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cienne Sitifis, après avoir pris l'engagement de soutenir leur roi Yahia. Abd Allah, fils d'Abd el-Moumen, obtint de son père un corps de renfort et marcha à leur rencontre. Les deux partis en vinrent aux mains, près de Setif, el continuèrent à se battre pendant trois jours. Mais enfin les Arabes reculèrent en désordre, après avoir perdu beaucoup de monde, et ils laissèrent leurs troupeaux, leurs femmes et leurs enfants au pouvoir des Almohades.

El-Areth, fils d'El-Aziz et seigneur de Bône, s'enfuit en Sicile et, ayant obtenu quelques secours du seigneur de cette île, il revint prendre possession de la ville qu'il avait abandonnée. Plus tard, il tomba au pouvoir des Almohades et mourut dans les tourments. Avec lui s'éteignit la dynastie hammadite.

Abd el-Moumen, le nouveau conquérant, donna le gouvernement de Bougie à son quatrième fils, Abou Mohammed. En 1160 ou 61, les Génois renouvelaient leurs traités de commerce avec le sultan Abd-el-Moumen. Ce pacte assurait, dans toute l'étendue des terres et des mers de l'empire almohade, la liberté des personnes et des transactions aux sujets et aux protégés de la république. Le traité fixa à huit pour cent les droits à percevoir sur les importations génoises pour tout le Moghreb, à l'exception du port de Bougie, où le tarif était élevé à dix pour cent, attendu que le quart du droit perçu à Bougie devait faire retour à la république de Gênes. Cette réserve se réfère évidemment à des conventions antérieures, qui avaient dû régler les conditions du commerce des Génois à Bougie, et qui remontaient peut-être au temps des souverains hammadites.

Le 6 mai 1166, un des consuls de la république de Pise, Cocco Griffi, se rendit auprès du sultan l'émir ElMoumenin Abou Yacoub, fils d'Abd-el-Moumen. En négociant un traité avec le sultan, il devait aussi veiller au sauvetage et au rapatriement d'une galère pisane qui, poussée par la tempête jusque sur la côte de Gigelli, avait perdu ses gens, tous massacrés ou conduits dans les prisons de Bougie. Sur ces faits de violence, dont les traités postérieurs eurent toujours pour objet de prévenir le retour, Cocco Griffi paraît avoir obtenu pleine satisfaction. Il eut aussi à se louer de ses négociations de paix et de commerce avec les quatre villes de Ceuta, Oran, Bougie et Tunis. En aucun autre lieu, ils ne devaient aborder, si ce n'est pour chercher un abri momentané au milieu d'une tempête (1).

Le gouvernement de la ville de Bougie continuait, cependant, à être confié à des princes de la famille d'Abd el-Moumen. L'un d'eux restaura le Refia et le Bedia, jardins dont les Hammadites avaient orné la ville de Bougie, et qui étaient tombés en ruines.

En 581 (1183), Ali Ibn Ghanïa, à la tête des Almoravides maïorcains, réussit à surprendre Bougie et à s'en emparer. Il étendait déjà son autorité vers Alger, la Kalâa et Constantine, quand Yousof el-Mansour, petit-fils et successeur d'Abd el-Moumen, informé de cette agression, expédia des troupes qui forcèrent Ibn Ghania à s'éloigner vers le sud (2).

Les Hafsites allaient, à ce moment, s'emparer du pou(1) De Mas-Latrie.

(2) Les fils et successeurs d'Abd el-Moumen furent Abou Yakoub, Yousof, Yakoub el-Mansour, En-Nacer, Mostancer el-Mamoun.

voir. Abou Hafes, chef de la tribu berbère des Hintata, fut le premier qui prêta le serment de fidélité au méhédi, et, par son exemple, entraîna d'autres personnages marquants. Ce fut ainsi qu'il devint un des intimes du méhédi. Il prenait rang immédiatement après Abd elMoumen. Pendant le règne de ce dernier, toutes les affaires importantes se réglaient d'après l'avis d'Abou Hafes.

Abou Zakaria Ier, petit-fils d'Abou Hafes, mécontent de la conduite que tenaient au Maroc les successeurs d'Abd el-Moumen, se rendit maître de Tunis en 625 (juin 1228), et se déclara indépendant. C'est à partir de cette époque, que Bougie passa sous la domination des Hafsites.

Après avoir répudié la souveraineté de la famille Abd el-Moumen, l'émir Abou Zakaria s'empara de Bougie et y installa, en qualité de gouverneur, son fils, l'émir Abou Yahia Zakaria, en lui accordant, en même temps, le gouvernement de toutes les localités qui dépendaient de cette ville, telles qu'Alger, Constantine, Bône et le Zab (1).

En 647 (1249), l'émir Abou Zakaria Ier mourut à Bône; son fils, l'émir Abou Abd Allah, lui succéda sous le titre d'El-Mostancer Billah (qui cherche la victoire avec l'aide de Dieu). Sous son règne, en 1270, le roi de France Saint-Louis, fit une expédition contre Tunis. Des officiers, envoyés par le sultan El-Mostancer dans les provinces de l'empire, lui amenèrent de nombreux renforts pour repousser les chrétiens. Abou Hilal, qui était à cette époque gouverneur de Bougie, arriva à la tête d'une armée composée d'Arabes nomades et de Berbères. De retour de Tunis, le même Abou Hilal partit de Bougie, marcha contre (1) Ibn Khaldoun, t. II, p. 329.

Alger qui s'était révolté, et l'assiégea sans succès pendant l'espace d'un an. Ayant alors repris la route de Bougie, il mourut à son camp. Le sultan s'étant décidé à renouveler ses tentatives, y envoya une autre armée l'année suivante et y expédia sa flotte en même temps. La ville d'Alger se trouva bientôt ainsi étroitement bloquée par terre et par mer, et fut emportée d'assaut.

Mohammed, fils de Abou Hilal, avait succédé à son père dans le commandement de Bougie, et y fit preuve d'une haute capacité. Lors de la mort d'El-Mostancer et de l'avénement d'El-Ouathec, Mohammed envoya au nouveau sultan l'assurance de son dévouement, et lui fit porter, par une députation, les hommages du peuple de Bougie.

Le fonctionnaire chargé de l'administration des revenus de la province s'étant rendu odieux par sa conduite despotique, fut massacré par quelques conjurés. Après cet assassinat, les habitants de Bougie et leur gouverneur virent que le seul moyen d'échapper à la vengeance du sultan était de reconnaître la souveraineté d'Abou Ishac, frère d'El-Mostancer, qui venait d'arriver d'Espagne, pour faire valoir ses droits au trône. Ils le firent prier, par une députation, de venir prendre possession de la ville. Le prince répondit à leurs vœux et fit son entrée à Bougie. Les Almohades et les notables de cette ville lui prêtèrent aussitôt le serment de fidélité. Quand le sultan El-Ouathec apprit l'entrée du sultan Abou Ishac à Bougie, il envoya contre lui un corps de troupes commandé par Abou Hafes son oncle. Mais celui-ci lui fit défection, et reconnut la souveraineté de l'émir Abou Ishac. El-Quathec, voyant que la ville de Tunis était restée sans garnison et lui-même sans amis, sentit l'impossibilité de

garder le pouvoir; il abdiqua en faveur du sultan Abou Ishac le 13 juillet 1279. Abou Farès, l'aîné des fils du nouveau sultan, fut alors nommé souverain absolu de la ville et de la province de Bougie.

Quand Abou Farès fut arrivé dans sa capitale, le gouverneur de Constantine, Ibn Ouezir, crut avoir trouvé le moment opportun pour usurper le pouvoir, et il demanda par écrit au roi d'Aragon l'envoi d'un corps de troupes chrétiennes qui s'établirait à Constantine, et ferait des incursions sur le territoire du sultan. Le monarque chrétien accueillit cette proposition et annonça l'envoi d'une flotte.

Vers la fin de l'an 680 (mars-avril 1282), Ibn Ouezir leva le masque et se fit proclarer souverain à Constantine. L'émir Abou Farès partit aussitôt de Bougie à la tête de son armée, et, ayant rallié autour de lui une foule de guerriers arabes et de cavaliers fournis par les tribus, il alla camper à Mila. Là, il reçut une députation des cheikhs de Constantine, chargés, par l'usurpateur, de lui présenter des souhaits, bien peu sincères, d'amitié et de réconciliation. Le prince refusa de les écouter et marcha sur Constantine, où il arriva dans la matinée du 9 juin 1282. Ayant alors rassemblé des ouvriers, il commença le siége et dressa les catapultes, pendant que ses archers occupaient des positions plus rapprochées de la ville.

L'attaque avait duré à peu près un jour, quand un détachement escalada les murs et pénétra dans la place. Ibn Quezir soutint l'assaut avec une bravoure extrême; mais ayant eu la retraite coupée, il mourut, ainsi que son frère et tous ses partisans. Leurs têtes furent plantées

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