Images de page
PDF
ePub

compagnant

) sur sa cruche et ne cessa de le répéter jusqu'à ce qu'il fut écrit dans ma mémoire. Nous nous séparâmes; je retournai chez mon maître, mais fort inquiet et tremblant. En me voyant il exigea le payement de ma taxe; ma langue bredouillait des excuses: «« La leçon d'hier ne te suffit donc pas ?»» <<< me dit-il ». «<«Je veux vous parler franchement et sans mensonge»», «lui répondis-je», ««l'argent de la taxe d'hier et de celle d'aujourd'hui a servi au payement de cette chanson »»; «et je m'empressai de la lui faire entendre >>.

THÈME 194e.

Le chanteur Meskin de Médine (suite.)

««Comment»», «s'écria-t-il », ««tu savais un pareil air depuis deux jours et tu ne m'en disais rien ! Que je répudie ma femme, s'il n'est pas vrai que je t'aurais affranchi dès hier si tu me l'avais fait entendre! Tu as la tête et le menton rasés; à cela je ne peux plus rien; mais je te fais remise de ton impôt, pour l'amour de Dieu, jusqu'à ce que tes cheveux repoussent »».

Réchid rit de bon cœur et dit au musicien: « Je ne sais ce qui est le plus agréable de ton histoire ou de ton chant; je veux à mon tour que les promesses

de la négresse soient ratifiées!» Et, en effet, Meskin ne sortit qu'après avoir touché ses quatre mille dinars.

(Extrait des Prairies d'or de Maçoudi, vol. 6, traduction de M. Barbier de Meynard.)

THÈME 195e.

Détails sur la mort du Khalife Mamoun (olni.)

Mamoun continua sa marche et ne s'en détourna plus avant d'avoir pris quatorze places fortes. C'est alors qu'il revint sur ses pas et campa sur la rivière Bedidoun), plus connue sous le nom de Kochairah (B), comme nous l'avons dit dans les pages précédentes; il s'y arrêta en attendant le retour des envoyés qu'il avait laissés dans les places fortes, et il campa sur les bords et à la source même de cette rivière. Captivé par cette eau fraîche, pure et limpide, par la beauté et la riante végétation du pays, il fit couper et étendre au-dessus de la source de longues poutres, sur lesquelles on construisit une sorte de portique en planches et en feuillage, et il s'établit sous cet abri rustique au-dessous duquel coulait la source.

THÈME 196e.

Détails sur la mort du Khalife Mamoun (suite.)

On y jeta une belle pièce d'argent, et on put en lire la légende (x) au fond de la rivière, tant l'eau était limpide; cette eau était si fraîche, que personne ne pouvait s'y baigner. Sur ces entrefaites apparut un poisson long d'une brasse et brillant comme un lingot d'argent. Une prime () fut promise à qui le rapporterait; un ferrach () (valet de pied) se hâta de descendre, attrapa le poisson et remonta sur la berge; mais, comme il s'approchait de la rive ou de la cabane dans laquelle Mamoun était assis, le poisson s'agita, glissa à travers ses mains et retomba comme une pierre au fond de la source. L'eau rejaillit sur la poitrine, le cou et les épaules du Khalife et mouilla ses vêtements. Le ferrach redescendit, rattrapa le poisson et le plaça tout frétillant dans une serviette devant le Khalife.

THÈME 197€.

Détails sur la mort du Khalife Mamoun (suite.)

Au moment où il ordonnait de le faire frire, Mamoun fut pris d'un frisson subit et ne put bouger de place; on eut beau l'envelopper de couvertures et de pelisses, il tremblait comme la feuille et criait: «J'ai froid! j'ai froid!» On l'emporta dans sa tente, on le couvrit de vêtements, on alluma un grand feu, mais

il continuait à se plaindre du froid. Quand le poisson fut apprêté, on le lui apporta, mais il n'y goûta pas et ne put y toucher, tant sa souffrance était grande. Son état empirant, Moutaçem (son frère)

et

بختیشوع) interroga alors Bakhtiechou (المعتصم)

ماسويه)

Ibn Masaweïh (x) sur la situation du malade, qui était à l'agonie; il leur demanda ce que la science en concluait et si elle pouvait encore lui rendre la santé.

THÈME 198e.

Détails sur la mort du Khalife Mamoun (suite.)

Ibn Masaweih prit une des mains du malade, Bakhtiechou l'autre, et ils lui tâtèrent le pouls en même temps: ses pulsations irrégulières annonçaient une fin prochaine. Leurs mains se collaient à sa peau par l'effet d'une sueur qui sortait de tout son corps et coulait comme un sirop ou la bave d'une vipère. Moutaçem, instruit de cette circonstance, en demanda l'explication aux deux médecins; ils ne purent la lui donner, parce qu'ils ne l'avaient trouvée dans aucun de leurs livres, mais ils déclarèrent qu'elle annonçait une prompte décomposition de l'organisme. En ce moment, Mamoun reprit connaissance et sortit de sa torpeur; il ouvrit les yeux, fit appeler des gens du pays et les interrogea sur le nom de la source et de la localité.

THÈME 199e.

Détails sur la mort du Khalife Mamoun (suite.)

Des prisonniers et des guides auxquels on demanda ce que signifiait le nom de cette rivière, qui est Kochairah, le traduisirent par «Étends tes pieds» (c'està-dire: Meurs). Le moribond s'émut de cette réponse et en conçut de tristes pressentiments; il voulut ensuite connaître le nom arabe du pays: on lui répondit qu'il s'appelait Rakkah (!) (plage, terrain mou). Or l'horoscope tiré au moment de la naissance de Mamoun annonçait qu'il mourrait dans une localité de ce nom; voilà pourquoi ce prince évita toujours de résider dans la ville de Rakkah, craignant d'y trouver la mort. Quand il entendit la réponse que lui firent ces Grecs, il ne douta plus que ce ne fût le lieu même prédit par son horoscope. D'après une autre version, c'est le mot Bedidoun qui signifierait: «Étends tes pieds ». Dieu sait mieux la vérité.

[ocr errors]

THÈME 200e.

Détails sur la mort du Khalife Mamoun (suite.) Il fit appeler ses médecins, espérant qu'ils le guériraient; mais, se sentant plus mal, il demanda qu'on le portât hors de sa tente, afin de promener ses regards sur son camp, et d'examiner encore une fois ses soldats et son royaume. C'était 'pendant la nuit. Quand sa vue plongea sur ces tentes, sur ces lon

[ocr errors]
« PrécédentContinuer »