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Pise avec un officier du gouverneur de l'Afrique. Plus tard, le lieutenant aglabite envoya de Carthage à Charlemagne des reliques de saint Cyprien. L'éléphant offert à l'empereur par le calife fut conduit par les voies de terre jusque dans le Magreb, où on l'embarqua pour Porto Venere. Ces détails, minimes en eux-mêmes, indiquent que l'Italie du nord et la Gaule obtinrent aussi à certaines époques, et au moins sous le règne de Charlemagne, la sécurité réciproque des marchands, et des trêves plus ou moins bien observées.

Venise, qui commençait à étendre dès lors ses relations dans toute la Méditerranée par une politique pacifique et d'habiles négociations, saisissait les occasions propices d'envoyer ses navires en Égypte et dans le Magreb. La république savait concilier les intérêts de ses armateurs avec le respect dû aux décisions des papes et des conciles, qui de bonne heure frappèrent d'interdit la vente des armes, des bois et des marchandises de guerre aux Sarrasins d'Orient et quelquefois à ceux du Magreb. En 971, le sénat, sanctionnant les décisions apostoliques, défendit à ses navires d'apporter la contrebande de guerre en pays musulman, mais autorisa ceux qui se rendraient à El-Mehadia et à Tripoli de prendre pour ces ports toutes autres cargaisons d'objets en bois, tels que vases, ustensiles, écuelles, bâtons, échelles et ensouples ou rouleaux de tisserand; ce qui indique et la cherté du bois et une fabrication d'étoffes assez active dans le Magreb oriental. Dandolo rapporte que le doge Orséolo II, élu en 991 et mort en 1009, parvint à établir des rapports amicaux et bienveillants avec tous les princes sarrasins de son temps.

Prospérité de l'Afrique aux xe et XIe siècles.

Le nord de l'Afrique, prospère, riche et industrieux encore, comme nous venons d'en recueillir en passant un témoignage significatif, offrait un champ bien digne de tenter les entreprises du commerce européen. Les écrits des géographes et des historiens arabes de ces temps sont intéressants à consulter à ce sujet, et nous ne saurions mieux faire que de reproduire le savant tableau formé par M. Amari des renseignements épars qu'ils renferment.

<< Les ouvrages d'Ibn-Haukal, d'Ibn-Adhari et de Bekri, dit M. Amari, nous montrent l'ingénieuse distribution des eaux dans toute l'Afrique proprement dite, la vaste irrigation des champs, la culture générale des oliviers et de beaucoup d'autres arbres fruitiers; la canne à sucre cultivée à Kairouan, le coton à Msila, l'indigo à Sebab, les mûriers et les vers à soie à Cabès; puis les manufactures de toiles fines et de laine à Sousa, l'art de fouler et de lustrer les 'draps, suivant l'usage d'Alexandrie, à Sfax; des étoffes de coton fabriquées dans le Soudan, les poteries légères à Tunis; des laines et des draps noirs et bleu azur à Tripoli; des draps à Agdabia; la pêche habituelle du corail à Tenès, Ceuta et Mersa-Kharès. Ils nous parlent de l'opulence des marchands de Kairouan, opulence telle que ces négociants payèrent en 976 au gouvernement ziride un subside de 400,000 dinars, et que l'un d'eux fut taxé à 10,000 dinars, c'est-à-dire à 130,000 francs. Nous y voyons l'importation constante des bois pré

cieux de l'Inde, de l'ébène et de l'or brut du Soudan; les marchands espagnols établis à Bone; l'Afrique propre commerçant habituellement avec l'Orient, où elle envoyait surtout des esclaves mulâtres, des esclaves noirs, des esclaves (prisonniers) latins, grecs et slaves. En ce qui concerne particulièrement le commerce italien, il n'est pas douteux qu'on ne vendît en Afrique les toiles de Naples, plus fines que toutes celles de l'Orient et de l'Occident, que les navires vénitiens n'apportassent des ustensiles de bois à El-Mehadia et à Tripoli, que nos navires ne vinssent échanger des marchandises diverses contre l'huile de Tripoli, et qu'ils n'achetassent souvent au comptant l'huile de Sfax. Ce que les chroniqueurs disent de la richesse et du faste de la cour des Fatimides d'Égypte et des Zirides, d'abord préfets, puis usurpateurs de l'Afrique, paraîtrait une fantaisie. orientale, si tous ces témoignages venus de sources diverses ne concordaient sur ce point; si les monuments du Caire, comparables à nos plus beaux palais et à nos plus belles églises du moyen âge, n'étaient encore là pour attester la splendeur et la civilisation de ces temps, et si on ne pouvait enfin signaler la cause de toutes ces richesses. Bagdad ayant promptement déchu au dixième siècle même, le commerce des Indes et de la Chine, qu'elle avait attiré dans le golfe Persique, retourna dans la mer Rouge, au Caire et à Alexandrie, où les Fatimides s'efforcèrent de le retenir. Le Magreb profita de sa situation intermédiaire, et ses ports devinrent les échelles de la navigation entre l'Égypte et l'Espagne. Le commerce avec

l'Italie et avec le Soudan fut encore une cause de grandes richesses pour le Magreb. »

1048-1052. Les Zirides, gouverneurs du Magreb au nom des califes d'Égypte, se déclarent indépendants. Invasion des Arabes de la haute Égypte dans le Magreb.

Il survint vers cette époque un événement considérable qui modifia profondément les rapports et la composition des tribus du nord de l'Afrique, et dont nous devons parler, bien qu'il ne nous semble pas avoir influé sur la politique des rois d'Afrique avec les chrétiens de leurs États ou les chrétiens du dehors.

El-Moëzz, le Ziride, gouverneur de l'Afrique orientale au nom des Fatimides d'Égypte, s'étant déclaré indépendant à El-Mehadia en 1048, le calife El-Mostancer résolut de punir sa révolte en lançant contre lui les tribus d'Arabes pillards et misérables, appelés les Arabes Hilaliens, qui erraient dans la haute Égypte. Il les fit assembler et leur dit : « Je vous fais cadeau du Magreb et « du royaume d'El-Moëzz, fils de Badis, esclave qui << s'est soustrait à l'autorité de son maître. Ainsi, doré<< navant, vous ne serez plus dans le besoin. » En différentes fois, un million de nomades, autorisés par cette concession facile, envahirent la Cyrénaïque, qu'ils dévastèrent, et peu après, en l'année 443 de l'hégire, 1051-1052 de l'ère chrétienne, pénétrèrent dans l'Afrique proprement dite, où ils mirent littéralement tout à feu et à sang.

On attache une grande importance ethnographique à cette seconde immigration arabe dans l'Afrique septentrionale.

Les descendants des anciens conquérants s'étaient dispersés et avaient été presque absorbés dans les masses de la population berbère, infiniment supérieures par le nombre. L'invasion de 1032 apporta un nouvel élément au sang ismaélique prêt à s'éteindre, et l'on tient tout ce qui reste de purement arabe aujourd'hui dans le nord de l'Afrique pour une provenance des tribus hilaliennes que le ressentiment du calife d'Égypte jeta comme une plaie sur le pays, afin de se venger de la défection de son vizir.

Ces faits de l'histoire intérieure du Magreb ne nous paraissent pas avoir eu la moindre influence appréciable, nous le répétons, sur les relations de l'Afrique avec les souverains étrangers. Les Hilaliens bouleversèrent le Magreb oriental et le Magreb central; pendant trois ans, à la suite de leur irruption, l'anarchie la plus complète et des guerres continuelles troublèrent le pays; et durant ce désordre, qui leur permettait de faire la loi, ils ne parvinrent à fonder aucune dynastie. « Cette race d'en<«< vahisseurs, dit Ibn-Khaldoun, n'a jamais eu un chef «< capable de la diriger et de la contenir. » Maîtres un moment des places les plus fortes, Kairouan, El-Mehadia; Constantine, ils ne purent en conserver aucune. Presque partout ils finirent par rechercher l'alliance et par accepter la suzeraineté des émirs berbères qu'ils avaient dépossédés. Chassés de toutes les grandes villes, ils se fixèrent dans les campagnes, où ils furent toujours redoutés pour leur insolence et leurs brigandages. ElMoëzz rentra dans El-Mehadia, et ses enfants, quoique affaiblis par la révolte et la perte des provinces occidentales, y compris Tunis, régnèrent encore près d'un

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