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2o Une couche de peuples noirs peu prognathes, que les anciens nommaient Ethiopiens noirs, descendants des populations néolithiques soudanaises d'origine hamitique qui ont laissé de nombreuses traces dans tout le Nord africain. Ces peuples sont caractérisés actuellement par l'emploi d'outils en pierre, et l'usage de la poterie. Ils se livrent à l'agriculture, la chasse et la pêche, habitant des cases de paille en forme de ruche. Les femmes ne sont pas excisées. Tous restent fortement attachés à leur culte spiritualiste et ne donnent que de tièdes musulmans. Morts, ils sont encore enterrés assis, accroupis ou repliés (1);

3o Toute une série de populations dénommées rouges par les légendes locales et les écrivains anciens, parmi lesquelles nous entrevoyons une juxtaposition de plusieurs éléments ethniques dont l'un, probablement Semites-Sumériens, est représenté par les sédentaires industriels auteurs de la civilisation saharienne et soudanaise, caractérisé par des habitations en terre ou en pierre édifiées avec un sentiment de la décoration très prononcé. Ce groupe reste de préférence industriel et commerçant, quoique bon agriculteur.

L'autre élément se compose des tribus pastorales nomådes, dę civilisation primitive et stationnaire, provenant, selon toute probabilité, des peuples pasteurs que les traditions locales de Bello assimilent aux Berbères.

Les individus non islamisés de ces deux groupes ont introduit au Soudan une philosophie animiste avec le culte des ancêtres, le respect des morts, et la croyance à une triade

(1) Ce genre de sépulture a été signalé par Hérodote pour les Nasamons et se retrouve dans toute l'Afrique du Nord.

divine; mais dès qu'ils sont convertis à la religion musulmane, ils deviennent tous des prosélytes fervents de l'islamisme;

4o Nous voyons enfin se superposer à ces groupements métissés toute une série de populations hétérogènes, nègres prognathes, pasteurs et cavaliers nomades, venant du Sud et de l'Est occuper l'Ouest soudanais sous la conduite de familles d'origine et de type Mongol. Les traditions locales et la linguistique font descendre ces familles d'une invasion des pasteurs en Egypte décrite par Bello comme un exode vers. le Sud d'une partie des Berbères.

Ils amènent avec eux des bœufs et des chevaux (type Dongola) de l'Afrique orientale, et produisent une forte régression dans la civilisation soudanaise, en méprisant toutes les industries, même celle de la construction, car ils habitent des cases cylindriques en terre à toit conique de paille. Ils apportent une langue agglutinante et établissent de fortes organisations féodales; mais, ignorant tout travail d'art, ils réduisent les primitifs en servage. Polygames, ils introduisent l'excision chez les femmes qu'ils se procurent par achat. Enfin, n'ayant que des idées religieuses simplistes tournant au fétichisme, ils restent généralement réfractaires à l'islamisme.

Toutes ces hypothèses et toutes ces probabilités doivent encore être sérieusement confirmées par une série de recherches dans la préhistoire, l'archéologie, l'anthropologie et la linguistique des peuples soudanais et sahariens, vastes champs ouverts à l'activité des explorateurs, des chercheurs et des savants dont les découvertes et les trouvailles

permettront sans doute de soulever peu à peu le voile qui recouvre dans ce coin de l'Afrique les origines de l'humanité.

Toutefois, on peut conclure, d'après la longue série d'observations et de faits exposés dans cette étude sur les populations nigériennes et soudanaises, que les primitifs négroïdes et les négrilles se sont généralement montrés toujours incapables de créer par eux-mêmes une « société organisée »> et de soumettre à des règles leur individualisme intransigeant.

Ces peuplades refoulées peu à peu dans les forêts du Sud et de l'Ouest y végètent encore dans le même stade de sauvagerie qu'aux temps préhistoriques.

Quant aux tribus qui sont parvenues à une organisation sociale embryonnaire, comme les Oumbi, Bobo, Lobi, etc., elles ne le doivent qu'à un métissage continu et une infiltration lente de populations venues de l'Est, sachant utiliser la pierre et connaissant la poterie. Elles deviennent alors plus aptes à s'imprégner des idées civilisatrices importées du NordEst par des populations contenant des éléments asiatiques. En effet, il apparaît clairement que nous devons tout l'éclat des empires soudanais aux groupements migrateurs et colonisateurs qui ont fait pénétrer, jusqu'aux rives du Niger, en partant des bords de la Méditerranée, avec leur organisation sociale en confédération, leurs arts, leur industrie, leurs conceptions religieuses, et une civilisation pleine d'affinités phénico-égyptiennes et lybico-berbères.

Nous constatons également que les éléments ethniques étrangers, introduits par les populations colonisatrices ou envahissantes du Nord, disparaissent en Nigritie absorbés lentement par de nombreux métissages avec les aborigènes noirs; et, chaque fois que le fonds des peuples primitifs

nigrètes est arrivé à prendre une prédominance marquée ou la prépondérance politique, nous voyons la civilisation soudanaise subir une forte régression vers la barbarie.

Cependant, en songeant que dans notre Afrique occidentale française nous trouvons éparpillées dans tous ses vastes territoires de nombreuses colonies d'industriels, de commerçants et d'agriculteurs qui avaient créé Ganna, Djenné, Tombouctou, Gao, villes commerciales si célèbres dans le monde au moyen âge qu'elles excitèrent jusqu'à nos jours la curiosité et l'imagination de l'univers, nous devons envisager avec beaucoup d'espoir l'avenir, persuadés qu'avec le concours de tels auxiliaires nous pourrons continuer à appliquer à la Nigritie le proverbe que l'ancienne opulence développée par ces colonisateurs avait fait naître :

<< Contre la gale du chameau emploie le goudron et contre la misère un voyage au Soudan ».

1906.

La Galère (Théoule Supérieur), A. M.

TABLE DES MATIÈRES

PRÉFACE.

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Rapport du Dr E.-T. Hamy, de l'Institut, à la Commis-
sion des prix de la Société de géographie de Paris

INTRODUCTION

Pages

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APERÇU GÉOGRAPHIQUE ET NOTE GÉOLOGIQUE.

Note minéralogique de M. le professeur Lacroix membre de

l'Institut, professeur au Muséum.

PREMIÈRE PARTIE

Archéologie

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Etudes des vestiges laissés par les anciennes civilisations soudanaises.

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