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sur les murailles de la ville, dans laquelle Abou Farès fit alors son entrée et en parcourut les rues, afin de rétablir l'ordre et de rassurer les esprits. Il fit ensuite réparer les murailles et les ponts. S'étant installé dans le palais, il expédia un courrier à la capitale pour annoncer cette victoire à son père.

La flotte chrétienne arriva au port de Collo, lieu de rendez-vous qu'Ibn Ouezir lui avait assignė; mais cette entreprise n'eut aucun résultat. Trois jours après la réduction de Constantine, Abou Farès repartit pour Bougie.

Un aventurier, nommé Ibn Abi Omara, se disant être El-Fadel, fils du sultan El-Ouathec, apparut quelque temps après dans le pays et y causa une certaine émotion. Cet homme appartenait à une famille de Mecila qui était allée s'établir à Bougie. Il passa ses premières années dans cette ville et prit, en grandissant, une figure assez distinguée. Esprit inculte et sans instruction, il dut exercer le métier de tailleur pour avoir de quoi vivre. Malgré l'infériorité de sa position sociale, il nourrissait l'espoir de monter sur le trône, destin qu'il prétendait lui avoir été annoncé par les devins les plus habiles, et dont la certitude lui paraissait assurée par la géomancie, art qu'il savait pratiquer lui-même. Ayant quitté sa ville natale, il passa dans le désert de Sidjilmassa, et se présenta aux Arabes comme un descendant du prophète. Les Arabes l'entourèrent avec empressement, et, pendant quelque temps, il fut le sujet de tous leurs entretiens. Ibn Abi Omara se mit alors à courir les pays, et, ayant passé dans la province de Tripoli, il fit la rencontre d'un affranchi d'El-Ouathec, qui déclara le reconnaitre pour le fils de son ancien maître. Les populations, convaincues que

c'était bien le prince El-Fadel, lui prêtèrent le serment de fidélité et entreprirent de faire valoir ses droits à la souveraineté. La puissance et la renommée qu'il venait de conquérir, décidèrent enfin le sultan Abou Ishac à expédier une armée de Tunis pour le combattre.... Mais son armée et les villes elles-mêmes firent défection, il ne resta plus alors au sultan que de s'enfuir à Bougie, car tous les liens de sa puissance venaient de se briser. Après son départ, le prétendant fit son entrée à Tunis et s'occupa aussitôt d'une expédition contre Bougie.

Cependant le sultan Abou Ishac, dépouillé du prestige de la royauté, arrivait à Bougie au mois de février 1283. Repoussé du palais par son fils Abou Farès, il dut s'installer dans le jardin appelé Raud-er-Rafiâ, et, cédant aux injonctions de ce fils ingrat, il abdiqua le pouvoir. Abou Farès lui assigna alors pour logement le château de l'Étoile, prit lui-même l'autorité suprême, avec le nom de Motamed Ala'lla (qui s'appuie sur Dieu), et reçut des habitants de la ville le serment de fidélité, au mois de mars 1284.

S'étant ensuite adressé à ses alliés arabes et berbères, il les appela aux armes, laissa son frère, l'émir Abou Zakaria II, à Bougie, en qualité de lieutenant, et marcha contre le prétendant, emmenant avec lui ses autres frères et son oncle, l'émir Abou Hafès.

Quand le prétendant eut appris l'usurpation d'Abou Farès et ses préparatifs hostiles, il quitta la capitale avec ses troupes. Le 1er juin, il rencontra l'armée d'Abou Farès å Mermadjenna, et, à la suite d'un combat qui dura toute la journée, il la mit en pleine déroute. Abou Farès luimême fut lâchement abandonné par ses alliés, et mourut

les armes à la main. Son camp tomba au pouvoir des vainqueurs, et ses frères furent fait prisonniers et massacrés de sang froid. Leurs têtes furent envoyées à Tunis et plantées sur les murailles de la ville, après avoir été portées sur des piques à travers les rues. L'émir Abou Hafès, oncle d'Abou Farès, parvint à s'échapper.

Quand la nouvelle de ce désastre fut connue à Bougie, une vive agitation s'y déclara et le tumulte devint extrême. Les habitants de la ville prirent alors pour chef Mohammed Ibn Israghin, et le chargèrent de commander au nom du prétendant. Cet homme se mit aussitôt à la poursuite du sultan Abou Ishac, qui avait quitté le château de l'Étoile, et l'arrêta dans sa fuite; il fut emprisonné à Bougie en attendant des ordres de Tunis; le prétendant le fit exécuter vers la fin de juin 1283. Quant à l'émir Zakaria II, gouverneur de Bougie, il fut assez heureux pour échapper aux poursuites et se réfugia ȧ Tlem

sen.

L'émir Abou Hafès, qui avait assisté à la bataille de Mermadjenna, ainsi que nous l'avons dit, eut le bonheur d'échapper au sort qui frappa ses neveux: il se sauva à pied de ce lieu fatal et se dirigea vers Kalàat Sinan, forteresse située dans le voisinage du champ de bataille.

Bientôt, le prétendant indisposa les Arabes par l'extrême sévérité des mesures qu'il employa à leur égard. Ceux-ci se mirent alors à la recherche d'un prince de la famille Hafside, afin de l'opposer à l'usurpateur, et ayant appris que l'émir Abou Hafés se trouvait à Kalâat Sinan, ils allèrent le voir et le proclamèrent sultan.

L'apparition d'Abou Hafès, et la reconnaissance de sa souveraineté par les Arabes, excitèrent une profonde sen

sation dans la capitale et lui attirèrent une foule de partisans. D'un autre côté, le mystère qui entourait l'origine du faux El-Fadel s'éclaircissait davantage, et enfin la fausseté de ses prétentions devint tellement évidente, que tous ses partisans finirent par le renier et l'abandonner. Forcé de quitter le camp, il courut se cacher dans Tunis, et le sultan y fit [son entrée au mois de juin 1284. Le faux El-Fadel, découvert dans la retraite où il se tenait caché, fut amené devant le sultan. Accablé d'invectives par ce prince et interrogé en la présence des grands de l'empire, il avoua son imposture et fut mis à mort. Son cadavre fut trainé dans les rues et sa tête plantée sur une perche.

Le sultan Abou Hafès, devenu maître de l'empire, prit le titre d'El-Mostancer Billah, qui avait été déjà porté par son frère.

Cependant l'émir Abou Zakaria II, frère de l'infortuné Abou Farès, qui s'était réfugié à Tlemsen, chez son beaufrère, Othman Ibn Yaghmoracen, s'éloigna brusquement de chez son hôte et, en 1285, arrivait à Bougie dont il prenait posssession. L'année suivante, Abou Zakaria II se mit en campagne et marcha contre Tunis. Pendant cette expédition, on vint lui annoncer qu'Othman Ibn Yaghmoracen, sur l'invitation du sultan de Tunis, se préparait à mettre le siége devant Bougie. Ce prince avait été vivement offensé du procédé d'Abou Zakaria II, son hôte, quittant Tlemsen sans sa permission; mais ses projets échouérent devant la vigoureuse résistance de la place.

Abou Zakaria II, souverain de Bougie, s'occupa sans relâche à parcourir ses provinces, à tout examiner de ses propres yeux, et à faire disparaître les obstacles qui

s'opposaient encore à la prospérité du pays. En l'an 698 (1298-9), il désigna pour lui succéder son fils, l'émir Abou el-Baka Khaled, et l'établit à Constantine, en qualité de gouverneur. Aussitôt qu'il eut rendu le dernier soupir, cet émir fut rappelé à Bougie et reçut, en arrivant, les hommages solennels de tous ses sujets.

Nous avons dit que les Mérinides avaient tourné leurs armes contre Bougie, sur l'invitation du sultan de Tunis. Pour mettre un terme aux hostilités qui duraient encore, le sultan Abou el-Baka se décida, en montant sur le trône, à nouer des rapports d'amitié avec le sultan tunisien.

Plus tard, un traité de paix fut négocié entre les deux souverains de Tunis et de Bougie. L'un des articles, signé par le sultan Abou el-Baka lui-même, portait que celui des deux monarques qui survivrait à l'autre hériterait du trône vacant et serait reconnu comme sultan. La ratification de ce traité se fit d'abord à Bougie, en présence des grands officiers et cheïkhs almohades, et à Tunis avec la même formalité. Bien que les deux parties eussent déclaré solennellement qu'elles acceptaient cet acte comme valide, et qu'elles en rempliraient toutes les conditions, les Tunisiens refusèrent de s'y conformer lors de la mort de leur sultan. Abou el-Baka se trouvait à Bougie, capitale de ses états, quand il apprit la maladie du sultan de Tunis, Abou Acida, et, craignant que les gens de Tunis ne fussent tentés de rompre le traité qui assurait au dernier survivant des deux souverains le droit de succéder à l'autre, il résolut de se rapprocher de Tunis, afin de veiller à ses intérêts. Abou Acida étant mort, les Tunisiens proclamèrent un autre prince pour lui suc

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