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Ifkas alf idinaren niduîn. Donga-lui mille dinars

Irouh.

autres. et il s'en-alla.

Quelques pièces en dialecte touareg auraient pu se placer à la suite de ces extraits, mais elles présentent des difficultés tellement graves, que nous devons en suspendre la publication. L'écriture des Touaregs pourrait donner lieu à plusieurs observations, si nos renseignements étaient assez complets pour autoriser l'examen de ce sujet intéressant.

On voit par les extraits précédents que la langue des Berbères, dans son état actuel, renferme un grand nombre de mots arabes; cette race africaine, ayant accepté la religion du conquérant, a toujours tâché d'en adopter le langage. Plusieurs tribus berbères ont fini par oublier leur idiome; et les autres, à l'exception toutefois des Touaregs, se sont formés des dialectes hybrides dans lesquels l'élément arabe tend graduellement à prédominer. Partout où l'islamisme s'est introduit, la langue nationale a subi l'influence de la langue arabe au point de s'en laisser saturer ou de se neutraliser. Le Berbère s'est assimilé l'arabe avec une grande facilité; il a même accueilli des mots appartenant aux turc et aux langues européennes; de nos jours, il reçoit sans difficulté certains termes français et espagnols.

Cependant, il ne renferme presque rien ni du phénicien, ni du latin, ni du vandale; bien que les Carthaginois, les Romains et les bandes de Genserich eussent dominé assez longtemps sur l'Afrique pour pouvoir communiquer aux indigènes une partie des mots dont se composaient leurs langues. Il est vrai que les peuples berbères latinisés vivaient à demeure fixe; aussi, quand la conquête de leur pays par les musulmans les priva de l'appui

des Romains, ils so virent exposés aux envahissements des Berbères nomades: une partie fut exterminée; le reste se dispersa dans les tribus et perdit bientôt tout ce qu'il avait appris de la civilisation européenne. Un siècle auparavant, les débris du peuple vandale étaient allés se confondre avec les tribus berbères de l'Auras; la population punique avait disparu, ainsi que son dialecte sémitique, bientôt après le triomphe des Vandales; et l'on ne peut guère supposer que les Berbères insoumis et moitié sauvages eussent daigné apprendre et conserver quelques mots appartenant aux langues des peuples qu'ils avaient toujours détestés et qui venaient de succomber.

Ibn-Khaldoun a consacré deux chapitres de son ouvrage (tome 1, page 167 et sniv., et tome 1, page 180 et suiv.) à l'exposition et à l'examen des renseignements fournis par les écrivains musulmans qui traitent des origines berbères. Les opinions qu'il discute et qu'il réfute, presque toujours avec raison, proviennent de deux sources, l'une arabe, l'autre berbère. On pourrait attribuer une certaine valeur aux indications fournies par les auteurs arabes, si l'on ne savait pas que, dans l'histoire des deux premiers siècles de la domination musulmane en Afrique, les dates les plus importantes sont inexactes et que le récit des faits est très-incomplet et souvent peu croyable. Jusqu'au milieu du deuxième siècle de l'hégire, les annales de l'islamisme offrent une foule de contradictions et de lacunes; pour ce qui regarde l'Afrique septentrionale, on remarque, surtout dans les plus anciens historiens, des fausses dates assignées à la nomination des gouverneurs, et l'on s'est aperçu que l'exposition des événements politiques qui eurent lieu pendant cette époque ne peut soutenir un examen critique. Sans le secours de la Byzantine et des chroniques européennes, nous ne saurions avec certitude ni l'année de la prise de Carthage, ni celle de la conquête de l'Espagne. Même en ce qui touche à l'histoire de leur propre pays, les Arabes n'ont jamais eu que des notions très-confuses. Hors les événements qui signalèrent la carrière de Mahomet; tout ce qu'ils nous racontent de l'ancienne Arabie est peu satisfaisant et souvent contradictoire. Leurs gó

néalogies mêmes, ces souvenirs auxquels ils tenaient avec l'esprit le plus vif de l'amour-propre, ne sont pas toujours complètes: celle de leur Prophète offre une énorme lacune que les musulmans les plus savants n'ont jamais pu combler, malgré leurs recherches. L'histoire des rois himyerites résiste à toutes les tentatives que nos orientalistes ont faites pour la débrouiller; celle des deux familles les plus célèbres de l'Arabie, des Ghassanides, phylarques de la Syrie, et des Lakhmides, rois de Hira, s'accorde rarement avec les indications, bien plus dignes de foi, que nous trouvons dans la Byzantine. Leurs données sur l'histoire de la Perse pendant les temps antéislamiques fourmillent de fables et d'inexactitudes; leur histoire des Patriarches est d'une absurdité révoltante: leurs notions relatives à l'empire romain et à l'empire byzantin sont presque nulles. On ne peut donc espérer des Arabes une suite de bons renseignements sur un peuple aussi obscur que la race berbère.

Comment pourraient-ils nous enseigner l'origine de ce peuple, eux qui n'avaient pas fait des recherches sur leur propre origine, tant qu'ils ignoraient l'islamisme? Ce fut seulement dans le troisième siècle de l'hégire que les Arabes commencèrent à écrire. leur histoire avant cette époque, ils étaient trop occupés de conquêtes, de pillage et de leurs guerres civiles pour y penser. Aussi, quand les premiers historiens musulmans eurent entrepris de mettre par écrit les grands événements qui, jusqu'alors, avaient marqué la carrière de l'islamisme, ils se trouvèrent dans l'impossibilité de rien préciser au milieu d'une masse de traditions véreuses et de récits discordants. Ils durent se contenter de rapporter, sans examen, tous les renseignements qu'ils avaient recueillis, et de laisser au lecteur le soin d'y chercher la vérité. Les ouvrages d'Et-Taberi, de Mohammed-Ibn-Ishac, d'Abou-'lFeredj-el-Ispahani et d'Ibn-Abd-el-Hakem en sont la preuve.

Ibn-Khaldoun cite les écrits de plusieurs savants arabes qui ont traité des origines berbères; mais tous ces auteurs, à l'ex-. ception d'un seul, du célèbre Ibn-Coteiba, composèrent leurs ouvrages postérieurement au troisième siècle de l'hégire. A remonter de cette époque jusqu'à la chute de Carthage, on trouve plus

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I

de deux cents ans, période de combats et de révolutions pendant laquelle les souvenirs nationaux du peuple berbère ont dû s'altérer et même s'effacer sous l'influence de l'islamisme. Ce fut cependant aux Berbères que ces écrivains ont dû emprunter les renseignements qu'ils rapportent; autrement, ils les auraient inventés. On prévoit d'avance le désaccord qui doit régner entre ces indications ramassées au hasard et provenant de diverses sources. Selon Ibn-Coteiba (voy. t. 1 de cette traduction, pages 175 et 184,) et Djordjani (voy. t. 1, p. 26), les Berbères sont les enfants de Djalout (Goliath); selon Et-Taberi (t. 1, p. 175), ce sont des Cananéens et des Amalécites qu'un certain Ifricos transporta en Afrique après la mort de Djalout; - selon Es-Souli (t. 1, p. 176), ils descendent des Misraïm, c'est-à-dire, des anciens Égyptiens; selon El-Masoudi (t. 1, p. 174), ils faisaient partie des Ghassanides du Yémen ; Ibn-Abd-el-Berr (tome 1, page 174) repousse la tradition qui fait descendre les Berbères d'un peuple yéménite; Ibn-Hazm (tome 1, page 48) regarde les Zenata comme les descendants de Berr, mais il oublie de nous informer, chose cependant assez importante, si ce Berr était fils de Caïs, et, par conséquent, d'origine arabe, ou bien s'il était fils de Canaan; - Bekri (t. 1, p. 177) fait chasser les Berbères de la Syrie par les Israélites après la mort de Goliath; - Malek-Ibn-Morahhel (t. 1, p. 176, t. IV, p. 96, l'Anthologie grammaticale de M. de Sacy, p. 443), essaie de concilier toutes ces données; selon lui, «les Berbères >> se composent de diverses tribus himyerites, moderites (arabes), >> coptes, amalécites, cananéens et coréichides qui s'étaient >> réunies en Syrie et qui parlaient un jargon barbare. Ifricos les

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nomma Berbères. » Il y avait donc des Coreichides du temps. d'Ifricos; or, Coreich, l'aïeul de cette famille, naquit vers l'an 200 de notre ère; donc, les Berbères et Ifricos lui-même, celu qui, dit-on, donna son nom à l'Afrique, arrivèrent en ce pays entre les ans 222 et 622 de notre ère !

Ibn-Khaldoun repousse toutes ces opinions et nous dit hardiment que le fait réel, fait qui dispense de toute hypothèse, est « ceci les Berbères sont les enfants de Canaau, fils de Cham,

:

» fils de Noé. » `(t. 1, p. 184). Notre auteur avait du jugement, du bon sens, beaucoup plus qu'il ne s'en trouve ordinairement chez les auteurs musulmans; il réfute très-habilement les opinions de tous les écrivains que nous venons de nommer, mais il oublie de nous dire sur quelles bases il a fondé la sienne. Il savait, cependant, très-bien que, dans les questions historiques il faut des preuves, et que ces preuves doivent être contrôlées avec beaucoup de soin; c'est fâcheux que, dans la partie la plus intéressante de son ouvrage, il ait perdu de vue ce principe salu-. taire. Aussi, dans cette question, son assertion ne vaut pas plus. que celle de ses devanciers.

Il avait entre les mains plusieurs traités généalogiques et historiques composés par des érudits de race berbère et rédigés probablement en arabe, ainsi que nous avons eu l'occasion de le faire remarquer. Il les cite en divers endroits de son ouvrage; il en donne même des extraits; mais il ne dit pas en quelle langue ces traités furent écrits et il néglige d'en nommer les auteurs. Tout ce que son ouvrage nous apprend à cet égard revient à ceci que, parmi les historiens et les généalogistes berbères les plus. distingués l'on remarquait :

4o Sabec-Ibn-Soleiman, membre de la tribu des Matmata;

20 Hani-Ibn-Masdour (ou Isdour), de la tribu des Koumïa, et probablement généalogiste de la famille royale des Almohades; 3o Hani-Ibn-Bekour, de la tribu des Darîça;

40 Ibn-Sabec, fils, peut-être, de Sabec-Ibn-Soleiman;

5o Kehlan-Ibn-Abi-Loua, le matmatien;

6o Aïoub, fils du célèbre aventurier, Abou-Yezîd;

7° Abou-Mohammed - Bou-Ighni, de la tribu des Berzal;

8o Ibrahim-el-Timzoughti, généalogiste zenatien.

Le cinquième et le sixième de ces personnages vivaient dans. le quatrième siècle de l'hégire; le huitième enseignait dans la première moitié du huitième siècle de l'hégire; quant aux autres, on ne sait à quelle époque ils écrivaient.

Les renseignements fournis par ces auteurs s'accordent aussi peu ensemble que ceux des généalogistes arabes, et leurs indications ne servent qu'à embrouiller encore davantage les notions

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