Images de page
PDF
ePub

celui de Constantine, qu'elle conserve encore aujourd'hui. Si cette place forte, grâce à sa position exceptionnelle, put résister au torrent dévastateur de l'invasion vandale, elle eut cependant beaucoup à souffrir des guerres suscitées dans son sein, par les querelles religieuses qui lui portèrent un coup plus terrible que l'islamisme. Lorsque les Français y entrèrent, au mois d'octobre 1837, on y voyait, encore debout, des ruines assez nombreuses pour se faire une idée de son antique splendeur: du côté de la brèche, plusieurs arcades du Tétrapyle, un temple privé seulement de sa toiture, et le grand tunnel en pierres de taille où les grains, s'il faut en croire le géographe Edrisi, pouvaient se conserver pendant un siècle; dans l'enceinte de la Kasba, des citernes colossales qui n'ont pas tardé à être utilisées, des restes de l'Église chrétienne et du temple de Mercure, enfin quelques murs du Capitole, à côté desquels a été exhumée une victoire en airain qui occupe actuellement une place distinguée au musée de la Mairie.

Les autres monuments, tels que le Spelaeum bâti aux frais de P. Ceionius Daecina Albanus, l'arc de triomphe élevé par la munificence de Q, Fulvius Faustus, le por tique de Gratien, l'édicule à quatre colonnes de M. Caecilius Vitalis, ainsi que le bain de Pacatus, avaient laissé un si grand nombre de vestiges, les uns noyés dans les massifs de maçonnerie arabe, les autres servant de soubassement à des mosquées, qu'il n'eut pas été impossible à un habile architecte d'en déterminer l'emplacement. Toutefois, la disposition de l'ancienne Cirta avait cela de particulier, que les bâtiments militaires occupaient, comme du temps des Berbères, et sous l'administration

française, le point culminant du rocher, tandis que les édifices civils, c'est-à-dire les éléments de la vie active, de l'industrie et du commerce, se groupaient aux abords de la porte principale, que nous avons remplacée par la porte Valée. Combien de preuves garantissent cette assertion, sans compter la physionomie extérieure de la ville, évidemment plus accessible de ce seul côté!

Le percement de la rue Impériale ayant provoqué le dégagement de l'angle oriental de la place Nemours, des découvertes d'un certain intérêt se sont produites successivement sur le terrain de M. Cordonnier, qui aboutit à un des pieds droits du tétrapyle, plus connu généralement sous le nom d'El-Maukof. J'ai publié dans la Revue africaine (juillet 1868, p. 241 et suiv.), les inscriptions latines si heureusement rendues à la lumière. Aujourd'hui, c'est une pierre épigraphique que l'on extrait d'un mur arabe où elle avait été posée, la tête en bas. L'écriture est de l'époque des Antonins; le bloc ne mesure pas moins d'un mètre en hauteur. Deux copies de ce monument, destiné à perpétuer le souvenir d'un tétrastyle que surmontait un dome, m'ont été envoyées par MM. Féraud, le secrétaire de la Société Archéologique de Constantine, et Antoine, adjoint au Maire.

En voici la reproduction exacte.

C. IVLIVS

Q. F. QVIR

POTITVS

TETRASTY

LVM. ET

THOLVM

D. E. D

Caius Iulius, Quinti filius, Quirina, Politus, tetrastylum et tholum dedit et dedicavit.

«Caius Julius, fils de Quintus, de la tribu Quirina, surnommé Potitus, a offert et dédié un tétrastyle et une coupole. ▸

Le personnage mentionné dans cette dédicace devait être simplement un des notables de la ville, puisque son nom n'est accompagné d'aucun titre. En effet, l'usage voulait que les habitants parvenus à un certain degré d'opulence, posassent leur candidature aux honneurs municipaux, soit en fondant à leurs frais un établissement d'utilité publique, soit en contribuant à l'embellissement de la localité par l'érection d'un autel, d'une statue, etc. Quant à la désignation de membre de la tribu Quirina, qui figure si souvent dans les inscriptions relevées à Cirta et dans les colonies cirtéennes, elle est de nature à nous faire conjecturer que cette tribu n'était pas seulement destinée à recevoir dans son sein les habitants de Cirta, devenus citoyens romains, mais encore tous ceux de la Numidie qui avaient obtenu le même honneur.

Je viens au tétrastyle en question. Ainsi que l'indique son nom, ce genre de construction se composait de quatre colonnes disposées en carré, et supportant une toiture en forme de dôme ou de coupole tholus. » On l'appelait aussi ædicula tétrastyla, et, la plupart du temps, on plaçait au milieu une statue de marbre ou d'airain. Mais, dans ce dernier cas, la dédicace en faisait mention, comme il appert du no 1835 des inscriptions romaines de l'Algérie, publiées par M. Léon Renier.

HISTOIRE DES VILLES

DE LA PROVINCE DE CONSTANTINE

PAR

L. Charles FÉRAUD,

Interprète de l'armée d'Afrique.

Sparsa colligo.

Dans la plupart de nos villes algériennes, les hommes chez lesquels s'est éveillé le désir et la curiosité bien naturelle de connaître le passé du pays où la destinée les a placés, sont généralement privés des ressources littéraires que la métropole offre en si grande abondance. Constantine, elle-même, chef-lieu de notre province, si largement pourvue que puisse être sa bibliothèque municipale, ne possède pas encore son histoire. Personne, jusqu'ici, n'a entrepris d'en établir la chaîne à peu près complète et détaillée; les éléments en sont épars dans une série de publications spéciales, souvent très rares, appartenant au domaine de l'érudition et qui ne sont, à vrai dire, connues que de très peu de monde; il faut, pour les rassembler, avoir le loisir de se livrer à de nombreuses et patientes recherches.

J'ai entendu beaucoup de gens se plaindre de l'absence

d'un livre accessible à chacun, commode à consulter et réunissant en même temps sur leur patrie d'adoption tout ce qu'il leur importait de connaitre. La Société Archéologique de la province de Constantine, qui s'est imposé la tâche de recueillir et de livrer à la publicité tous les faits authentiques pouvant jeter quelque lumière sur l'histoire locale, tient aussi à honneur de répondre au désir manifesté, et nous osons espérer que le projet qu'elle a conçu, loin d'être considéré comme prématuré, sera au contraire accueilli avec sympathie.

Une œuvre de cette étendue, bien qu'elle se compose de nombreux extraits des meilleurs ouvrages déjà publiés, ne peut s'improviser en un jour; mais il ne dépendra pas de nous qu'elle ne soit achevée dans le plus court délai possible. Sans aucune prétention au point de vue littéraire, elle aura néanmoins, pour les habitants du pays, le mérite de son utilité.

Notre rôle, pour le moment, se borne, répétons-le, à grouper et à coordonner les faits, celui des futurs historiens de l'Algérie sera de les juger et d'en tirer des vues d'ensemble. Chacune des villes de notre province va done être, dans ce Recueil, l'objet d'une étude spéciale, et c'est par Bougie, réputée la plus ancienne, que commence, dès á présent, cette série de monographies.

« PrécédentContinuer »