaines que renferme le territoire de Tlemcen. En l'an 763 (4364-2), lors de la mort du sultan Abou-Salem, une grande commotion se manifesta dans le Maghreb par suite de la révolte des fils du sultan Abou-Ali, lesquels s'étaient emparés de Sidjilmessa. Tant que dura cette insurrection, les Makil y prirent une part très-active.

[Leur chef] Ahmed-Ibn-Rahhou eut ensuite un démêlé avec Abou-Hammou, et pour se venger de ce sultan, il fit venir AbouZian, petit-fils du sultan Abou-Tachefin, et envahit avec lui le territoire de Tlemcen. Cette démonstration lui coûta la vie, ainsi que nous le raconterons ailleurs. Plus tard, les Makil devinrent assez redoutables pour se faire concéder par le gouvernement [mérinide] la plus grande partie des impôts fournis par le Derà et la possession des territoires qui dépendent de Tedla et d'ElMâden; territoires situés aux débouchés des défilés par lesquels ils entraient dans le Maghreb, soit pour y passer les printemps et les étés, soit pour y faire leur provision de blé. Quant à Sidjilmessa, cette ville n'appartient pas à eux, mais bien à leurs frères, les Ahlaf.

Parlons maintenant du Derà. Ce pays méridional est traversé par un grand fleuve qui prend sa source dans le Deren [l'Atlas], montagne qui donne aussi naissance au fleuve OmmRebiâ. Celui-ci traverse les plateaux et les plaines du Tell, mais le Derà coule vers le sud-ouest et se perd dans les sables du pays de Sous. C'est sur les bords de cette rivière que s'élèvent les

↑ Plus loin, l'auteur nous apprend que le Derà se jette dans l'Atlantique.

ourgades du Derà. Il y a aussi un autre grand fleuve qui se dirige vers le midi, en dérivant un peu vers l'est, et qui se perd dans les sables un peu au-delà de Tigourarin. Sur la rive occidentale de ce fleuve on rencontre successivement les bourgades de Touat, de Tementît, et de Regan. C'est auprès de cette dernière localité qu'il disparaît dans les sables. Au nord de Regan se trouvent les bourgades de Tementît, et au nord-est, on rencontre ceux de Tigourarîn. Tous ces endroits sont situés derrière la ligne des dunes appelées l'Areg.

Les montagnes de Deren forment par leur assiette, une ceinture qui enferme le Maghreb El-Acsa depuis Asfi jusqu'à Tèza. Au midi de cette chaîne s'élève le Neguiça, montagne occupée par les Sanhadja et dont l'extrêmité qui touche au mont Heskoura s'appelle Djebel-Ibn-Homeidi. De là plusieurs autres chaines de montagnes se détachent parallèlement les unes aux autres, et vont atteindre la Mer-Romaine [la Méditerranée], auprès de Badis. L'on peut donc considérer le Maghreb [El-Acsa] comme une île, entourée au sud et à l'est par des montagnes, et à l'ouest et au nord par la mer. Ces montagnes et les plaines qu'elles renferment sont habitées par des peuplades berbères dont personne, excepté celui qui les a créées, ne peut estimer le nombre. Les rares chemins qui mènent dans le Maghreb à travers ces hauteurs sont toujours couverts d'une foule de voyageurs appartenant aux tribus qui occupent ces localités.

Le Derâ, après s'être perdu dans les sables, entre Sidjilmessa et le Sous, reprend sa course et va se jeter dans l'Océan entre Noun et Ouadan. Ses bords sont couverts de bourgades entourées de dattiers en quantité innombrable. Tadénest 1, la capitale de cette région,, est une grande ville, fréquentée par des marchands qui y vont acheter de l'indigo: ils le paient d'avance, en attendant son extraction de la plante par les moyens de l'art. Les Aulad-Hocein sont maîtres de ce territoire, ils ont soumis les Berbères - Sanaga et les peuplades

1 Un des manuscrits porte Tidici, et en marge d'un autre, on lit: la bonne leçon est Tebdeci; mais c'est là un point qui mérite examen.

qui habitent, soit dans les environs, soit sur le versant de la montagne voisine. Ils leur font payer des contributions forcées, des sauf-conduits et des impôts, pendant qu'ils jouissent eux-mêmes de certains icta que le sultan leur a concédés en retour de leurs services comme percepteurs des impôts réguliers. Immédiatement à l'occident des Aulad-Hocein demeurent les Chebanat, branche des Aulad-Hassan. Grâce à cette position avantageuse, ils se font payer quelques redevances par le peuple du Derà.

Cette portion des Doui-Mansour que l'on désigne par le nom des Ahlaf (affidés, confédérés) se compose des Amarna et des Monebbat. Le territoire qu'ils habitent touche à la frontière orientale de celui qui est occupé par les Aulad-Hocein. La partie du Désert qu'ils parcourent avec leurs troupeaux renferme Tafilelt et les plaines voisines; dans le Tell ils fréquentent les bords du Moloura, les bourgades d'Outat et les territoires de Tèza, de Botouïa et de Ghassaça. Ils perçoivent dans toutes ces localités des redevances et des impôts, sans compter le produit des ictâ qu'ils y tiennent du sultan. Bien qu'ils se livrent assez souvent à des hostilités contre les Aulad-Hocein, l'esprit de corps les porte à faire cause commune avec eux quand il s'agit d'une contestation avec quelqu'autre tribu.

Le droit de commander aux Amarna appartient à la famille Modaffer-Ibn-Thabet-Ibn-Mokhlef-Ibn-Amran, et sous le règne d'Abou-Einan, ils eurent pour chefs Talha-Ibn-Modaffer et son fils Ez-Zobeir. Aujourd'hui, ils obéissent à Mohammed, fils d'EzZobeir, et à Mouça, frère de ce Mohammed. Le commandement en second est exercé par la famille d'Omara-Ibn-. . . .'. -IbnMokhlef, la même à laquelle appartient Mohammed-el-Aaïd.

Les Soleiman [ou Sliman] Ibn-Nadji-Ibn-Omara, une autre branche des Ahlaf, parcourent le Désert avec leurs troupeaux; il leur arrive même très-souvent d'intercepter les caravanes du Soudan et d'attaquer les bourgades situées dans le Sahrâ.

De nos jours, les Monebbat ont pour chef Mohammed-Ibn

Le texte arabe porte ici folan, c'est-à-dire un tel.

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