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gues files de troupes, sur ces lumières qui brillaient au loin, il s'écria: «O toi dont le règne ne finira pas, prends en pitié celui dont le règne va finir!» On le rapporta sur son lit. Moutaçem, voyant que son état s'aggravait, chargea quelqu'un de réciter à son oreille la profession de foi musulmane; comme cet homme élevait la voix pour que Mamoun répétât ses paroles, Ibn Masaweïh lui dit:

THÈME 201e.

Détails sur la mort du Khalife Mamoun (suite.) «Ne crie donc pas, car en vérité il ne saurait maintenant distinguer entre son Dieu et Manès (j)». Le moribond ouvrit les yeux; ils étaient démesurément grands et brillaient d'un éclat extraordinaire; ses mains cherchèrent à saisir le médecin; il fit un effort pour lui parler et ne put y réussir; ses yeux se tournèrent vers le ciel et se remplirent de larmes; enfin, sa langue se déliant, il prononça ces mots: «O toi qui ne meurs pas, prends en pitié celui qui va mourir!» et il expira aussitôt (jeudi, treizième jour avant la fin de Redjeb 218). Son corps fut transporté à Tarsous (b) et inhumé dans cette ville, comme nous l'avons dit au commencement du chapitre. (Extrait des Prairies d'or de Maçoudi, vol. 7, traduction de M. Barbier de Meynard.)

THÈME 202e.

Le vizir Djafar et le faussaire.

Il y avait, dit-on, entre le vizir Djafar et le viceroi d'Égypte ( o), une inimitié réciproque, et chacun d'eux évitait d'avoir aucun rapport avec l'autre. Dans cet état de choses, un particulier s'avisa de contrefaire une lettre sous le nom de Djafar, adressée au gouverneur d'Égypte, par laquelle Djafar lui marquait que le porteur de cette lettre était un de ses meilleurs amis; qu'il avait voulu se procurer le plaisir de voir l'Égypte, et qu'en conséquence il le priait de lui faire l'accueil le plus favorable. Cette recommandation était conçue en termes très-pressants. Muni de cette lettre, il se rendit en Égypte, et la présenta au gouverneur de cette province, qui, l'ayant lue, en fut fort surpris, et en eut une extrême joie.

THÈME 203e.

Le vizir Djafar et le faussaire (suite.)

Cependant, il ne laissa pas de concevoir quelques doutes, et d'avoir des soupçons sur son authenticité. Il fit donc, au porteur de la lettre, l'accueil le plus gracieux; il lui assigna un magnifique hôtel pour son logement, et eut le plus grand soin de fournir à tous ses besoins; mais en même temps il envoya la lettre à son chargé d'affaires à Bagdad, en lui marquant

qu'elle lui avait été présentée par un des amis du vizir; que néanmoins, doutant qu'elle fût véritablement écrite par le vizir, il voulait qu'il prît là-dessus des informations, et qu'il s'assurât si l'écriture de la lettre était effectivement celle de Djafar. La prétendue lettre de Djafar était jointe à celle du vice-roi.

THÈME 204e.

Le vizir Djafar et le faussaire (suite.) Quand son homme d'affaires les eut reçues, il alla trouver l'économe (,) du vizir, lui conta l'aventure, et lui fit voir la lettre. Celui-ci l'ayant prise de ses mains, la porta à Djafar, et lui fit part de ce qu'il venait d'apprendre. Djafar lut la lettre, et, reconnaissant l'imposture, il la montra à un certain nombre de personnes de sa cour et de ses subalternes qui se trouvaient chez lui, et leur dit: «Est-ce là mon écriture?» Après l'avoir considérée, ils déclarèrent tous qu'ils ne la reconnaissaient point, et que c'était une lettre contrefaite. Alors il leur conta toute l'affaire, leur dit que l'auteur de cette lettre était en ce moment auprès du vice-roi d'Égypte, et que celui-ci n'attendait que sa réponse pour savoir à quoi s'en tenir sur son compte: puis il leur demanda quel était leur avis, et comment ils pensaient que l'on dût traiter ce faussaire.

THÈME 205e.

Le vizir Djafar et le faussaire (suite.)

Les uns furent d'avis qu'il fallait le faire mourir, pour couper court à une pareille perfidie, et empêcher que qui que ce fût n'osât imiter son exemple; d'autres voulaient qu'on lui coupât la main qui avait commis ce faux; quelques-uns opinèrent qu'il suffisait de lui faire donner la bastonnade, et de le laisser aller; enfin, ceux dont l'avis était le plus raisonnable voulaient qu'on se contentât, pour toute punition, de le frustrer du fruit de son crime; qu'on instruisît le vice-roi d'Égypte de son imposture, pour qu'il n'eût aucun égard à la prétendue recommandation: << il serait», disaient-ils, «assez puni d'avoir fait le voyage de Bagdad en Égypte, et d'être contraint, après un si grand trajet, à revenir sans en avoir tiré aucun profit ».

THÈME 206e.

Le vizir Djafar et le faussaire (suite)

Quant ils eurent fini de parler, Djafar leur dit: «Grand Dieu, n'y a-t-il donc parmi vous personne capable de discernement? Vous savez l'inimitié et l'opposition mutuelle que le vice-roi d'Égypte et moi avions l'un pour l'autre, et vous n'ignorez pas qu'un sentiment de hauteur et d'amour-propre nous empêchait respectivement de faire le premier pas pour

une réconciliation; Dieu a lui-même suscité un homme qui nous a ouvert les voies d'un accommodement, nous a procuré l'occasion de lier une correspondance et a mis fin à cette inimitié».

THÈME 207e.

Le vizir Djafar et le faussaire (suite.)

«Faudra-t-il que pour récompense du service important qu'il nous a rendu, nous lui fassions subir les peines que vous proposez?» En même temps il prit une plume et écrivit au vice-roi d'Égypte, sur le dos de la lettre: «Comment, par Dieu, avez-vous pu douter que ce fût là mon écriture? Cette lettre est écrite de ma main, et cet homme est de mes amis: je désire que vous le combliez de bienfaits, et que vous me le renvoyiez promptement; car je soupire après son retour, et sa présence ici m'est nécessaire ».

Le vice-roi d'Égypte ayant reçu la lettre avec la réponse du vizir, qui était écrite sur le dos, ne se

il n'oublia rien : كان يطير من الفرح) sentit pas de joie

de ce qui pouvait être agréable à cet homme, lui donna une grande somme d'argent, et le combla de riches présents.

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