Images de page
PDF
ePub

Tlemcen dans le dessein de susciter une révolte contre le khalife de Tunis, monarque avec lequel Othman avait fait alliance. Celui-ci exigea l'extradition du fugitif, mais Dawoud, trop généreux pour trahir les devoirs de l'hospitalité, conduisit son protégé auprès d'Atïa-Ibn-Soleiman, un des chefs des Douaouida. Abou-Zékérïa se rendit maître de Bougie et de Constantine, ainsi que nous le dirons ailleurs, et pour reconnaître le service que Dawoud lui avait rendu, il lui concéda Gueddara, territoire situé dans le Hamza. Dawoud alla donc s'y fixer, et, rentré dans les lieux que les gens de sa tribu avaient fréquentés autrefois, dans leurs courses nomades, il y resta jusqu'au moment où [le sultan mérinide] Youçouf-Ibn-Yacoub investit la ville de Tlemcen. Espérant trouver auprès de ce monarque les moyens d'améliorer sa position, il alla le visiter pendant les opérations de ce long siége, et lui présenta une lettre de la part du seigneur de Bougie. Le sultan Youçouf se méfia de lui à raison de cette dernière circonstance, et quand Dawoud se mit en route pour rentrer dans son pays, il envoya à sa poursuite une troupe de cavaliers zenatiens. Ces hommes tuèrent le chef arabe à Beni-Ibgui1, dans pays de Sig; l'y ayant attaqué à l'improviste, pendant la nuit. Said, fils de Dawoud, lui succéda dans le commandement de la tribu des Beni-Amer.

le

Quand le siége de Tlemcen fut levé, les fils d'Othman-IbnYaghmoracen rétablirent la famille de Dawoud sur le territoire qu'elle avait occupé précédemment; voulant lui témoigner de cette manière, les sentiments bienveillants qu'ils avaient conçus pour elle depuis l'assassinat de son chef par les Mérinides. Les Beni-Yacoub se virent bientôt disputer le commandement des Beni-Amer par la famille de Moarref-Ibn-Saîd [-Ibn-Rebab], dont la puissance s'était considérablement accrue. Chacun des deux partis supportait avec impatience la supériorité de l'autre, et les Beni-Moarref s'étant concilié, par leur conduite paisible et régulière, la faveur du gouvernement abd-el-ouadite, Said-IbnDawoud céda à la jalousie et se rendit auprès d'Abou-Thabet, le

1 Variante: Beni-Liki.

sultan mérinide; espérant obtenir de lui les moyens de rétablir son influence. A la suite de cette démarche, qui n'eut du reste aucun succès, il rentra dans sa tribu dont tous les membres continuaient encore à former un seul corps.

L'inimitié qui subsistait entre les Beni-Yacoub et les BeniMoarref s'accrut enfin à un tel point, qu'Ibrahîm-Ibn-Yacoub-IbnMoarref se jeta sur Said-Ibn-Dawoud et lui ôta la vie. Dans cet attentat il eut pour complice un de ses parents nommé MadiIbn-Rouwan. Tous les descendants de Rebab s'empressèrent de prendre le parti de leur parent [Ibrahîm]; de sorte que la tribu des Beni-Amer se trouva séparée en deux fractions, les BeniYacoub et les Beni-Hamîd. Cet événement eut lieu sous le règne d'Abou-Hammou-Mouça-Ibn-Othman, prince descendu de Yagh

moracen-Ibn-Zian.

A la mort de Saîd, le commandement des Beni-Yacoub passa à son fils Othman. Quelque temps après, Ibrahîm-Ibn-Yacoub, le chef des Beni-Hamid, cessa de vivre, et son fils Amer, homme d'une grande résolution et d'une certaine célébrité, lui succéda. Amer passa en Maghreb, devançant ainsi Arîf-Ibn-Yahya, et se rendit auprès du sultan Abou-Said, lequel épousa sa fille et lui donna une somme d'argent assez considérable.

Othman [le fils de Saîd] ne cessa d'épier l'occasion de venger la mort de son père; il cherchait à y parvenir tantôt par la force des armes et tantôt sous les dehors de la paix et de l'amitié, jusqu'à ce qu'enfin il trouva moyen d'assassiner dans sa tente [Amer-Ibn-Ibrahîm, le fils de celui qui avait tué son père]. Il prodigua au cadavre de sa victime les insultes les plus injurieuses aux yeux des Arabes, et il brisa ainsi, à tout jamais, les faibles liens qui rattachaient encore l'une de ces tribus à l'autre. Aussi, quand les Beni-Hamîd eurent plus tard à combattre les Soueid, les Beni-Yacoub se firent les alliés et confédérés de ceux-ci.

Les nomades soueidiens allèrent ensuite joindre Arîf - IbnYahya dans le territoire mérinide, et la famille d'Amer-IbnIbrahîm acquit alors, par le nombre de ceux qui reconnaissaient son autorité, une puissance qui la rendit formidable aux BeniYacoub. Ceux-ci entrèrent aussi en Maghreb et ne le quittèrent

que pour accompagner [en Ifrikïa] l'armée du sultan Abou-'l-Hacen. Leur chef Othman [-Ibn-Saîd-Ibn-Dawoud] fut tué par les fils d'Arif-Ibn-Said [-Ibn-Rebab] pour venger la mort de leur parent, Amer-Ibn-Ibrahîm. Hedjrès-Ibn-Ghanem-Ibn-Hilal-IbnAttaf, cousin et lieutenant d'Othman, lui succéda. A la mort de Hedjrès, l'autorité passa à son cousin Soleim-Ibn-Dawoud.

Lors de la prise de Tlemcen par le sultan Abou-'l-Hacen, la famille d'Amer-Ibn-Ibrahîm s'enfuit dans le Désert avec son chef Sogheir-Ibn-Amer. Le sultan employa alors l'entremise d'ArîfIbn-Yahya afin de gagner toutes les autres branches des BeniHamid et des Aulad-Rebab. Ceux-ci abandonnèrent Sogheir pour se ranger du côté des Mérinides, et ils obtinrent alors du sultan un autre chef dans la personne de Yacoub-Ibn-el-AbbasIbn-Meimoun-Ibn-Arîf-Ibn-Saîd, un de leurs cousins. Quelque temps après, Omar-Ibn-Ibrahim, oncle de Sogheir, se rendit auprès d'Abou-'l-Hacen et obtint sa nomination au commandement [des Beni-Hamid]. Toute cette tribu entra alors au service de ce sultan, à l'exception des Beni-Amer-Ibn-Ibrahim, qui passèrent chez les Douaouida et se mirent sous la protection de Yacoub-Ibn-Ali. Ils restèrent au milieu de cette tribu jusqu'à l'apparition du prétendant Ibn-Hidour.

Cet imposteur, qui se donnait pour Abou-Abd-er-Rahman, fils du sultan Abou-'l-Hacen, leur procura l'occasion d'allumer le feu de la révolte. Les Dïalem, les Aulad-Meimoun-Ibn-Othman, branche des Soueid, et toutes les autres peuplades dont le gouvernement mérinide avait encouru la haine, donnèrent leur appui à cet aventurier afin de se venger d'une dynastie qui avait comblé de faveurs Arîf et son fils Ouenzemmar. Poussées par la jalousie qu'elles en avaient ressentie, ces tribus accoururent sous le drapeau du prétendant et lui prêtèrent le serment de fidélité. D'après l'ordre du sultan, Ouenzemmar rassembla les Arabes soumis à son autorité, marcha contre les insurgés et les mit en pleine déroute. Sogheir-Ibn-Amer se jeta dans le Désert avec ses frères et ayant traversé l'Areg, ceinture de dunes qui forme la limite du territoire parcouru par les Arabes nomades, il s'arrêta au Coléïâ de Ouallen. Après y avoir séjourné pendant quelque

temps, il se rendit auprès du sultan Abou-'l-Hacen pour lui demander grâce, et lui ayant remis son frère Abou-Bekr comme ôtage, il l'accompagna dans l'expédition de l'Ifrîkïa et assista à la déroute de Cairouan. Il rejoignit ensuite sa tribu, et passa avec elle au service d'Abou-Saîd-Othman, fils d'Abd-er-Rahman, fils de Yahya, fils de Yaghmoracen, qui s'était emparé de Tlemcen, en l'an 750 (1349-50), à la suite de la catastrophe dont nous venons de parler.

Sogheir et son peuple jouirent dès-lors d'une grande influence auprès de la dynastie abd-el-ouadite. Quant aux Soueid et aux Beni-Yacoub, ils rentrèrent en Maghreb et marchèrent, plus tard, dans l'avant-garde du sultan Abou-Einan. [Tlemcen succomba alors de nouveau], les princes de la famille Yaghmoracen perdirent la vie, leurs partisans se dispersèrent, et Sogheir passa dans le Désert, selon sa coutume. De ce lieu de refuge il épiait le progrès des chefs qui se révoltaient contre l'empire mérinide, et ayant réuni autour de lui une grande partie de sa tribu, les BeniMoarref, il commença à faire des courses dans les pays voisins.

En l'an 755, les Hocein, tribu makilienne, se soulevèrent contre les Mérinides et résistèrent quelque temps aux armes d'Abou-Einan. Ils entreprirent même le siége de Sidjelmessa et dans toutes leurs expéditions ils eurent Sogheir pour camarade et allié. S'étant enfin rendus à Nokour afin d'y faire une provision de blé, ils furent attaqués par l'armée mérinide et perdirent tous leurs bagages, après avoir vu une foule de leurs guerriers succomber sur le champ de bataille ou tomber au pouvoir de l'ennemi. Depuis ce revers, ils n'osent plus quitter le Désert; aussi leurs terrains de parcours [dans le Tell] sont maintenant occupés par les Soueid et les Beni-Yacoub, et la faveur dont ils jouissaient auprès du sultan a été transmise à ces deux tribus.

Après la mort d'Abou-Einan, un prince de la famille Yaghmoracen releva le trône de ses ancêtres à Tlemcen. Abou-HammouMouça était fils de Youçof, frère du sultan Abou-Saîd-Othman,

Ici les manuscrits et le texte imprimé portent oua khalef; il faut y supprimer un point diacritique et lire oua halef.

fils d'Abd-er-Rahman. A l'époque où sa famille succomba sous les coups d'Abou-Einan, il alla fixer sa demeure à Tunis, et il s'y trouvait encore quand Sogheir passa chez les Douaouida et obtint la protection de Yacoub-Ibn-Ali. Celui-ci était alors en révolte contre le sultan Abou-Einan, circonstance dont Sogheir profita pour le pousser à retirer Abou-Hammou de l'état de dépendance dans lequel il vivait à la cour des Hafsides, et à marcher avec lui contre les Mérinides qui occupaient Tlemcen. Les Hafsides répondirent au désir de Yacoub-ben-Ali et laissèrent partir leur protégé après lui avoir fourni un équipage royal. Sogheir se joignit au prince abd-el-ouadite avec Soula, fils de Yacoub-Ibn-Ali, Zîan, fils Othman-Ibn-Sebâ et Chibl-Ibn-Molouk-Ibn-Othman, neveu de Zian. Parmi les nomades de la tribu de Rîah ils trouvèrent un ami dans Dagghar-Ibn-EïçaIbn-Rehab qui vint les accompagner avec sa tribu, les Saîd. Quand ces chefs eurent escorté Abou-Hammou jusqu'à la frontière de leur territoire, ils le quittèrent tous, à l'exception de Dagghar et de Chibl. Le prince abd-el-ouadite continua sa marche avec les partisans qui lui restaient. Ses alliés, les BeniAmer, ayant rencontré les troupes souidiennes [au service des Mérinides], les mirent en déroute et tuèrent leur chef Eïça-IbnArif. Abou-Bekr, frère d'Arif, fut fait prisonnier, mais quelque temps après, il recouvra la liberté par la bienveillance d'AliIbn-Omar-Ibn-Ibrahim, cousin de Sogheir. La nouvelle de cette défaite arriva à Fez au moment où le peuple revenait des funérailles du sultan Abou-Einan.

Après ce premier succès, Abou-Hammou marcha sur Tlemcen avec ses alliés arabes, et ayant enlevé cette ville aux Mérinides, il y établit son autorité. Environ deux années plus tard, Sogheir perdit la vie dans un conflit qui eut lieu entre quelques cavaliers de sa tribu : s'étant jeté au milieu d'eux pour apaiser le tumulte, il s'enferra accidentellement sur une de leurs lances et mourut du coup.

Khaled-Ibn-Amer, frère de Sogheir, prit alors le commandement de la tribu et choisit pour lieutenant son neveu, Abd-Allah, fils de Sogheir.

« PrécédentContinuer »