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trace très-apparente de ces taches. Alors il me revêtit d'une de ces robes ». Asmaï la portait de temps à autre, quand il sortait, et disait: « Ce vêtement est celui de Suleïman; c'est un cadeau de Réchid ». On raconte que Suleïman sortit un jour du bain avec un vif appétit; il fit accélérer les préparatifs du repas; et en attendant qu'il fut prêt, il se fit apporter tout ce qui se trouvait rôti.

THÈME 171e.

Gourmandise du Khalife Suleiman, fils d'Abd el-Mélik (suite.)

On lui servit vingt agneaux dont il dévora les poitrines avec quarante petits pains (,). Puis quand on apporta le dîner, il mangea avec ses convives, comme s'il n'avait rien pris jusque-là. On rapporte aussi qu'il prenait des corbeilles pleines de halwa (s) (friandises) et les mettait à côté de son lit. Lorsqu'il se réveillait, sa main tombait au hasard sur une de ces corbeilles, et il en dévorait le contenu. (Extrait des Prairies d'or de Maçoudi, vol. 5, traduction de M. Barbier de Meynard.)

THÈME 172.

Le Khalife Mehdi et le paysan.

Le Khalife Mehdi (), faisant une promenade avec Amr ben Rebi (), son affranchi, qui était aussi un poète, il s'écarta de ses gardes et de son escorte, tout en chassant. Il se sentit en grand appétit et dit à son affranchi: «Trouve-moi quelqu'un qui puisse nous donner à manger ». Amr se mit en campagne et finit par découvrir un paysan qui avait un jardin potager à côté de sa petite chaumière. Il entra chez cet homme et lui demanda s'il avait quelque chose à manger. «Oui», répondit-il, «j'ai quelques miches (5) de pain d'orge, du poisson salé (robaït) (5), les légumes que voici et des poireaux.»

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THÈME 173e.

Le Khalife Mehdi et le paysan (suite.)

<< Si tu as avec cela de l'huile », lui dit Mehdi, «ce sera parfait »><. << Il m'en reste un peu », fit le paysan; et il leur servit ses provisions qu'ils mangèrent de bon appétit. Mehdi trouva le repas délicieux et y fit si bien honneur () qu'il ne laissa pas une miette. Il dit alors à Amr de composer des vers de circonstance, et le poète improvisa ceux-ci:

Celui qui nous a servi du poisson salé, avec de l'huile, du pain d'orge et des poireaux,

Mérite pour son mauvais procédé une taloche ou deux, mettons-en même trois.

«Voilà de fâcheuses paroles », s'écria Mehdi; «tu aurais dû plutôt dire:

Mérite pour son bon procédé une bourse ou deux, mettons-en méme trois ».

En ce moment arrivaient les gardes, l'argent et les équipages du Khalife, avec ses eunuques, et il fit donner trois bourses de dirhems au maraîcher.

THÈME 174e.

Le Khalife Mehdi et l'arabe.

Une autre fois, étant à la chasse, son cheval l'emporta au loin, et il arriva mourant de faim près de la tente d'un nomade. « Arabe », lui dit-il, «peux-tu m'héberger? Je suis ton hôte ». L'arabe répondit: « Tu me parais être un homme de bonne mine, puissant et de grande famille; cependant, si tu te contentes de ce qui se trouve chez moi, je te l'offre ». -Apporte ce que tu as», répondit Mehdi. Le nomade lui présenta d'abord du pain cuit sous la cendre (ïloj); le prince le mangea avec plaisir et lui demanda la suite du repas. Son hôte apporta une vessie remplie de lait caillé, qu'il lui servit : «Délicieux», s'écria Mehdi. «As-tu quelque autre chose à m'offrir?»

THÈME 175€.

Le Khalife Mehdi et l'arabe (suite.)

L'hôte alla chercher un reste de nebid () enfermé dans une outre de cuir, et, après en avoir bu une gorgée, il la présenta à Mehdi. Celui-ci but à son tour et lui dit: «Sais-tu qui je suis?» «Vraiment non», répondit l'arabe. Mehdi reprit: « Je suis

. (أنا من خدم الخاصة un des eunuques de la court

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- «Que Dieu bénisse ton emploi», fit l'arabe, «<et qu'il prolonge tes jours, qui que tu sois !» Ensuite il but une seconde écuelle et la présenta à son hôte, qui, après avoir bu, lui demanda encore: «Sais-tu, qui je suis?» «Oui », répliqua le nomade, «tu m'as dit que tu étais un des eunuques de la cour». «Eh bien, cela n'est pas », reprit Mehdi. es-tu?» demanda l'arabe.

-

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<< Alors, qui

THÈME 176e.

Le Khalife Mehdi et l'arabe (suite.)

« Un des généraux de Mehdi». L'arabe le félicita en ces termes: «Que ta demeure soit vaste, que

طاب مزارك !ta tombe soit en odeur de sainteté

se versa une nouvelle rasade et offrit à boire à son hôte; celui-ci, ayant bu, renouvela sa question pour la troisième fois. « Je le sais », répondit l'arabe; «tu prétends être un des généraux de Mehdi». «Non », répliqua celui-ci; «je suis le Prince des Croyants en per

sonne.» A ces mots, l'arabe prit son outre dont il ferma l'orifice en le nouant. «Verse-moi encore à boire», dit Mehdi. «Par Dieu », s'écria le nomade, << tu n'en boiras plus une gorgée ni davantage ». — « Et pourquoi? demanda Mehdi.

THÈME 177e.

Le Khalife Mehdi et l'arabe (suite.) L'hôte reprit: «A la première rasade, tu t'es annoncé comme un eunuque de la cour; j'ai passé làdessus. Ensuite tu t'es donné comme un des généraux du Khalife, passe encore; mais voilà qu'à la troisième rasade tu deviens Prince des Croyants. Par Dieu, si je te verse à boire une quatrième fois, j'ai peur que tu deviennes le Prophète!» Mehdi riait encore de cette boutade, lorsque ses cavaliers entourèrent la tente. A la vue de ces fils de roi, de ces grands personnages qui mettaient pied à terre devant son hôte, l'arabe perdit la tête et ne songea qu'à déguerpir.

THÈME 178e.

Le Khalife Mehdi et l'arabe (suite.)

Déjà il avait pris sa course lorsqu'on le ramena devant le Khalife; celui-ci le rassura et lui fit donner une grosse somme d'argent, des vêtements, des

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