Images de page
PDF
ePub

bles excès auxquels se livrèrent alors les barbares, on est obligé de supposer qu'ils furent animés, dans leur œuvre de destruction, par la rage aveugle des Maures et leur esprit de vengeance. Ce fut ainsi que les Vandales parcoururent, massacrant et ravageant, les trois Mauritanies, et qu'ils arrivèrent au fleuve Amsaga (le Roumel, qui devait être, aux termes du traité conclu avec Boniface, la limite de leur empire (1).

Chez le comte Boniface, le repentir n'avait pas tardé à suivre l'accomplissement de sa faute; il chercha, mais en vain, à la réparer. Réconcilié avec Placidie, il voulut forcer les Vandales à retourner en Espagne. La guerre, malgré les talents militaires de Boniface, ne fut pas heureuse pour lui. Il fut battu non loin de l'Amsaga, dans les plaines de Setif peut-être, et se vit obligé de se retirer à Hippone (Bône), qu'il devait perdre encore après un siége de quatorze mois.

Lorsque Genseric eut réuni sous son pouvoir presque tout ce qui avait obéi à Rome, depuis Tanger jusqu'audelà de Carthage, il organisa sa conquête, chercha à se concilier les Maures, favorisa les donatistes, longtemps persécutés, et tenta de réunir les innombrables sectes d'Afrique dans le sein de l'arianisme qu'il professait, et qui semblait les résumer toutes.

En Afrique, dit la chronique de Saint Prosper, Genseric, roi des Vandales, voulant substituer l'hérésie arienne à la foi catholique dans toute l'étendue de ses possessions, persécuta quelques-uns de nos évêques, parmi lesquels Possidius, Novatus et Severianus étaient surtout illustres;

(1) Histoire des Vandales en Afrique, Yanoski.

et comme les cruautés du tyran n'intimidaient point leur fermeté, non-seulement il les priva de leurs églises, mais il les chassa même de leurs villes. >>

Cela se passait lors de la persécution ordonnée par Genseric, en 437.

Possidius, l'auteur de la Vie de Saint Augustin, était évêque de Calama (Guelma), et Novatus, ami de ce saint illustre, était évêque de Setif.

L'épitaphe de Novatus, trouvée à Setif en 1853, se lit ainsi :

Hic jacet antisles sanctusque Novatus.

Terdenos et septem sedis qui meruit annos;.
Recessit die decima kalendas septembres,

(anno) provinciæ quadringentesimo primo.

Ci-gît le saint évêque Novatus, qui occupa ce siége pendant trente-sept ans. Il mourut le 10 des calendes de septembre de l'an de la province 401 (23 août 440 de l'ère vulgaire). »

Novatus fut donc inhumé à Setif. Mais y mourut-il, ou bien ses restes furent-ils apportés du lieu de son exil (1)?

Ni les créations, ni les réformes de Genseric ne durėrent beaucoup au-delà de son existence. Ces Vandales, qui étaient venus châtier les vices et les crimes des Romains d'Afrique, ne tardèrent pas à les imiter et peut-être à les dépasser. Toutes leurs vertus guerrières s'effacèrent et disparurent dans le luxe et dans la mollesse. La force de l'empire vandale décrut chaque jour sous les succes

(1) Voir les judicieuses observations présentées à ce sujet par M. Poulle, dans son travail sur la Mauritanie sitifienne.

seurs de Genseric. Les tribus nomades, qui, déjà, dans les derniers temps de la domination romaine, avaient regagné du terrain sur le pays conquis à la civilisation, devinrent plus entreprenantes, à mesure que les moyens de résistance s'affaiblirent; une lutte permanente s'engagea. Le motif de cette lutte était le plus souvent la violence et les brigandages exercés par les Maures sur les bourgades. C'est à moment que Bélisaire débarqua en Afrique, venant de Constantinople où régnait l'empereur Justinien. Les victoires qu'il remporta sur Gelimer décidèrent la perte définitive de l'Afrique pour les Vandales. Dans l'espace de trois mois, la ruine complète de Gelimer et de son peuple était consommée.

Avant la bataille de Tricamara, qui décida du sort de l'empire vandale, les Maures de la Numidie et de la Mauritanie avaient envoyé des ambassadeurs à Bélisaire pour l'assurer de leur soumission à l'empereur; plusieurs chefs lui donnèrent même leurs enfants en otage et lui demandèrent les insignes de la royauté, ne considérant pas comme suffisante l'investiture qu'ils tenaient des Vandales. Bélisaire se rendit à leurs désirs; toutefois, les Maures ne lui fournirent aucun secours en hommes; ils allendirent l'issue de la guerre dans une stricte neutralité, et n'attaquèrent les Byzantins que lorsqu'ils virent Bélisaire remonter sur son vaisseau pour quitter l'Afrique. Jabdas, chef des Maures de l'Aurès, à la tête d'une armée de trente mille hommes, se mit à ravager la Numidie et à faire de nombreux prisonniers. Il s'était ligué avec Massinas, que Procope appelle roi des barbares de la Mauritanie, lesquels pourraient bien être les Babares ou Bavares que nous connaissons déjà comme étant les habi

tants des Babors. Le nom de Massinas rapproché de celui des Massissenses ou Massinissenses, que nous avons placés dans la Kabilie, sur la rive gauche de l'Oued-Sahel, permet de supposer qu'il s'agit eneore des mêmes peuplades qui s'étaient tant de fois révoltées sous les Romains.

Massinas, pour donner la main à labdas, avait dû s'emparer des états d'un autre chef indigène nommé Orthaïas, pendant que labdas se rendait maître de la grande et fertile contrée qui s'étend à l'ouest de l'Aurès, dit Procope, et touche à la région des Maures, sujets d'Orthaïas. Cette contrée est évidemment le Hodna; par conséquent, la chaine du Bou-Taleb aurait fait partie des possessions de ce dernier chef. Il racontait lui-même à l'historien grec que ses états confinaient à un vaste désert, au-delà duquel habitait une race d'hommes qui avaient la peau blanche et les cheveux blonds. C'étaient sans doute les habitants des montagnes qui bordent la plaine du Hodna du côté du midi (1).

Les triomphes de Salomon, successeur de Bélisaire, remirent un instant au pouvoir de l'empereur d'Orient quelques portions intérieures du pays. Les monts Aurès, devenus le centre d'une résistance active de la part des indigènes, furent conquis par lui et fortifiés contre de nouvelles incursions.

Il se rejeta ensuite sur la province de Zaba, ou première Mauritanie, et la rendit tributaire. Cette province n'est autre que la Sitifienne. Procope l'appelle aussi Zabi (aujourd'hui Bechilga, près de Messila), qui était une des villes les plus importantes de la contrée.

(1) La Mauritanie sitifienne, par M. Poulle.

Les montagnes situées entre Batna et Setif furent, sans dote, visitées à cette époque par Salomon; mais les rigueurs de l'hiver l'empêchèrent de s'y maintenir et l'obligèrent à descendre dans la plaine du Hodna, où sa présence était plus utile pour relever le moral des populations que pour les délivrer des bandes maures. C'est à ce moment, c'est-à-dire à la fin de l'année 540, que Zabi et d'autres villes du Hodna sortirent de leurs ruines, et que furent reconstruites à Setif les murailles byzantines, qui, de nos jours encore, forment la kasba, ou quartier militaire, sur la place Barral et sur l'ancien marché arabe.

Un fragment d'inscription attribuerait, en effet, à Salomon cette reconstruction. Il est ainsi conçu :

ANTIQVAMC.....
SOLOMONFORTI.......

M. Poulle l'a complétée de la manière suivante :

Antiquam civitatem Sitifim Solomon fortissimus œdificavit ou munivit.

Le génie militaire n'a fait que restaurer les parties endommagées par le temps. Les murs avaient été faits. avec soin; mais on reconnaît sans peine qu'on n'y a employé que des pierres de taille qui étaient sur place; les assises ne sont pas régulières comme dans les constructions romaines, les pierres sont mal jointes, et un grand nombre avaient déjà appartenu à d'autres monuments (1).

(1) Poulle, Revue africaine (1861) et Recueil archéologique de Constantine (1863).

« PrécédentContinuer »